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Interview AEP

Le rôle stratégique de la Convention d’Abidjan dans la gouvernance des océans

Un principe fondamental du Programme pour la Biodiversité et le Climatique en Afrique de l’Ouest (WA BiCC), financé par l’USAID est d’œuvrer de concert avec des institutions partenaires régionales afin de renforcer et d’améliorer leurs capacités. Cette approche vise à essayer de résoudre de manière la plus efficace les questions environnementales qui sous-tendent leurs missions de base. Le soutien apporté par le biais de ces partenariats est mutuel, puisqu’il complète aussi les efforts de WA BiCC vers la réalisation de son objectif visant à améliorer la conservation et favoriser le développement en privilégiant des solutions respectueuses du climat et peu émettrices de gaz à effet de serre en Afrique de l’Ouest. De manière plus importante, les partenariats mettent en valeur les efforts de chacun et participent à la réalisation d’objectifs régionaux et mondiaux plus vastes tels que définis dans les Objectifs de développement durable des Nations Unies et d’autres Accords multilatéraux sur l’environnement ayant trait au changement climatique, à la conservation de la biodiversité et à la gestion durable de la forêt et des ressources du littoral.

L’un des principaux partenaires régionaux de WA BiCC est la Convention d’Abidjan, dont le mandat est de favoriser la coopération régionale pour la protection, la gestion et le développement durables de l’environnement marin et côtier de la côte atlantique, de l’Afrique du Nord à l’Afrique australe. La Convention est un accord-cadre global pour la protection et la gestion de la région marine et côtière et vise à se pencher sur la pollution causée par les bateaux, les déversements, les sources terrestres, l’exploration et l’exploitation des fonds marins et la pollution de l’atmosphère ou libérée dans l’atmosphère. De manière générale, d’importants progrès ont été accomplis depuis le début de cet engagement entre la Convention d’Abidjan et WA BiCC en 2015, le plus notable étant l’élaboration de deux Protocoles non négligeables portant sur la gestion durable des mangroves et la gestion intégrée des zones côtières. WA BiCC a aussi recruté un Conseiller à plein temps qui travaille avec la Convention pour contribuer à la mise en œuvre des activités, des stratégies et des plans convenus.

Afin de mieux comprendre l’impact du partenariat et des efforts en matière de renforcement des capacités avec la Convention, nous avons invité le Secrétaire exécutif de la Convention d’Abidjan, M. Abou Bamba (AB) pour en discuter.

Q. La Convention d’Abidjan est devenue un acteur mondial clé en matière de gouvernance des océans et de la conservation marine et côtière. Comment le partenariat établi entre la Convention et le Programme pour la Biodiversité et Changement Climatique en Afrique de l’Ouest (WA BiCC) a-t-il influencé cette réalisation ?

AB : Le partenariat entre la Convention d’Abidjan et WA BiCC nous a aidés à réaliser notre mission principale. Cet appui a fini par renforcer notre collaboration avec des organisations dont les mandats sont semblables aux nôtres : la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union du Fleuve Mano (UFM) et le Programme de la Banque mondiale pour la Gestion des zones côtières d’Afrique de l’Ouest (WACA). D’autre part, ce partenariat a favorisé la mise en œuvre de plusieurs activités et a permis de mettre en place des outils essentiels, tels qu’une politique régionale sur la gestion intégrée des océans et d’autres protocoles sur la Gestion intégrée des zones côtières et la Gestion durable des écosystèmes de mangrove, renforçant ainsi notre rôle d’acteur majeur et nous permettant de devenir les conseillers experts en matière de gouvernance des océans, de gestion des ressources halieutiques et de questions concernant la pêche, l’évaluation des risques et le développement durable du littoral.

Q. Un élément central et fondamental du partenariat est l’élaboration de protocoles. Qu’avez-vous accompli en termes de protocoles, et quelles seront les étapes suivantes ?

