Banner
Interview AEP

Monsieur Philip NGOLE NGWESE, MINISTRE DES FORETS ET DE LA FAUNE DU CAMEROUN

Le Cameroun va abriter la 15e réunion du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo sur le parrainage du ministre des forêts et de la faune. En prélude à cet événement, le ministre Philip NGOLE NGWESE, nous livre dans une interview accordée à Afrique Environnement Plus, les enjeux de cette rencontre pour la sous région.

 

AEP : Votre ministère parraine en juin prochain la 15e réunion du PFBC sous le thème : « Ecosystèmes du Bassin du Congo : capital naturel, producteur de valeur économique et moteur  de croissance verte pour le bien être de ses populations », quelles sont vos attentes à l’issue de cette réunion ?

 

Philip NGOLE NGWESE : Comme son nom l’indique, le PFBC est le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo. En tant que tel c’est une rencontre multilatérale d’échange. Elle est la dernière à se tenir avant la conférence des parties à la convention sur la biodiversité à Paris. Il y a des questions d’ordre général qui y seront abordées mais plus spécifiquement pour nos attentes il sera question d’évaluer la mise œuvre du plan de convergence niveau national et sous -régional  ensemble celle  de l’évolution des forêts d’Afrique centrale (Comparaison état des forêts en 2004 et 2014) ; de passer en revue les directives sous régionales en vue de l’évaluation de la valeur économique, la croissance verte et le bien être des populations ; d’arrêter une feuille de route en vue de la mise en place du Fonds Fiduciaire pour la Conservation (FFC) en Afrique centrale ; d’examiner les voies et moyens permettant de renforcer les différents Partenaires du PFBC : redynamisation de l’OCFSA et revue institutionnel du RAPAC.

C’est vous dire que le Cameroun souhaite connaitre le chemin parcouru sur tous ces axes,  les embuches rencontrées, leçons apprises et les perspectives d’avenir.

 

 

 Dans le cadre de l’amélioration de la gouvernance forestière, le Cameroun s’est engagée à travers plusieurs processus tels que la REDD+ et l’APV-FELGT. Quel bilan faites-vous de l’engagement de votre pays dans ces différents processus ?

 

J’aimerais vous signaler que ces processus constituent après le Mécanisme de Développement Propre (MDP), le deuxième instrument de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, institué dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CNUCC). Il a trait notamment à la rémunération des efforts consentis en matière de conservation et de régénération des forêts naturelles. Au niveau national, c’est le Ministère de L’Environnement, de la Protection Nature, et du Développement Durable qui en est le point focal. C’est également ce département ministériel qui a la charge de la mise en œuvre du processus REDD+ dans notre pays. Mon département ministériel travaille de concert avec cette administration pour la mise en œuvre des engagements du Cameroun.

Au sujet de l’APV-FLEGT, Il faut rappeler que cet Accord qui lie le Cameroun à l’Union Européenne, vise à limiter les exportations de bois illégal vers le marché de l’Union Européenne. Ila été signé le 06 octobre 2010, et ratifié le 09 août 2011. Il est entré en vigueur le 16 décembre 2011.

Dans le cadre de sa mise en œuvre plusieurs ateliers de sensibilisation ont été organisés avec les différents acteurs concernés (société civile, secteur privé, administrations publiques, communautés locales). Le processus de révision de la loi a été engagé, et est actuellement en cours. De même, plusieurs textes ont été signés, à l’effet d’opérationnaliser cet Accord au Cameroun. Il s’agit notamment de :

  • l’arrêté N°002/MINFOF du 07 Février 2013 portant mise en vigueur du Système Informatique de Gestion de l’Information Forestière (SIGIF) ;
  • l’arrêté N°003/MINFOF du 07 Février 2013 fixant la procédure de délivrance des Autorisations FLEGT dans le cadre du Régime d’autorisation FLEGT ;
  • l’arrêté n°0004/MINFOF du 07 Février 2013 fixant les critères et les modalités de délivrance des certificats de légalité ;

Dans le même ordre d’idées, des structures de suivi ont été mises en place pour encadrer cette mise en œuvre. Je pense notamment au :

  • Comité National de Suivi (CNS) de la mise en œuvre de l’APV/FLEGT ;
  • Comité Conjoint de Suivi de la mise en œuvre de l’APV/FLEGT ;
  • Conseil Conjoint de mise en œuvre.

