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Mines & Energies

Minerais stratégiques : comment atténuer les effets de la surexploitation de ressources non renouvelables

L’utilisation de matières minérales dans la composition des appareils générateurs d’énergies «propres» a fait monter en flèche la valeur de certains minerais dits «stratégiques», présents en quantité dans plusieurs pays, particulièrement en Afrique australe et centrale où la RD Congo se positionne en vedette. L’exploitation de ces réserves africaines -probablement sous-estimées- n’aura aucun impact positif sur les populations locales. A moins que les Etats n’adoptent un ensemble de mesures favorables, selon des spécialistes.

En décembre 2015, les pays du monde entier réunis à la COP21 de Paris signaient l’Accord sur le climat. Le texte prévoit de contenir d’ici à 2100 le réchauffement climatique grâce, en partie, à des investissements dans les énergies renouvelables, très dépendantes de la liste de 27 minerais dits «stratégiques», dont les terres rares, le lithium, le nickel, le coltan et le cobalt… Pour ce dernier, 60 % de la production mondiale est extraite du sous-sol de la RD Congo. Selon une étude de l’Institut français des relations internationales (IFRI), publiée en janvier 2018, la RDC assure une production annuelle de 65 000 tonnes de cobalt et détient les premières réserves mondiales de 3,4 millions de tonnes. Sur le Continent, le cobalt est produit également en Afrique du Sud (3 000 tonnes), à Madagascar (3 300 tonnes), en Zambie (4 400 tonnes). On retrouve également d’autres minerais comme le lithium au Zimbabwe (900 tonnes), mais aussi le coltan toujours en RDC.

Le développement des énergies renouvelables a aussi fait évoluer la demande en métaux de base. La quantité cumulée d’acier, de cuivre et d’aluminium nécessaire en 2050 pour la construction d’infrastructures de production d’électricité à partir des énergies renouvelables atteindra 6, voire 10 fois le total de la production mondiale de 2010, selon l’étude d’IFRI. Des types de minerais que l’on retrouve dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest

«De manière générale en Afrique, nous avons des minerais stratégiques comme l’or, le cuivre, le diamant ou le zircon (utilisé dans l’alliage, le fuselage d’avions, NDLR), la bauxite, le manganèse, etc., que l’on retrouve dans plusieurs pays en Afrique de l’Ouest notamment», explique Tairou Sèye, spécialiste des industries minières chez Sabadola Gold Corporation.

Mais il est de notoriété que l’exploitation minière en Afrique est davantage source de problèmes que de développement pour les populations, poussant les spécialistes à élaborer plusieurs pistes afin d’inverser la tendance.

Les ressources africaines aux Africains

La meilleure manière de faire bénéficier les populations africaines de ces minerais stratégiques est de les transformer sur le Continent, estime Al Kitenge, analyste économique congolais. L’Afrique a aussi besoin de développer un savoir-faire et une volonté politique ferme.

«Tant que nous serons vendeurs de matières premières et acheteurs de produits finis, l’Afrique s’appauvrira et un jour, nous allons nous retrouver avec des trous et les matières se tariront de manière tout à fait définitive», prédit l’économiste congolais.

Aussi, la plupart des minerais stratégiques sont recyclables, faisant que tous les produits miniers exportés pourront être recyclés jusqu’à autosuffisance dans les pays développés. «C’est pour cela que je suis convaincu que nous devons aller dans la transformation locale», insiste Al Kitenge.

De son côté, Tairou Sèye pointe du doigt le rapatriement des capitaux. «Les PME, les industries et mains-d’œuvre locales doivent être prises en compte dans les codes miniers. Sinon, les entreprises feront rapatrier la production et les capitaux dans leurs pays d’origine, sans que rien ne soit réinvesti…», déclare-t-il.

Les spécialistes africains estiment également que les politiques africaines doivent exiger des entreprises minières l’enregistrement au niveau des bourses locales, offrant aux Africains davantage de facilités d’achat d’actions de ces structures. «En Afrique de l’Ouest, on ne trouve pas de grandes entreprises minières cotées sur les bourses locales. Aujourd’hui, si l’on souhaite investir dans les mines, en tant qu’Africains, on est obligés de le faire via des bourses nord-américaines et européennes, essentiellement», déplore Tairou Sèye.

Les Etats africains gagneraient également à être davantage sélectifs dans le choix de leurs partenaires. «Toutes les entreprises minières actives en Afrique ne sont pas cotées à la bourse, faisant qu’elles n’ont pas souvent le souci de soigner leur image, d’avoir une bonne visibilité, de rendre compte et de se conformer aux normes internationales. D’où l’impératif pour nos Etats d’être plus sélectifs dans le choix de leurs partenaires», ajoute le spécialiste sénégalais.

Au cours de cette dernière décennie, plusieurs mines africaines se sont retrouvées sous pavillon chinois, y compris celles qui appartenaient à de grands majors. La grande peur est que les entreprises chinoises ignorent les règles environnementales et sociales, alors que l’Afrique tente de renforcer son contrôle en termes de respect de l’environnement et des droits sociaux des populations locales. «Le problème environnemental est à prendre en compte en amont. Au départ, l’Etat devrait exiger une étude d’impact environnementale et sociale, à valider par ses techniciens. Le document validé doit être la base de la collaboration», analyse Tairou Sèye, bien qu’en Afrique, le problème de la gestion des exploitations minières se pose surtout au niveau du suivi et de l’exécution des textes. Afin d’assurer une exploitation optimale de ressources minières, les Etats africains sont également tenus d’être davantage sélectifs en optant pour des entreprises minières sérieuses dans l’exploitation de leur potentiel minier, peut-être sous-estimé.

«La RDC détient 60% des réserves mondiales de cobalt. Plus de 60% du coltan utilisé par exemple dans la composition des téléphones portables est détenu en RDC. Toutefois, il n’y a pas d’études géologiques pour déterminer les quantités réelles», explique l’analyste économique congolais. Un avis partagé par Tairou Sèye : «Je pense que les réserves africaines en minerais sont relativement sous-estimées. Les pays européens en savent davantage que nous. Durant la période coloniale, ils ont eu à les évaluer les réserves (…) Avec des techniques de sondages plus poussées et pointues, les quantités des réserves estimées peuvent être doublées ou triplées», estime le spécialiste sénégalais.

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