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Agriculture

Bill Gates promeut une agriculture high-tech en Afrique

En pleine pandémie de Covid-19, Bill Gates fut la cible de ce qu’il est convenu d’appeler les «complotistes». Il fut surtout critiqué pour avoir défendu le monopole des brevets sur les vaccins. Habitué des conférences internationales qui planchent sur l’avenir de la planète, très écouté des «grands» de ce monde, qui se pressent pour figurer à ses côtés, il est porté aux nues pour ses actions philanthropiques en faveur de l’Afrique, salué comme un bienfaiteur de l’humanité qu’il serait particulièrement mal venu de critiquer.

Et pourtant. Au cours des dix-sept dernières années, la fondation Bill et Melinda Gates a injecté quelque 6 milliards de dollars dans le secteur de l’agriculture, dont près de 5 milliards censés bénéficier à l’Afrique. Un tel pactole impacte forcément les politiques agricoles du continent et, partant, l’agenda agricole mondial. Alors, de 2003 à 2020, à qui et à quoi ces quelque 1130 subventions ont-elles été accordées, pour quels résultats? C’est la question à laquelle répond l’organisation internationale GRAIN, qui vient de publier les résultats d’une enquête très pointue sur la question1.

Les résultats sont édifiants, puisque il en ressort que, loin d’une manne qui bénéficierait avant tout aux paysans africains, comme le répète à l’envi la Fondation Gates, 82% des subventions ont été versées à des structures basées en Amérique du Nord et en Europe. Le principal bénéficiaire est clairement le CGIAR (Consortium des centres internationaux de recherche agricole), un consortium de 15 centres de recherche lancé dans les années 1960 et 1970 pour promouvoir la révolution verte, misant avant tout sur des semences à haut rendement et à un recours intensif à des intrants chimiques, lequel a reçu 1,4 milliard de dollars de la Fondation depuis 2003.

L’AGRA, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, qui a infiltré la plupart des centres de recherche agricole sur le continent, est l’autre grand bénéficiaire de cette manne. Cette organisation qui compte en son sein les grands noms de l’agrobusiness a en effet reçu de la fondation quelque 638 millions de dollars depuis 2006, un montant colossal qui couvre près des deux tiers de son budget global. But de l’Alliance: développer et promouvoir les biotechnologies, les semences transgéniques, les intrants chimiques et faire pression sur les gouvernements africains pour qu’ils s’engagent sur la voie d’une agriculture industrielle, autorisent les OGM (organismes génétiquement modifiés) sur leur sol, malgré la résistance avérée des communautés paysannes et les désastres environnementaux et climatiques générés par ce type d’agriculture.

Les résultats obtenus par l’AGRA dans les pays où elle est active sont d’ailleurs plus que mitigés. Sans que cela ne pousse la Fondation Gates à modifier son approche, bien au contraire: début 2020, la fondation a lancé son propre institut de recherche, le Gates Ag One, basé à Saint-Louis, aux Etats-Unis, où se trouvent également le siège de Monsanto et d’autres géants des OGM et des pesticides. Cette structure ambitionne d’accélérer encore la transformation en profondeur des agricultures des pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud.

Pour faire passer sa vision du monde auprès des chefs d’Etat, décideurs politiques, responsables d’entreprises et promouvoir en Afrique et partout ailleurs dans le monde une agriculture high tech, Bill Gates ne ménage pas ses efforts. Lors du Sommet virtuel sur le climat organisé par le président étasunien, Joe Biden, en avril, il a également partagé sa vision pour remédier à la crise climatique: développer de nouvelles technologies, faire confiance au marché et favoriser des politiques permettant aux entreprises d’agir sans entraves. Une vision similaire à celle par laquelle il veut nourrir le monde, et tout aussi inquiétante.

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