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Interview AEP

Dr Juliette BIAO KOUDENOUKPO, Directrice régionale Afrique de ONU-Environnement

« Le manque d’informations au niveau des pays africains est l’une des raisons de manque d’engagements dans cette lutte contre les déchets toxiques»

Responsable de l’ONU-Environnement sur le continent africain, le Dr Juliette BIAO KOUDENOUKPO nous parle des conclusions prises lors de la dernière Assemblée générale des Nations-Unies sur les questions de l’environnement sous le thème « Une planète sans pollution ». En sus, elle évoque le manque d’informations pour certains gouvernements et populations africains sur la Convention de Bamako, arme dans la lutte contre les déchets toxiques illicites. La fonctionnaire onusienne essaie de donner les pistes de solutions pour les gouvernants africains dans les colonnes d’Afrique Environnement Plus.

 

Afrique Environnement Plus : Qu’est ce qu’on peut retenir comme mesures fortes au profit de l’Afrique au terme de l’Assemblée générale de l’ONU sur les questions de pollution et des déchets ?

Dr Juliette BIAO : L’Assemblée des Nations-Unies est l’instance suprême qui prend des décisions sur les questions environnementales et elle regroupe 193 Etats membres dont 54 sont africains. Cette deuxième Assemblée des Nations-Unies s’est tenue sous le thème « Une planète sans pollution ».

Au  nombre des résolutions qui ont été adoptées lors de ces assises sur l’environnement, l’Afrique a eu une position commune sur les mesures idoines qui faillent prendre pour lutter contre la pollution de l’eau, du sol, de l’air, sonore et toutes formes de pollution. Une déclaration ministérielle a été adoptée, et était négociée entre les Etats membres. L’une des résolutions qui concerne l’Afrique est celle qui lance un appel à tous les pays africains de pouvoir adopter les solutions plus novatrices pour accélérer la mise en œuvre de l’Agenda africain 2063. Cela passe par les questions de nouvelles technologies, des questions de comment valoriser toute la chaine et puis, la production depuis les matières premières, leurs transformations et leurs commercialisations pour qu’on puisse vraiment aller vers une valorisation des chaines de valeur. Elle permettra justement d’aller vers la réduction des gaz à effet de serre.

La 2ème Conférences des Parties des pays de la convention de Bamako, qui se tient à Abidjan au lendemain de l’Assemblée générale, semble être oubliée après 5 ans de la tenue de la 1ère Cop. Est-ce un manque d’engagement ou un désaveu des pays à pouvoir s’engager sur ces questions prioritaires, celles de la lutte contre les pollutions toxiques ?

Effectivement, cette observation est juste ! Je dois vous signaler que, le 30 janvier 2018 marquait le 27ème anniversaire de l’adoption de la Convention de Bamako sur l’interdiction de l’importation des déchets dangereux en Afrique et le contrôle et la gestion des déchets et des mouvements transfrontières. On a bien le droit d’avoir cette observation pour se demander pourquoi cette léthargie sur la mise en œuvre de la convention de Bamako qui, pourtant, est le seul accord multilatéral qui est africain.

A mon sens, l’une des raisons est le manque d’informations au niveau des pays africains. Parce que je ne peux pas m’imaginer qu’avec tous les défis à relever sur les questions de pollution en Afrique et leur impact sur les populations africaines, en particulier sur les femmes et les enfants, que les gouvernements soient vraiment indifférents à cette problématique. Je crois qu’ils ont suffisamment manqué d’informations pour pouvoir attirer l’attention des gouvernements sur le fait que mettre en œuvre la Convention de Bamako va leur permettre de réduire de façon sensible les dépenses sur la santé publique et de les mettre à l’abri des menaces des impacts des effets dangereux.

Il y a les moyens financiers que les Etats n’ont pas su mettre en œuvre pour pouvoir faire évoluer la mise en œuvre de la Convention de Bamako. Mais, tous les ministres se sont accordé que le moment est venu pour un nouveau départ.

C’est la première conférence des Parties qui se tient au lendemain de l’Assemblée génération sur l’environnement sous le thème « les questions de pollution. » Donc, elle se tient à un moment où les pays africains avaient déjà pris l’engagement par rapport  aux résolutions qui ont été adoptées sur la même question.

La Cop 2 sur la Convention de Bamako est justement le point de départ pour la mise en œuvre des résolutions de l’Assemblée des Nations-Unies. La démarche futuriste compte beaucoup plus que de s’enliser sur le passé et de continuer à s’auto-flageller sur les questions de départ de la mise en œuvre. Mieux vaut tard que jamais, ne le dit-on pas ! Des opportunités sont là et qu’il faille les saisir et le secteur privé aujourd’hui voit en ces déchets, une opportunité d’affaires. Je crois qu’il faut construire sur ce moment et non sur l’avenir.

Dit-on que l’Afrique s’accroupie sur des déchets. Comment la réglementation des décisions inhérentes des Cops pourrait rendre effectif le Secrétariat de la Convention de Bamako?

Dans l’engagement fort que les ministres ont pris, ils ont dit que si nous voulons que la Convention de Bamako fonctionne, tout en reconnaissant tous les efforts, toute l’assistance que ONU-Environnement a fourni jusque-là et se référent  aussi aux expériences passées sur les autres conventions, comme par exemple celle d’Abidjan qui aussi est passée sur les mêmes difficultés. Et, ils se sont dit qu’il faut savoir rompre le cordon ombilical entre l’ONU-Environnement et ce que les Etats doivent aussi prendre en charge. Bref, ils veulent une personnalité pour cette convention, s’approprier cette convention.

Ainsi, il faut d’abord commencer par établir le Secrétariat dans l’un des Etats Parties. Et le Mali a enfin accepté d’abriter ce Secrétariat. Bien entendu, il y a vraiment à clarifier toutes les modalités, procédures et s’assurer que les mesures qui vont être prises pour l’établissement de ce Secrétariat trouvent l’assentiment de tous les Etats. Parce qu’il ne s’agira pas seulement de l’infrastructure, mais du fonctionnement, des contributions qui doivent être honorées de façon régulière.

Et au-delà des contributions, il va falloir également poser les jalons pour que ce Secrétariat soit à la hauteur des attentes.

La prochaine Cop est annoncée à Brazzaville en 2020. Cette fois-ci peut-on espérer que tous ces mécanismes puissent être solides et que la Convention fonctionne normalement ?

C’est ce qui est souhaitable, mais je ne saurai le dire ! Et d’ailleurs, les ministres  se sont accordés à tenir une Conférence des Parties extraordinaire en 2019 justement pour pouvoir discuter des procédures du Secrétariat. J’ai dit tantôt qu’on ne peut pas rompre le cordon ombilical tout de suite, même si le Secrétariat est établi au Mali demain, il faut une transition dès l’appropriation de cette structure par les Etats membres. Ce qui suppose que les ministres eux-mêmes l’ont suggéré et surement, cela sortira dans les décisions qui seront adoptées.

Retenez que l’ONU-Environnement apporte une contribution, peut être en termes de Secrétaire exécutif qui va conduire le fonctionnement et la mise en œuvre de la convention. S’ils adoptent cette décision, cela nous donnera une légitimité de faire cette requête au niveau du Directeur général de l’ONU-Environnement qui, en fait, est l’actuel Secrétaire exécutif de la Convention.

 

 Raoul SIEMENI

 

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