Un pas en avant, deux pas à gauche. Sous le soleil rouge du crépuscule angolais, Elias Kawina, ex-soldat pendant la guerre civile, entraîne sa troupe de 30 rangers tels des militaires pour combattre les braconniers dans la savane quasi inexplorée du pays.
« Là où les rangers passent, les braconniers trépassent », chante en portugais l’escadron de rangers qu’il mène à la baguette.
Elias Kawina était lieutenant des forces armées durant la guerre civile qui a ravagé l’Angola de 1975 à 2002.
« J’étais un soldat, mais après la paix j’ai été démobilisé et maintenant je suis un ranger, un +soldat de la nature+ comme on se surnomme », explique à l’AFP l’ex-officier de 38 ans, devant les bâtiments du tout nouveau centre d’entraînement des rangers, dans la province reculée de Cuando-Cubango (sud-est).
« Pendant la guerre civile, les animaux étaient mangés. A la fin du conflit, le gouvernement a pensé qu’il était aussi temps de laisser les animaux sauvages en paix », ajoute-t-il, béret noir vissé sur le crâne.
Devenu soucieux de la protection de la vie sauvage, le gouvernement angolais a fermé certains marchés et promis d’alourdir les peines contre les braconniers. Car l’Angola, voisin des deux Congos, est l’une des plaques tournantes du commerce d’ivoire. Dans certains marchés de la capitale Luanda, les bijoux faits à partir de défenses d’éléphants se trouvent facilement, exposés au grand jour.
Des visas plus faciles ?
Mais le chemin est long pour changer les pratiques. Pour l’heure, l’Angola est surtout connu pour sa corruption galopante, son épidémie de fièvre jaune, ses chambres d’hôtels à 600 dollars et ses frontières difficiles à pénétrer.
Or le pays, ultra-dépendant du pétrole dont il est le deuxième producteur d’Afrique derrière le Nigeria, est contraint avec la crise du cours de l’or noir de trouver d’autres sources de devises.
C’est pourquoi il veut miser notamment sur le tourisme lié aux animaux sauvages.
« Nous n’avons pas encore profité de notre faune pour diversifier notre économie, créer des emplois, réduire la pauvreté et ainsi aider les générations futures », relève la ministre angolaise de l’Environnement, Maria Jardim, depuis l’un des rares hôtels de la région de Cuando Cubango.
Le gouvernement espère attirer prochainement des visiteurs et rêve de concurrencer un jour ses voisins namibiens et botswanais, connus pour leurs parcs naturels.
Jusqu’à présent, obtenir un visa pour se rendre en Angola – même un simple visa de tourisme – demeure un véritable parcours du combattant.
Mais début juin, le pays dirigé par le président Jose Eduardo dos Santos depuis 37 ans a montré un premier signe d’ouverture en accueillant la journée mondiale de l’environnement des Nations unies.
« Le président est concerné par la protection de l’environnement et veut protéger les éléphants », assure la ministre Maria Jardim.
Profiter des animaux sauvages pour doper l’économie angolaise est un projet qui pourrait toutefois prendre de longues années avant d’aboutir. Notamment parce que le sud-est de l’Angola, berceau du célèbre fleuve Okavango, manque encore d’animaux sauvages.
« Si vous avez peu de vie sauvage, peu d’infrastructures et peu de transports, comment allez-vous attirer des clients? », s’interroge Paul Funston, de l’ONG Panthera qui protège les félins. « La protection de l’environnement en Angola est encore insuffisamment financée. Pour réussir, il faut attirer de gros investisseurs ».
Mais si le gouvernement fait de réels efforts pour lutter contre le braconnage et le commerce de viande de brousse, la vaste savane du sud du pays pourrait selon M. Funston être repeuplée d’animaux sauvages en quelques années.
TERRE INCONNUE
Depuis la fin de la guerre civile – où les éléphants étaient abattus par hélicoptère pour financer le conflit via la vente d’ivoire -, la population des pachydermes augmente progressivement, selon certains experts. Leur nombre exact reste néanmoins inconnu.
« L’Angola n’a pas beaucoup d’animaux sauvages mais a la chance d’avoir d’immenses zones vierges », estime Alex Rhodes, de l’ONG Stop Ivory qui protège les éléphants.
Les rares experts qui se sont aventurés dans ces zones reculées du pays estiment que le potentiel de l’Angola est immense.
Steve Boyes, biologiste pour National Geographic a mené plusieurs longues expéditions, notamment en pirogue pour découvrir ces régions
« Cette zone est la région sur laquelle on a le moins d’informations scientifiques dans le monde concernant la biodiversité et la botanique. Nous avons découvert près de 20 espèces, des reptiles, des plantes et même un petit mammifère que nous soupçonnons d’appartenir à une nouvelle espèce », se réjouit-il.
« Nous avons vu des éléphants, des lions, des léopards. Ils sont là, dans un des plus beaux paysages du monde », poursuit l’explorateur dont les imposantes moustaches rappellent le docteur Livingstone.
« C’est le moment de changer en Angola! L’heure de s’ouvrir et de démarrer sur de nouvelles bases ».
AFP