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Interview AEP

Docteur  VEERLE VANDEWEERD, Directrice environnement et énergie au Programme des Nations Unies pour l’Environnement

Afrique Environnement Plus: Comment percevez-vous le terme environnement, et quel rapport faites-vous entre l’environnement et l’énergie ?

Dr VEERLE : Je dirais que l’environnement est vraiment critique pour le développement. Il y a des gens pauvres, vulnérables qui dépendent de l’environnement pour leur survie. Donc,  l’environnement et le développement sont deux points étroitement liés à l’existence humaine ; et je pense que  travailler pour l’environnement dans une organisation qui travaille pour le développement est l’une des choses les plus importantes que l’on puisse faire, surtout en Afrique où pas mal de gens survivent grâce à l’environnement. L’environnement  est l’une des préoccupations pour tous les gouvernements en Afrique.

Afrique Environnement Plus: Quelles sont les priorités des Nations Unies  en matière d’environnement, surtout quand on  sait qu’actuellement tous les gouvernements semblent s’en approprier ?

Dr VEERLE : Au nombre  des priorités, on peut compter l’énergie, l’eau et la  cruciale  problématique du changement climatique. Pour commencer avec l’énergie, le Secrétaire général  des Nations Unies a lancé un vaste  programme mondial pour s’assurer que tout le monde aura l’accès à l’énergie  d’ici   2030. Surtout en Afrique,   beaucoup de gens  n’ont pas encore l’accès à l’énergie, et utilisent encore le bois pour faire la nourriture, pour se chauffer. Tandis  que l’Afrique  dispose de  plein d’énergie renouvelable. Donc, c’est un programme qui est réalisable et nous avons besoin d’une volonté politique. Nous espérons que d’ici quelques années, le Congo et les autres pays vont commencer à vraiment ériger des plans pour que tout le monde ait l’accès à l’énergie renouvelable. De l’autre côté, l’eau est vraiment importante, car sans elle, il est difficile de vivre, donc la gestion de l’eau est très importante pour le développement. Mais la protection et la conservation des eaux est synonyme de   la protection et de la  conservation des forêts, des sols, c’est la gestion des ressources naturelles. Il y a aussi le changement climatique, et sur cet aspect, tous les scientifiques  sont d’accord  qu’il est devenu  une réalité,  il faut préparer les pays à s’adapter au changement  climatique. Donc, l’énergie, l’eau et le changement climatique sont   les grands thèmes sur lesquels nous travaillons actuellement.

Afrique Environnement Plus: Depuis le sommet de la terre, tenu en 1992,  jusqu’à nos jours, plusieurs   initiatives avaient été prises pour amener les Etats, particulièrement ceux industrialisés,  à réduire leurs émissions de GES. Ne peut-on pas en déduire que tous ces efforts sont des échecs et que le sort de  l’humanité est déjà scellé ?   

Dr VEERLE : Vous avez effectivement raison. Il est vraiment regrettable de constater que malgré l’évidence scientifique de la réalité du changement climatique, l’urgence de réduire les émissions nocives ne semble pas être une priorité pour les pays du nord. Et que  ce sont les pays du sud, les gens qui vivent en Afrique qui  en souffrent le plus.  Je suis convaincu que puisque le réchauffement de la terre est une chose qui va affecter tout le monde, qu’on va prendre des mesures, mais, cela va prendre beaucoup de temps.  Ce qui est en train de se dérouler n’est surement pas l’action la plus rationnelle que le monde puisse faire, mais avec la crise économique dans le nord, il est difficile de convaincre les gens qui ne souffrent pas au quotidien des effets du changement climatique,  de soutenir financièrement les projets écologiques, de faire des politiques économiques différentes. Je suis d’accord avec vous, on aura des impacts assez importants et en  ce moment, il sera trop tard pour prendre des mesures concrètes.

Afrique Environnement Plus: Les Nations Unies se sont engagées par un mécanisme dit REDD à encourager  les Etats dans la  séquestration, mais au regard du fait que les fonds qui devaient permettre de soutenir  ce processus  proviennent  des pays industrialisés,  pensez-vous   qu’il y ait une durabilité de ce programme des Nations Unies ?

Dr VEERLE : Il faut dire que le crédit carbone est devenu un produit qu’on peut échanger sur le  marché international.  Certes  pas encore rentable comme les autres produits classiques puisque  le mécanisme  international n’est pas encore établi, mais au fur et à mesure que les effets du changement climatique vont se faire ressentir, le prix du carbone  et le coût de  protection des forêts vont augmenter. Ce sera deux marchés différents, avec des produits que l’on peut acheter et vendre sur un marché de carbone. Cela va changer notre manière d’envisager l’économie, et d’ici   20 ans, l’économie ne reposera plus que sur le marché du carbone et non sur les ressources naturelles.   C’est justement à cela que nous préparons les Etats à  avoir une économie qui est plus en harmonie avec  la nature.

Afrique Environnement Plus : Lors du dernier sommet de Rio, les chefs d’Etats africains semblaient déjà lassés des promesses des pays du nord. Ils avaient l’impression d’aller de promesses en promesses, jusqu’à y voir un vrai manque d’engagement de ces pays. Au regard de tout cela, ne pensez-vous pas que tout cela soit un échec pour ce processus engagé par les Nations Unies ?