AB: La gestion de nos écosystèmes est une des missions essentielles de la Convention d’Abidjan en raison du rôle important qu’ils jouent dans la nature et l’environnement comme celui de protéger contre les effets néfastes du changement climatique et de procurer des moyens d’existence et des possibilités économiques. Ce rôle critique a rendu indispensable la création – avec l’appui de WA BiCC – de deux protocoles supplémentaires sur (i) la Gestion durable des écosystèmes des mangroves et (ii) la Gestion intégrée des zones côtières. Ces protocoles représentent des outils efficaces qui habiliteront les Parties à la Convention, ou les États du littoral atlantique qui l’ont ratifiée et sont liés à ses objectifs, de mieux apprécier, planifier et gérer la richesse de leurs zones côtières et écosystèmes de mangroves pour le bien-être des populations qui y vivent. Il est essentiel de noter que lors de la dernière Conférence des Parties à la Convention d’Abidjan (COP 12), tenue à Abidjan en 2017, la ratification des protocoles était au centre des débats. Les protocoles ont été convenus par les Parties, qui les considèrent comme des outils essentiels supplémentaires pour avancer plus avant des politiques et des pratiques durables concernant les océans et le littoral. Pour le stade final de formulation de politiques, nous préparons actuellement une réunion ministérielle, ce qui facilitera la ratification finale des deux protocoles et ouvrira la voie à la mise en œuvre

Q. Vous avez œuvré avec WA BiCC pour établir le Réseau des parlementaires. Pourquoi ce réseau est-il important ?

AB : Le rôle des législateurs dans la conservation, bien qu’il soit extrêmement crucial, passe souvent inaperçu. WA BiCC et la Convention d’Abidjan croient que les parlementaires devraient participer au processus de conservation afin de sensibiliser les législateurs pour qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires, définissent les lois et les politiques et demandent l’application des lois. Nous avons accompli des progrès importants jusqu’ici et avons confiance que les parlementaires seront des éléments clés lors de la ratification, la mise en œuvre et l’intégration des instruments de la Convention aux lois nationales – incluant les deux protocoles supplémentaires. Grâce à l’appui de WA BiCC, nous avons pu former et sensibiliser des parlementaires dans l’ensemble du paysage côtier ouest-africain

Abou-Bamba-et-le-Chef-de-mission-de-l’USAID-Afrique-de-l’Ouest-à-l’Atelier-portant-sur-la-validation-du-Plan-de-travail-2019-de-WA-BiCC..gif

 

Q. WA BiCC a travaillé avec la Convention sur un Plan de renforcement institutionnel. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce plan et sur son impact ?

AB : Afin d’améliorer l’efficacité de la mise en œuvre de notre mandat et de notre mission , il a fallu renforcer nos capacités internes et établir un Plan de renforcement institutionnel (ISP) avec l’aide de WA BiCC. De concert, nous avons élaboré ce Plan au premier stade de notre partenariat et produit une feuille de route dans le cadre d’un processus de revitalisation que la Convention avait déjà lancé. Dotés de cette approche originale, nous avons convenu de (i) établir un système de suivi et d’évaluation pour mesurer l’impact réel de nos activité et mieux les planifier et (ii) améliorer la qualité de nos interventions en ayant recours à des communications pour atteindre les populations. Cet effort est mené parallèlement au développement d’un Centre de ressources pour recueillir, réunir, centraliser et divulguer les données existantes et des bases de données géoréférencées dans les 22 pays de la Convention d’Abidjan. En 2017, nous nous sommes réunis à Dakar, Sénégal avec une équipe d’IBM (une société spécialisée en technologie de l’information (TI) basée aux États-Unis) pour discuter et présenter l’ébauche d’un Plan sur le Projet du Centre de ressources d’Abidjan. Le centre de ressources, lorsqu’il sera créé, fournira des informations sur les questions marines et côtières. Le voyage au Sénégal visait aussi à observer des travaux semblables menés au Sénégal avec le Système d’information environnementale national (SIENA), afin de comprendre le fonctionnement et de tirer des enseignements de leur expérience.

Q. Vous avez aussi revu et accru vos activités en matière de communication. Comment les envisagez-vous comme moyens de réaliser vos objectifs ?

AB : La communication est un outil primordial pour parvenir à des résultats efficaces dans le cadre de n’importe quel projet. Elle est encore plus utile lorsqu’il s’agit d’une activité qui touche directement l’environnement et la vie des communautés. Sans stratégie de communication solide, l’impact des interventions et des activités peut être nettement réduit. C’est pourquoi nous préférons une stratégie de communication bien ciblée qui laisse un impact positif sur les personnes et vise un changement comportemental en faveur de la préservation et conservation de la biodiversité marine dans le cadre du domaine prioritaire de la Convention. Une stratégie de communication bien conçue et mise en œuvre de manière appropriée permet la mise en commun d’informations et conduit à la sensibilisation des législateurs et décideurs, mais elle favorise aussi la mise en place de politiques et de bonnes pratiques adéquates. Heureusement, ce plan de communication a été élaboré et est en cours de mise en œuvre en collaboration étroite avec WA BiCC.

