Le protocole d’accord signé en mai dernier par l’ANPN du Gabon (Agence Nationale des Aires Protégées), l’OFAC et le RAPAC (respectivement Observatoire et Réseau des Aires Protégées d’Afrique Centrale) est exceptionnel parce qu’il va permettre pour la première fois l’observation rigoureuse et harmonisée de toutes les aires protégées d’un pays, mais aussi parce que ce protocole est le résultat de l’appropriation finalement très rare d’un programme de bailleur, en l’occurrence le programme BIOPAMA de l’UE, par des institutions souveraines nationales et régionales.
Ce protocole pourrait même devenir historique s’il était suivi de la signature avant fin 2016 de protocoles similaires entre l’OFAC, le RAPAC et l’ICCN de RDC, l’ACFAP du Congo ou encore la DCFAP du Tchad, qui tous ensemble conduiraient à la création du bas vers le haut d’un Observatoire régional des aires protégées – ce qui en terme de résultat mais aussi de méthode, serait peut-être une première mondiale.
Avril 2014 au siège du Centre Commun de Recherche (ou JRC) de la Commission Européenne à Ispra en Italie : quelques acteurs de la conservation des aires protégées en Afrique Centrale s’engagent dans un processus que l’on ne constate que très exceptionnellement sur le terrain, à savoir s’approprier sincèrement et concrètement certains des objectifs et outils d’un programme international pour les faire converger avec les priorités des autorités nationales concernées.
Le programme en question, c’est BIOPAMA, un programme d’observation des aires protégées financé par l’UE sous l’égide et au bénéfice des pays ACP, dont la maîtrise d’œuvre est partagée entre l’UICN et le JRC. Concernant l’Afrique Occidentale et Centrale, en avril 2014, soit près d’un an après son lancement officiel à Dakar, ce programme BIOPAMA n’a pas encore beaucoup de réalisations concrètes à porter à son crédit, mais un outil technique d’évaluation de la gestion des aires protégées, développé principalement en RDC dans les marges de BIOPAMA, semble en mesure de combler brillamment cette lacune : en effet, dès que l’information du questionnaire est achevée, cet outil d’observation permet aux praticiens de terrain et notamment aux Conservateurs de parcs de visualiser sur un « radar » à 6 axes les principaux défauts et qualités de leur gestion, leur permettant ainsi de discuter avec les experts des mesures correctrices à mettre en œuvre dès la fin de l’observation.
Quelques représentants légitimes du secteur de la conservation en Afrique Centrale, réunis par le JRC à Ispra, mesurent immédiatement le très haut potentiel d’efficacité de cet outil d’observation des AP et font une proposition extraordinaire aux porteurs de BIOPAMA : ils vont tester cet outil en Afrique Centrale, dans « leurs » AP, et quasiment sans recourir aux subventions de BIOPAMA mais plutôt en utilisant leurs financements déjà disponibles ainsi que l’expertise d’un consultant déjà mobilisée par BIOPAMA, appelé Carlo PAOLINI.
Au premier rang de ces représentants légitimes du secteur des AP en Afrique Centrale, on trouve : Florence PALLA, Omer NTOUGOU, Ben BALONGELWA, Sandra RATIARISON, Cyril PELISSIER ou Romain CALAQUE, qui à cette époque sont respectivement cadres au RAPAC, à l’ANPN, à l’ICCN, à ECOFAC, à WWF et à WCS.
Ces tests ont lieu dans la foulée, entre juillet et septembre 2014, simultanément au Gabon et en RDC – mais est-ce un hasard, puisque ces deux pays disposent d’Agences de gestion des AP reconnues et dynamiques. Les résultats de ces tests sont présentés deux mois plus tard en parallèle de la plénière du PFBC-2014 qui se tient à Brazzaville : l’accueil est tellement favorable que, bien que cet outil n’ait jamais été prévu dans le cadre logique de BIOPAMA, il devient la vitrine de ce programme et semble être en voie d’adoption par les pays pour l’observation des AP en Afrique Centrale.