Par ailleurs, sa mise en œuvre intègre les Systèmes de certifications privés, c’est-à-dire l’admission des certificats privés de légalité dans le cadre du régime d’autorisation FLEGT.

Un audit Indépendant du Système de Vérification de la Légalité a également été réalisé en 2014. Cet audit a porté sur « l’évaluation de la conformité des documents associés au processus d’attribution de chaque titre forestier en vigueur au Cameroun  et de l’étude de la situation de référence des bois saisis ». Cette évaluation a abouti à des propositions de recommandations qui font l’objet d’une analyse par un groupe de travail mis en place lors du dernier Comité Conjoint de Suivi.

Je ne saurais terminer sans préciser qu’un nouveau Consortium a été retenu par le Ministère des Marchés Publics pour reprendre le développement du «  Système Informatique de Gestion de l’Information Forestière » (SIGIF),  devant permettre à terme la délivrance des autorisations FLEGT. Nous avons en outre commencé la mise en œuvre de l’annexe 7 de l’accord par le développement d’un site Web où nous publions régulièrement les informations sur l’activité forestière au Cameroun.

Le bilan de la mise en œuvre de l’APV/FLEGT au Cameroun me semble globalement satisfaisant.

 

  Le braconnage est un fléau devenu de plus en plus grandissant en Afrique particulièrement en Afrique centrale. Quelles sont les mesures prises au niveau du Cameroun pour éradiquer cette menace qui pèse sur la faune ?

 

Vous avez parfaitement raison. Le braconnage est devenu un fléau grandissant en Afrique centrale, notamment avec le massacre des grands mammifères.

Au plan national, le MINFOF a élaboré et fait approuver par la hiérarchie, le Programme d’action d’urgence pour le sécurisation des aires protégées (Pausap) étalé sur cinq ans de 2012 à 2017, sur un coût total de 126 335 000 000 FCFA. Les deux grands axes sont consacrées l’un, à la lutte contre le braconnage au plan national et l’autre, à la lutte contre le braconnage transfrontalier.

Au plan sous régional, il s’est agit de renforcer la collaboration transfrontalière avec les pays voisins. Citons le cas de l’initiative BSB Yamoussa entre le Cameroun et le Tchad  étendu plus tard à la RCA, l’initiative à succès de la TNS, et du Tridom dont les financements sont arrivés à leur terme sans que les activités essentiels ne soient finis notamment l’installation et le fonctionnement de la brigade tri nationale TRIDOM. Il existe des initiatives émergentes avec le Nigéria et la Guinée Equatoriale

Le Cameroun a abrité le Sommet de CEEAC consacré à la lutte contre le braconnage dans la sous région, qui a abouti à l’élaboration et à l’adoption du PEXULAB (Plan d’action d’extrême urgence pour la lutte contre le braconnage ) avec un budget plus modeste de 1,5 milliard FCFA pour 4 mois,  consacré à la lutte contre les invasions des braconnier cavaliers soudanais dans la région  du Nord du Cameroun,  de l’Ouest du Tchad et du  Sud-ouest de la république  Centrafricaine.

 

   Plusieurs institutions et organisations internationales (UICN, WWF, FAO, COMIFAC, etc ) œuvrent aux côtés des Etats en Afrique centrale dans le cadre de la conservation de la faune et de la flore. Pensez-vous que les actions de ces dernières soient de nature à contribuer de façon significative à l’amélioration de notre patrimoine forestier ?

 

Les besoins sont considérables. Le Cameroun a consacrée plus de 20% du territoire à la conservation. Notre politique épouse les contours de nos engagements internationaux. A cet égard  nous saluons  les appuis de nos partenaires en reconnaissance qui interviennent en reconnaissance de nos efforts en matière de conservation. N’oubliez pas que les ressources sont un patrimoine commun, et chaque organisation se positionne en fonction de ses sensibilités. C’est un avantage mais aussi une limite, car certains segments ne bénéficient pas de la même attention et constitue le ventre mou de nos politiques sectorielles et sous régionales.

