Activité humaine, réchauffement climatique et perturbation de la circulation océanique : cette étrange série d’événements serait à l’origine d’une véritable invasion de sauterelles.
mercredi 18 mars 2020
La crise que connaît actuellement l’Afrique de l’Est semble tout droit sortie du livre de l’Exode : « les sauterelles […] couvrirent la surface du sol, qui en fut obscurci. Elles dévorèrent toute la végétation du pays et aussi tous les fruits des arbres. » Aujourd’hui, c’est une situation similaire qui menace l’alimentation de dizaines de millions d’habitants. Des essaims de la taille d’une ville font s’abattre le chaos sur les cultures et les prairies, dévorant tout ce qui se trouve sur leur passage en quelques heures. Avec sept pays de l’Est africain actuellement touchés, l’envergure de cette invasion acridienne est sans précédent de mémoire récente.
Les insectes à l’origine de cette débâcle sont les criquets pèlerins, également appelés sauterelles tigres, dont les populations prolifèrent dans le sillage des épisodes de pluie intense qui touchent leur habitat d’ordinaire aride en Afrique et au Moyen-Orient. Selon les experts, les principaux coupables de cette invasion seraient une longue période aux conditions météorologiques exceptionnellement humides ainsi que divers cyclones qui se sont abattus sur l’Afrique de l’Est et la péninsule arabique ces 18 derniers mois. Cette activité cyclonique plutôt rare dans la région s’explique quant à elle par le dipôle de l’océan Indien, un gradient de température océanique particulièrement prononcé ces derniers temps, également associé aux feux de brousse dévastateurs qui ont ravagé l’est de l’Australie.
Malheureusement, certains experts affirment que cette situation serait annonciatrice d’autres événements du genre à l’heure où l’augmentation des températures océaniques de surface alimente les tempêtes et le changement climatique fait pencher la balance en faveur d’une dynamique de circulation des océans semblable à celle qui a préparé le terrain pour les catastrophes transocéaniques de cette année.
« Si la fréquence des cyclones continue d’augmenter, je pense que nous pouvons raisonnablement anticiper une multiplication des événements de recrudescence et d’invasions acridiennes dans la Corne de l’Afrique, » déclare Keith Cressman, responsable de la surveillance acridienne au sein de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Photographie de Ben Curtis, AP