En 2015, ce protocole de collecte et d’analyse des données sur la gestion des AP, désormais baptisé IMET, est à nouveau testé par l’ANPN au Gabon en présence de Conservateurs venus des pays voisin, il reçoit un nom (IMET), puis il se voit consolidé par un manuel de coaching (appelé COMIT) et enfin il suscite des discussions de plus en plus nombreuses à travers le vaste programme BIOPAMA, qui au-delà de l’Afrique Centrale, vise l’ensemble des presque 80 pays ACP. Après des tests unitaires dans quelques AP, il devient donc nécessaire de passer au niveau supérieur en utilisant IMET à l’échelle de tout le réseau d’AP d’un pays, et c’est à nouveau l’ANPN du Gabon qui ouvre la voie, suivie de près par l’ICCN de RDC.
En face du Secrétaire Exécutif de l’ANPN, Lee WHITE, et de ses collaborateurs Nestor BOUENGUE et Olivier ASSAME ONDO, on retrouve dans les négociations techniques deux familiers de BIOPAMA qui étaient les principaux artisans du « détournement » de BIOPAMA au profit des pays de la sous région intervenu à Ispra en avril 2014, à savoir Florence PALLA et Omer NTOUGOU, devenus respectivement coordinatrice de l’OFAC et Secrétaire Exécutif du RAPAC.
Ces négociations techniques aboutissent à un projet de Protocole d’Accord entre l’ANPN, l’OFAC et le RAPAC qui vise à « créer un cadre institutionnel et opérationnel pour appuyer aux niveaux local, national et régional la collecte et l’analyse des données sur l’évaluation de l’efficacité de gestion des parcs nationaux du Gabon selon la méthode IMET (Integrated Management Effectiveness Tool), adoptée de manière consensuelle par les Parties ».
Concrètement, l’ANPN s’engage d’une part à utiliser un outil unique et standardisé (c’est-à-dire IMET) pour observer l’intégralité des aires protégées du Gabon et s’engage d’autre part à partager ces résultats avec l’OFAC et le RAPAC, en échange de quoi l’Observatoire et le Réseau s’engagent d’une part à appuyer la collecte des données de l’ANPN du point de vu technique et financier (notamment via BIOPAMA), et s’engagent d’autre part à consolider la conservation des AP au niveau régional grâce à la valorisation des données du Gabon.
Cet exceptionnel protocole est signé par l’ANPN, la COMIFAC (tutelle de l’OFAC) et le RAPAC en mai 2016. Pourquoi est-il exceptionnel ? Parce qu’il est extrêmement rare qu’un projet technico-financier à durée limitée, initié par un bailleur et venant du niveau global, deviennent ainsi un contributeur significatif et intégré à l’intérieur d’un processus technico-institutionnel durable, voulu et copiloté par une autorité nationale et deux institutions régionales. Ce protocole consacre finalement une convergence très rarement observée entre crédibilité technico-financière des PTF(partenaires techniques et financiers) et légitimité institutionnelle des acteurs souverains, ainsi que la convergence entre un processus descendant de bailleur et un processus ascendant de praticiens de terrain.
Pour ces diverses raisons, ce protocole d’accord ANPN-OFAC-RAPAC est exceptionnel et pourrait même devenir historique si, conjugué dans les prochains mois aux signatures de protocoles similaires entre respectivement l’ICCN de RDC, l’ACFAP du Congo ou encore la DCFAP du Tchad, et l’OFAC et le RAPAC, ce premier protocole conduisait à l’émergence d’un véritable Observatoire Régional des aires protégées d’Afrique Centrale, susceptible d’être reconnu en 2017 par les dix Ministres de la COMIFAC.
Ce serait une consécration pour les efforts fournis tant par les acteurs de l’ANPN, de l’OFAC et du RAPAC, que par les acteurs du programme BIOPAMA, au premier rang desquels ceux qui avaient voulu la réunion au JRC d’Ispra en avril 2014.
HAKUZIMANA Damascene
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