 

   Quelle est la vision de votre gouvernement en matière de transformation plus poussée du bois au niveau local ainsi que de la valorisation des produits forestiers non ligneux ?

foret

La réponse a cette question est présentée sous forme de résumé du Plan d’Industrialisation du Secteur Bois (PISB).

En effet, le concept de transformation plus poussée du bois (TPPB) au Cameroun trouve ses fondements dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE), lequel DSCE, adopté en 2009, avait identifié les filières bois comme filières à fort potentiel de création d’emplois.

Il convient de rappeler de prime à bord, que l’activité de transformation du bois dans notre pays  a depuis toujours, essentiellement porté sur la production des sciages (1er degré de transformation),ce qui ne permet pas d’assurer l’adéquation offre/demande des produits bois au niveau national, de dégager une forte valeur ajoutée à nos produits bois.

La vision du Gouvernement en matière de TPPB au niveau local, à la lumière des résultats de plusieurs analyses, a été déclinée dans le plan d’industrialisation du secteur bois (PISB) adopté en 2012, qui propose de nombreuses pistes de solutions en matière de valorisation de nos ressources, l’on peut citer:

  1. le renforcement des systèmes d’approvisionnement en bois ;
  2. le renforcement des systèmes de transformation du bois ;
  3. le développement des marchés locaux et internationaux ;
  4. le renforcement du processus d’industrialisation accélérée (formation, gouvernance, incitation aux investissements).

 

La mise en œuvre desdites pistes prévoit entre autres :

  • l’optimisation de la récolte de grumes industrielles dans les domaines forestiers permanents et non permanents et dans tous les titres d’exploitation forestière, selon le principe du rendement soutenu et durable;
  • la maximisation de la transformation locale des grumes et l’optimisation des rendement-matières en usine ;
  • la diversification de la production, dans un contexte privilégiant les produits bois finis et compétitifs sur le marché international;
  • la professionnalisation des filières de transformation du bois ;
  • la formalisation des filières de sciage informel ;
  • la promotion d’un grand nombre d’essences secondaires, aux fins de diminuer la pression sur les principales essences exploitées ;
  • l’organisation, l’opérationnalisation et le développement du marché intérieur du bois (MIB) ;
  • la mise en place et l’opérationnalisation d’un système de traçabilité des bois du Cameroun ;
  • la promotion de l’aménagement forestier et de la certification des produits forestiers ;
  • la formation/renforcement des capacités humaines, par le biais d’une réhabilitation profonde du Centre de Promotion du Bois de NKOLBISSON.
  • l’amorce de la normalisation de la transformation du bois au Cameroun ;
  • la mise en place d’un cadre légal et ou réglementaire incitatif ;
  • l’appui au développement des infrastructures et des technologies de transformation.

 

Comme principal résultat attendu, une industrie forestière plus valorisante de nos ressources ligneuses, plus génératrice d’emplois et contribuant davantage au développement de l’économie nationale (PIB). Le processus de mise en œuvre du PISB susvisé a déjà été enclenché, et des résultats concrets sont enregistrés au fur et à mesure.

 

En ce qui concerne les PFNL

Les Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL) sont des produits naturels de la forêt autres que le bois, qui depuis la nuit des temps, sont utilisés par l’Homme pour satisfaire ses besoins alimentaires, socio-culturels et de santé.

Le Cameroun riche en biodiversité, possède une grande variété de ces ressources forestières naturelles qui se recrutent parmi les fruits, résines, écorces, noix, fibres, feuilles, racines, champignons, insectes, chenilles et autres.

  • Quoiqu’important, les PFNL sont souvent classés dans le secteur de l’économie dit « informel ». Cependant, grâce aux avancées de la génétique et de la biotechnologie, ces produits suscitent de plus en plus un intérêt croissant pour les industries alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques…… Cette situation qui s’accompagne d’une pression sur certaines de ces ressources, a amené le Cameroun avec l’appui des partenaires au développement, à entreprendre des interventions susceptibles de sortir les PFNL peu à peu du secteur informel et de créer une plus grande valeur ajoutée dans ces filières. Aussi la vision du gouvernement porte sur la mise en œuvre du Plan National de Développement des Produits Forestiers Non Ligneux (PND-PFNL), planifiant les actions visant à augmenter la contribution actuelle des PFNL à l’économie nationale, à la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Ce plan s’articule autour de plusieurs points à savoir :

 

  • l’amélioration du cadre légal et réglementaire ;
  • l’organisation et la professionnalisation des acteurs ;
  • l’appui à la gestion durable, à la transformation et à la commercialisation des PFNL ;
  • le Développement de la recherche-action et de la formation ;
  • le développement de la domestication et des plantations de PFNL majeurs
  • l’appui au développement des technologies appropriées et des unités de transformation des PFNL ;
  • le Développement de la labellisation et la traçabilité des PFNL majeurs ainsi qu’un programme de communication nationale sur lesdits produits.

