Du 12 au 16 juin 2017 , s’est tenue à Libreville la 16e conférence de l’AMCEN organisée par le bureau Afrique de l’ONU Environnement. A l’issue de ces travaux, AEP s’est entretenu avec le Dr. Juliette BIAO KOUDENOUKPO, Directrice Bureau Afrique de l’Organisation des Nations Unies pour l’Environnement sur les objectifs de cette conférence
Afrique Environnement Plus : Que peut-on tirer en termes de bénéfice à l’issue de la 16e réunion de l’AMCEN à Libreville?
Juliette BIAO KOUDENOUKPO: la 16e conférence ministérielle africaine s’est tenue dans un contexte particulier, car c’est la première session ordinaire après les événements marquants de 2015 à savoir : l’adoption et la ratification de l’accord historique de Paris, aussi la conférence de Sendai sur les risques des catastrophes naturelles et la conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement pour ne citer que ceux-là.
Cette rencontre va capitaliser sur la mise en œuvre des recommandations de tous ces évènements marquants et examinera les progrès réalisés en termes de transformation de projets des contributions nationales en de mesures concrètes ; de la feuille de route fixant comment obtenir les 100 milliards de dollars par an de fonds publics et privés en faveur du climat en 2020; des efforts de simplification pour un meilleur accès à ces financements sont en cours afin qu’ils bénéficient aux pays les plus vulnérables, mais aussi en termes de renforcement des capacités, les résultats des efforts de coordination demandés à Paris.
Par ailleurs, la Conférence des Ministres Africains de l’Environnement devrait offrir l’opportunité aux Ministres de discuter de leur engagement à la troisième Assemblée des Nations-Unies pour l’Environnement qui aura lieu à Nairobi du 04 au 06 décembre 2017. A cette rencontre, les ministres de l’environnement auront l’occasion d’échanger sur leur position commune, leurs contributions aux résolutions qui vont être adoptées à cette Assemblée.
Au cours de cette journée, il y a eu plusieurs cadres de collaborations qui ont été mis en place. Que revêt l’ensemble de ces échanges et les signatures de coopération qu’il y a eu avec les Etats ?
En effet, il y a eu quelques événements importants en marge de cette 16e session de la conférence ministérielle africaine qui méritent d’être signalés. Il s’agit entre autres de la signature de l’accord de coopération avec la Communauté des Etats de l’Afrique centrale. Vous n’êtes pas sans savoir que la direction régionale de l’ONU environnement regroupe 54 pays et que la meilleure façon de pouvoir créer des impacts est de travailler étroitement avec les communautés régionales d’intégration économiques régionales. Donc, il va être très fastidieux de pouvoir créer l’impact seulement au niveau national ; et travailler avec ces communautés économiques et régionales va vraiment permettre de drainer un certain nombre de pays sur certaines actions à mettre en place. Avec la signature de l’accord de coopération avec l’Afrique Centrale, elle va permettre de renforcer les actions et de réveiller l’Afrique Centrale dans le domaine des questions de l’environnement.
Nous avons également signe l’accord de coopération avec le gouvernement de la Côte-d’Ivoire pour travailler ensemble sur l’agenda environnemental.
Le constaté fait, la contribution des Etats handicape le bon fonctionnement de votre institution. Quelle réponse pouvez-vous apporter à cela quand on sait que ces Etats traversent des moments de crise ?
La contribution au niveau africain a toujours été un défi. Il suffit de regarder même au sein de l’Union Africaine pour se rendre compte de la difficulté que les Etats ont vraiment à prendre en charge le développement de leur propre continent. C’est le même constat au sein de la conférence ministérielle africaine où la contribution au fonds d’affectation est un problème. Bien que conscients des défis majeurs que ces pays ont à relever. Parfois, ce n’est pas un manque de volonté mais un problème de communication et de petite marge de manœuvre que les ministres en charge des environnementales ont, pour décider des contributions à donner.
Dans plusieurs cas, ce sont les ministères des finances qui tiennent les règnes et parfois la communication entre le ministère de l’environnement et celui des finances est difficile ; ou parfois vu par le ministère des finances comme des questions qui ne sont pas prioritaires. L’autre difficulté est parfois le manque de coordination de toutes les contributions que les Etats membres ont à payer et ils voient beaucoup de sollicitations auxquelles ils ne peuvent pas faire face. Pour régler cela, je pense qu’il faut d’abord régler le problème de communication pour que l’information circule et qu’il y ait un rappel en temps opportun ; et aussi que les ministères des finances soient sensibilisés à la question. Ou alors voir au niveau du premier ministre qui a la coordination du gouvernement pour vraiment expliquer la question. Encore une fois, je ne pense pas que la question de contribution des Etats relève d’une mauvaise volonté de ces derniers.
L’actualité en date est le retrait des Etats Unis de l’accord de Paris. Selon vous quelles peuvent être les conséquences d’une telle décision pour les pays africains quand on sait que les Etats Unis font partie des contributeurs dans certains fonds relatifs aux questions environnementales ?
L’annonce du retrait des Etats Unis de l’accord de Paris qu’on le veuille ou non est un choc pour tout le monde pour la simple raison que les Etats-Unis sont une grande nation et ils contribuent pour au moins 15% des émissions de gaz à effet de serre. Vous comprenez qu’une nation émettrice de gaz à effet de serre à hauteur de 15% qui se retire de l’accord de Paris, cela veut dire qu’elle pourra continuer à émettre des gaz à effet de serre mais sans faire partie des solutions d’atténuation. Et cela peut inquiéter car si les Etats Unis se retirent cela peut avoir plusieurs implications. Tout d’abord, ils ne feront plus partie des solutions et ne feront pas tout ce qui a été décidé dans l’accord de Paris, car ils seront libres d’émettre des gaz à effet de serre mais sans atténuer. L’autre implication est que les Etats-Unis sont les grands contributeurs du fonds vert sur le climat et s’ils ne sont pas sensibles aux questions du climat cela veut dire que leurs financements pourront diminuer ou même s’annuler. Ce sont ces financements qui permettent de réduire la vulnérabilité des pays africains. En plus, les Etats Unis peuvent aussi influencer quelques pays avec qui ils avaient des alliances et qui peuvent de façon bilatérale donner des financements aux pays africains pour s’adapter au changement climatique ou pour atténuer les effets du changement climatique. Fort heureusement, le Président américain Donald Trump n’a pas été suivi dans cette dynamique et même aux Etats Unis, l’on voit déjà au niveau de certains Etats comme par exemple la Californie qui n’est pas le moindre Etat, où des entreprises américaines disent: « C’est un chemin de non- retour. La planète est une et indivisible, nous ne revenons pas en arrière parce que nous sommes conscients des effets du changement climatique et c’est une réalité chez nous ».
Nous avons néanmoins un brin d’espoir car l’annonce qui a été faite par le Président Trump n’a pas encore été validée par le Senat américain. Par ailleurs, s’il advenait que le Senat approuve cette décision, nous sommes convaincus qu’il ne sera pas suivi dans cette dynamique parce qu’il y a des initiatives qui se prennent notamment dans le domaine des énergies renouvelables et qui vont dans le sens d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre. Ce qui fait qu’il y a quand même un optimisme quelque part. Mais, il faut reconnaitre que si les Etats Unis se retiraient et que cette dynamique était suivie, cela pourrait réellement avoir un impact négatif sur l’Afrique.
Par Raoul SIEMENI