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Interview AEP

Interview de Madame Michaëlle Jean, Secrétaire Générale de l’OIF

Plusieurs activités ont marqué la participation de l’organisation internationale de la Francophonie à la CdP21. Ceci contribuant de façon très active à la participation des pays membres de cette organisation, Afrique Environnement Plus qui a suivi toutes ces activités s’est entretenu avec Madame Michaëlle Jean, Secrétaire Générale de la Francophonie afin de recueillir ses impressions sur la vision globale de la participation de l’OIF à cet important rendez-vous.

AEP : La Francophonie s’est présentée dans cette 21e Conférence des Parties comme une  » Francophonie des solutions ». Quel est le regard que vous avez porté dans ces solutions apportées?
Michaëlle Jean : La Francophonie des solutions est tout à fait mobilisée dans le cadre de cette CdP21 sur la lutte contre le réchauffement climatique, parce que chacune de nos expériences, nos initiatives, nos solutions comptent pour lutter effectivement et efficacement contre le changement climatique, une atténuation du réchauffement climatique, des émissions de gaz mais aussi en termes d’adaptation. Je crois que le plus grand enjeu en ce moment à l’ordre des négociations, c’est celui de l’appui et du financement auxquels les pays les plus vulnérables, les plus affectés par le réchauffement climatique doivent absolument avoir à leur disposition. Même si nous arrivions à rassembler ces 100 milliards de dollars comme fonds pour s’assurer d’agir sur le réchauffement climatique et le ramener à 2°C voire 1,5°C, ce ne sera toujours pas la solution pour tous ces pays et Etats insulaires qui sont menacés de disparition par le rehaussement du niveau des océans, pour tous ces Etats qui sont affectés par la désertification, l’érosion côtière. Il faut absolument qu’il y ait des fonds accessibles, disponibles afin que les pays puissent mettre en place des politiques et projets permettant des meilleures conditions de vie pour les populations.
Vous insistez beaucoup dans vos discours sur les notions d’adaptation et d’énergie. Pourquoi cela ?
Je trouve que dans l’espace francophone, nous avons des pays qui sont en graves difficultés et qui sont touchés par le réchauffement climatique et ses effets dévastateurs et cela constitue une totale injustice compte tenu du fait que ces populations produisent le moins de gaz à effet de serre, il y a là un paradoxe, donc l’adaptation est essentielle. L’appel que j’ai lancé ce matin auprès des ministres de l’environnement des pays francophones, c’est de leur dire que maintenant c’est à leur tour de mettre  » leurs épaules à la roue » pour que l’on ait un accord juste, équitable, contraignant sur le plan juridique et je dirai aussi ambitieux. C’est le moment d’insister sur la nécessité des programmes et des fonds nécessaires pour l’adaptation. Vous savez, même si nous réussissons à rassembler ces 100 milliards de dollars dans ces fonds, jusqu’à présent, on s’attend à ce que ce ne soit que 20% de ces sommes qui soient attribuées à l’adaptation. Qui dit adaptation, dit développement des pays les plus vulnérables et encore sur ces 20%, tous les pays n’y auront sûrement pas accès, d’où l’importance de cet appel urgent.
Le gouvernement du Québec a annoncé un financement à hauteur de $25,5M pour soutenir les pays vulnérables aux effets du changement climatique. Pensez-vous que cette somme soit suffisante ou que ce geste constitue une base pour encourager les pays à prendre en compte ces questions ?
Effectivement, le Québec a annoncé un fonds dédié à l’adaptation à hauteur de $25,5M pour soutenir entre autre les initiatives destinées à la jeunesse et les initiatives des jeunes eux-mêmes, pour soutenir les pays les plus vulnérables de l’espace francophone dans leur développement durable et leurs projets d’adaptation aux effets du réchauffement climatique. Je pense que ce geste du Québec est une bonne base, un bon exemple envoyé à l’ensemble des autres Etats en disant tenons compte de l’adaptation. Le Canada a aussi fait une annonce importante à hauteur de 2, 650 milliards $, bien axés sur le développement durable et je tiens à préciser combien chacune de ces initiatives y compris celle de la France à hauteur de 2 milliards d’euros pour des projets énergétiques renouvelables, constituent des messages lancés au reste des pays ici présents, afin que nous puissions effectivement s’engager et faire en sorte que la question du réchauffement climatique soit fondamentalement une question de développement humain, économique et durable.
Comment la Francophonie accompagne-t-elle la société civile qui est minée par un sérieux problème de financement dans la mise en œuvre de leurs projets de développement?
Dès lors que nous parlons de la Francophonie des solutions, nous parlons des mesures prises par les Etats, mais l’apport des initiatives citoyennes est incontournable. Je peux voir sur le terrain beaucoup de citoyens mettre en place sans qu’on ne le leur demande, des initiatives extrêmement louables pour la reforestation, le renouvèlement des ressources, l’introduction des plantes à valeur ajoutée, l’agriculture innovante, sans oublier des jeunes qui créent des applications qui montrent l’apport des nouvelles technologies. Donc, parlant d’un effet d’ensemble, de toutes nos capacités de faire, on ne peut pas mettre à l’écart tout ce que la société civile, les femmes, les jeunes mettent de l’avant ; et l’appel de l’Organisation Internationale de la Francophonie est aussi de dire que rien n’est réalisable sans les initiatives citoyennes, les jeunes et les femmes font partie des solutions et il faut tenir compte de leurs apports et accompagner leurs initiatives.
Pensez-vous que l’accord de Paris s’il y en a un, est une solution pour un monde meilleur ?
Je pense que l’accord de Paris doit être un succès et ce dont nous pouvons nous réjouir c’est de savoir que la prochaine CdP se tiendra à Marrakech, au Maroc, une autre terre francophone et là nous commençons déjà à nous mobiliser vers cet autre rendez-vous et nous aurons l’occasion de revoir comment les engagements ont été mis en œuvre, d’avoir un regard critique et vigilent sur la suite car chaque étape est importante. Nous avons déjà vu comment le terrain a été bâti avec une diplomatie très active pour s’assurer qu’à Paris qu’un pas majeur soit fait, et nous devons déjà dès à présent anticiper tous les efforts qu’il nous faudra continuer à investir à Marrakech. Mais cette-fois encore, tous nos acquis francophones seront encore mis à disposition du prochain rendez-vous au Maroc.
La Francophonie a traduit le guide des négociations en d’autres langues. Faut-il voir en cela une faiblesse de la langue française ?
Pas du tout, le fait que le guide des négociations soit demandé par d’autres communautés linguistiques y compris en anglais, c’est à grâce à la précision de cet outil. Vous savez que le texte d’accord est extrêmement laborieux. Ce que nous produisons, c’est un guide qui permet de mettre dans des mots compréhensibles, lisibles et de mieux décrypter tous les enjeux du texte. C’est grâce à la qualité de ce travail qui est fait par une équipe chevronnée de l’Institut de la Francophonie pour le Développement Durable, que d’autres communautés réclament qu’il soit traduit et mis à disposition en arabes, en espagnol, en Portugais et en anglais également. Donc, je pense que nous pouvons nous enorgueillir du travail bien fait.

Par Raoul SIEMENI

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