 

A ce jour, le développement de certains axes est amorcé par des opérations effectives ci- après:

  • L’état des lieux du sous-secteur des PFNL ;
  • La participation à l’élaboration des directives sous régionales de gestion des PFNL devant guider les administrations forestières des pays de la COMIFAC à améliorer le cadre légal et réglementaire, à l’effet de garantir la pérennité des ressources ;
  • L’amélioration de la connaissance du potentiel des marchés à travers la promotion des ventes groupées et la mise sur pied d’un Système d’Information sur les Marchés (SIM) ;
  • Le renforcement des capacités des acteurs et des outils de transformation dans le cadre du projet « Mobilisation et Renforcement des capacités des petites et moyennes entreprises impliquées dans les filières des PFNL en Afrique » ;
  • La réalisation d’une étude sur l’importance économique et sociale du secteur forestier et faunique au Cameroun à trouver laquelle l’apport des PFNL à l’économie en termes de devises et emploi a été évalué ;
  • Le lancement de l’inventaire du Bambou dans quatre régions à fort potentiel.

 

 Comment peut-on apprécier de nos jours l’impact des bonnes pratiques de la gestion forestière dans l’économie camerounaise ?

 

Pour répondre à votre question qui soulève par ailleurs une thématique liée à l’importance économique du secteur forestier, j’aimerais rappeler que le Ministère des Forêts et de la Faune contribue à la mise en œuvre du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) à travers Quatre Programmes, qui constituent la déclinaison de sa stratégie sous-sectorielle.

 

L’exécution du Programme I intitulé « Aménagement et Renouvellement des ressources forestières » vise un objectif caractérisé par un indicateur financier : Accroitre les recettes fiscales et parafiscales issues de la gestion forestière. Cette exécution bénéficie de l’appui du Programme Support qui entre autres promeut la bonne gouvernance pour la réalisation des activités du sous-secteur forêt et faune.

Quatre piliers sous-tendent l’exécution du programme 1, et peuvent à ce jour être appréciés de la manière suivante :

 

  • A propos de l’aménagement des forêts, la superficie sous aménagements est passée de 5 306 932 ha (en 2012) à 6 616 053 ha (en 2014) ;
  • Au sujet de l’approvisionnement légal des marchés, le volume du bois légal mis sur le marché est passé de 2 300 000 m3 (en 2012) à 2 747 380 m3 (en 2014) ;
  • Concernant la gestion participative des ressources forestières, la superficie des forêts communales en production est passée de 10 913 ha (en 2012) à 12 100 ha (en 2014); la superficie des forêts communautaires est passée de 900 000 ha (en 2012) à 9050,52 ha (en 2014); le pourcentage des recettes issues de l’activité forestière et destinées aux Communes et aux Communautés et investies dans les projets de développement est passé de 10% (en 2012) à 20% (en 2014);
  • En matière de reboisement et de régénération des ressources forestières, la superficie des plantations forestières est passée de 19 721,25 ha (en 2012) à 25 638 ha (en 2014).

 

Aussi faut-il souligner que les statistiques du Programme 1 qui précèdent montrent à souhait les efforts accomplis par les pouvoirs publics pour constituer et sécuriser un domaine forestier permanent, assurer un approvisionnement des marchés par le bois légal, renforcer la gestion participative à la promotion de la foresterie communale et communautaire, et le renouvellement des ressources forestières. Ces statistiques qui sont toutes croissantes  ont pour corollaire l’augmentation des recettes fiscales et parafiscales issues de la gestion forestière. Toute chose qui démontre à suffisance de leur impact sur l’économie de notre pays.

 

Raoul SIEMENI

 

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Banner