Q. Vous avez mentionné la création d’un Centre de ressources qui divulguera des ressources qui ne sont pas actuellement disponibles. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

AB: La Convention existe et est active depuis 37 ans et, au cours de cette période, elle a accumulé des ressources précieuses que nous souhaitons mettre à la disposition d’experts, de chercheurs, de journalistes, de décideurs et du public. Nous cherchons à faire de ce Centre de ressources un point de référence mondial, où tous les matériels et les connaissances relatifs à la biodiversité marine et côtière seront disponibles. La disponibilité de données scientifiques de qualité est fondamentale pour aider les chercheurs, les décideurs et les scientifiques à mieux comprendre les questions liées aux écosystèmes marines et côtiers en vue de l’élaboration de politiques relatives aux océans adéquates dans la région. Il y va de notre devoir de continuer à jouer un rôle majeur dans la provision d’informations scientifiques dans nos régions marines et côtières.

Par conséquent, nous devons créer une plateforme qui met à disposition la documentation que nous avons rassemblée ou développée depuis notre création. Les travaux effectués par WA BiCC grâce au soutien d’IBM a énormément aidé à mesurer l’importance et les possibilités d’un Centre de ressources qui permettrait aux pays-membres de la Convention d’Abidjan d’accéder facilement aux informations.

 

 

Q. Comment envisagez-vous l’avenir de votre partenariat avec WA BiCC ?

AB : Les principales activités que nous planifions conjointement avec WA BiCC concernent l’adoption finale et l’intégration nationale des Protocoles. C’est un processus de longue haleine, mais nous nous sommes prêts désormais à présenter aux Parties à la Convention les Protocoles, ainsi que les Plans d’action afférents afin de démarrer les processus de ratification et d’intégration au niveau national. WA BiCC et ses autres partenaires nous apporteront leur soutien au cours de ce processus et organiseront la réunion ministérielle au cours de laquelle les divers partenaires de la Convention examineront les plans d’action et annonceront leur contribution en ressources pour appuyer la mise en œuvre de ces plans.

Une autre initiative lancée conjointement avec WA BiCC, qu’il me faut mentionner ici, est l’établissement du Partenariat d’Abidjan sur la faune sauvage aquatique afin de combattre la consommation humaine de ce que nous appelons les espèces aquatiques « en voie d’extinction, menacées ou protégées » (espèces aquatiques ETP). Les espèces aquatiques ETP incluent les mammifères marins (comme le lamantin), les tortues marines, les cétacées, les reptiles (comme le crocodile), les oiseaux marins et les requins, parmi d’autres. Ces espèces sont généralement exclues des débats internationaux car les initiatives ont tendance à se pencher surtout sur la faune sauvage terrestre. Nous avons travaillé récemment avec les membres de ce partenariat, incluant des organismes gouvernementaux, des organisations internationales et de la société civile pour mettre en place un plan d’action commun visant à lutter contre le commerce, la consommation directe, la chasse et d’autres utilisations de ces espèces marines, dont la plupart sont illicites en vertu des lois nationale et internationale. Nous attendons maintenant avec impatience l’adoption de ce plan lors de la prochaine Conférence des Parties à la Convention d’Abidjan, et sa mise en œuvre, avec le soutien de WA BiCC et des autres partenaires.

En fait, le Programme de WA BiCC a démarré au moment idéal et a vraiment été essentiel pour pousser à la Convention à tirer parti au mieux de ses ressources et capacités. La région et les travaux de conservation ont besoin de projets plus nombreux semblables à celui de WA BiCC, qui, au niveau le plus élémentaire, portent principalement sur la collaboration et l’exécution d’initiatives existantes plutôt que sur le démarrage de nouveaux efforts ou sur le fonctionnement isolé de projets. C’est avec optimisme que nous envisageons d’atteindre de nouveaux sommets en collaboration avec notre partenaire estimé.

source: wabicc.org

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