Dr VEERLE : Effectivement ! C’est dommage de voir les Chefs d’Etats lassés et démoralisés. Les  problèmes du changement climatique et des ressources naturelles sont une réalité, face à la passivité des pays du nord. Mais on ne peut pas non plus baisser les bras, nous continuons à soutenir les pays motivés,  c’est le cas de l’Ethiopie qui est un exemple dans la mise en place des plans nationaux pour vivre en harmonie avec la nature et pour avoir une économie tout à fait différente de l’économie qu’on connait au nord. Donc, d’un côté c’est juste, tout ce qui est fait va plus lentement, et de l’autre côté on a la réalisation et ce sont les pays qui sont intelligents, qui projettent  dans 20 ou 30 ans, qui sont en train d’adapter leur économie pour vivre en harmonie avec la nature. C’est dommage, mais ce n’est pas parce que les pays du nord ne font rien, que ceux du sud devront baisser les bras.

Afrique Environnement Plus: Nous savons que le monde traverse une crise économique très sévère, et que les Nations Unies vivent énormément des dons, surtout le Fonds de partenariat pour le carbone forestier. Ne  pensez-vous pas que cette crise impacte sur les efforts financiers qui sont en train d’être faits ? 

Dr VEERLE : Même si l’on donne tout l’argent pour les forêts, cela demeurent insignifiant. Ce  serait comme une goutte d’eau dans la piscine. Tout l’argent que la communauté internationale donne pour le développement n’est pas plus de 106 milliards de dollars, donc on doit être vraiment intelligent et utiliser cet argent pour catalyser une redirection de l’argent public et privé. Si on veut adresser les problèmes qu’on a en ce moment-ci avec les ressources naturelles , il faut produire et consommer différemment, par exemple tout l’argent dont on a besoin pour donner l’énergie à  tout le monde , c’est 30 milliards de dollar, alors la communauté va donner moins de 0,00% de ce dont on a besoin, donc on ne peut pas dépendre de l’aide internationale pour rediriger l’économie. C’est seulement un petit moyen catalyseur pour aider les pays. C’est vrai que l’argent international qui est disponible maintenant n’est pas grand-chose, et ça ne sera jamais assez pour résoudre tous les problèmes, c’est pourquoi nous sommes en train de faire des études pour voir comment mobiliser la somme de 100 milliards qu’on a promis, et cela ne viendra pas des  aides, on doit regarder comment mettre un prix sur le carbone et le transport, et on a d’autres mécanismes  avec lesquels on peut avoir de l’argent sans toujours demander aux pays développés.

Afrique Environnement Plus: l’Afrique semble vulnérable parce qu’elle n’a pas suffisamment les ressources suffisantes  pour faire face aux effets du changement climatique.  Au  niveau des Nations Unies, quelles sont les mesures qui sont prises autour de l’adaptation et de l’éducation des pays vulnérables? 

Dr VEERLE : Pour s’adapter aux changements climatiques, il faut faire un développement différent. Même si on doit payer pour toutes les actions afin de s’adapter au changement climatique, cela va nécessiter beaucoup d’argent que ça devienne impossible de le faire. Donc,  Il faut renforcer les capacités des pays pour prendre des décisions dans une manière différente. Si on bâtit des maisons et des infrastructures, il faut toujours le faire dans un climat qui est en train de changer. L’Afrique va le plus souffrir, mais on ne peut pas toujours dépendre de l’aide puisqu’elle ne sera jamais suffisante, il faut prendre son économie en main et la rediriger pour s’adapter au changement climatique. C’est la dure réalité, car les conséquences ont tellement d’impacts que même si on fait un projet ensemble, cela n’aura pas beaucoup de résultats, il faut changer tout ce qu’on fait et ça c’est le défi que nous avons en ce moment.

Afrique Environnement Plus: Comment appréhendez- vous la notion d’économie verte, et comment les pays  africains doivent- ils l’aborder?

Dr VEERLE : l’économie verte est une autre appellation du Développement durable. Vous savez que de temps en   temps les politiques  ont besoin de nouveaux mots; à Rio, on l’avait appelé développement durable et maintenant c’est l’économie verte. Mais  l’essentiel à retenir, c’est surtout de  consommer et produire différemment, et c’est ce qui est en train de se faire. Bien que pour les politiques on est pas toujours d’accord, mais on voit ici au Congo comme dans beaucoup d’autres pays,  qu’on est en train de valoriser les ressources naturelles, de construire des bâtiments qui sont plus efficaces pour l’énergie, on a des voitures qui prennent en compte la pollution. En  somme, tout est en train de changer et le secteur privé  est vraiment engagé parce qu’il y a des marchés rentables au point où je dirai même que les politiques internationales sont plus lentes que le secteur privé. C’est vrai que pour les discours internationaux, l’économie verte est un peu difficile puisque les pays en voie de  développement ont peur que cela devienne une manière pour ne pas avoir des impôts des produits des pays sous développés. Cela peut arriver, d’où ils ont raison d’être vigilant dessus.   Le  PNUD, est là pour faire en sorte que les pays en voie de développement ne souffrent pas de l’économie verte.

Afrique Environnement Plus: un mot à l’endroit de ceux qui s’investissent dans la conservation de l’environnement?

Dr VEERLE : je leur demanderai de mettre l’accent sur l’éducation de la population en général, et sur celle  des enfants,  en particulier qui devrait en principe leur apprendre que les ressources naturelles ne sont pas inépuisables. Qu’il  y a nécessité de les utiliser avec modération pour permettre aux futures générations d’en profiter aussi.

Propos recueillis par Raoul SIEMENI

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