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Interview AEP

Congrès UICN : Interview de Madame Inger Andersen, Directrice Générale de l’UICN

Quelles sont d’après vous les priorités actuelles de l’UICN en matière de conservation sur le plan mondial ?

La crise actuelle de la biodiversité, souvent qualifiée de 6è grande vague d’extinction doit nous interpeller sur l’urgence de nos actions. Il nous faut continuer à fournir des connaissances et du soutien aux décideurs politiques pour qu’ils puissent prendre les bonnes décisions. Il convient bien sûr de continuer à développer toute la gamme des actions qui vont nous permettre de tenir les engagements internationaux tels que les objectifs d’Aïchi, auxquels les nations ont souscrit en 2010. C’est par exemple la multiplication des aires protégées, aussi bien terrestres que marines pour atteindre la cible 11 de ces objectifs.

Mais il va également falloir aller plus loin, pour lutter contre les causes sous-jacentes de cette érosion extrêmement rapide de la biodiversité, telles que les subventions néfastes, ou encore l’agriculture non durable, et bien sûr le changement climatique. Cela veut dire démontrer toujours mieux la pertinence des solutions fondées sur la nature.

 

Les Africains vous ont soumis leurs attentes lors du Forum Afrique dans ce Congrès.  Quelle est votre perception des enjeux actuels de la conservation pour ce continent ?

La conservation en Afrique souffre des mêmes maux qu’ailleurs, même s’ils sont parfois exacerbés. Les enjeux à court terme sont clairement centrés sur les besoins en matière de gouvernance et de lutte contre tous les trafics illicites d’espèces menacées.

La croissance démographique projetée devrait conduire le continent africain à être le plus peuplé à la fin du siècle avec près de 4 mds d’habitants. La croissance concomitante des besoins primaires (eau, électricité, éducation) aggrave la crise et se traduit par une réduction drastique des milieux préservés de l’exploitation ou de l’urbanisation.

Il convient donc d’inventer un nouveau modèle de développement qui intègre la protection et la bonne utilisation des ressources naturelles. Cela est tout à fait possible mais exige de repenser la manière dont les politiques foncières, agricoles et urbaines sont mises en œuvre, pour éviter les effets négatifs sur la nature.

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Le financement de la conservation est l’un des handicaps majeurs de la conservation dans la mise en œuvre des projets. Quelle réponse l’UICN apporte à cette problématique ?

Le contexte international – notamment la crise des migrants en Europe – constitue un défi majeur pour le financement de la conservation, en raison des priorités immédiates d’un grand nombre de gouvernements. L’UICN travaille néanmoins à développer et promouvoir des mécanismes divers de financement de la conservation, depuis l’aide publique au développement « classique » jusqu’aux financements innovants tels que le paiement pour les services écosystémiques, en passant par les fonds fiduciaires.

Sur le plan des projets, le fait que l’UICN soit depuis peu accréditée à la fois au Fonds pour l’Environnement Mondial et au Fonds Vert pour le Climat devrait permettre d’accroitre significativement le financement de nos actions, et plus encore celles de nos membres.

Quelle est votre perception générale du déroulement de ce Congrès et quels sont les défis à venir  pour l’UICN et ses membres?

Le Congrès est de notre point de vue un succès, tant par le nombre de participants que par le contenu de très haut niveau. Evidemment, il reste de nombreux défis, en particulier celui d’ouvrir nos débats à un public beaucoup plus large que celui des professionnels de la conservation que sont les membres de l’UICN. Il nous faut impliquer les entreprises, mais également le secteur financier, les agriculteurs, etc. Ce n’est qu’en démontrant à quel point la protection de nature est une partie indispensable d’un développement durable que nous parviendrons à enrayer la perte de biodiversité actuelle. Pour ce faire, il nous faut être dans tous les débats sur les modèles de développement, et apporter la preuve de notre pertinence sur les sujets critiques que sont les conflits, la sécurité alimentaire ou encore le changement climatique.

Par Raoul SIEMENI

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