Les délégués ont reconnu pour la première fois que le commerce de peau, de cornes, de sabots et d’os de girafes notamment constituait une menace pour la survie de l’espèce.
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La girafe ou encore le requin mako, parmi d’autres espèces, ont fait mercredi leur entrée à la CITES, régissant le commerce international d’espèces sauvages. Cette réunion, qui s’est tenue à Genève, a été marquée par la colère de plusieurs pays africains.
La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), qui regroupe plus de 180 pays, était réunie depuis le 17 août dans le Palais des expositions.
Les Etats membres se retrouvent tous les deux ou trois ans pour amender la liste des espèces sauvages – environ 36’000 – régies par la CITES. La convention est aussi chargée de vérifier la bonne mise en oeuvre des décisions et peut imposer des sanctions.
Un million d’espèces menacées
Un rapport clé de l’ONU a révélé récemment qu’un million d’espèces étaient menacées d’extinction à cause des activités humaines. L’inscription de nouvelles espèces et l’interdiction du commerce international pour d’autres marquent « la reconnaissance de l’urgence », a salué la secrétaire générale de la CITES, Ivonne Higuero, lors de la conférence de presse de clôture.
Parmi les animaux emblématiques, la CITES a introduit la girafe dans son annexe II, qui soumet le commerce international à des permis d’exportation, à condition qu’il ne porte pas atteinte à la survie des animaux dans la nature.
Les délégués ont reconnu pour la première fois que le commerce de peaux, cornes, sabots et os de girafes notamment constituait une menace pour la survie de l’espèce, dont la population a décliné en Afrique d’environ 40% en trente ans.
Plus de commerce d’éléphants
Ils ont aussi quasiment interdit le commerce international d’éléphants sauvages d’Afrique pour les mettre en captivité dans des zoos ou des parcs de loisirs. Le Zimbabwe, qui selon des ONG vend des éléphanteaux à la Chine, a tenté, en vain, de contrer le vote en séance plénière mardi en invoquant un article de la Convention, ce qui ne s’était jamais vu.
La CITES a aussi refusé d’autoriser la vente de stocks d’ivoire. Le commerce international est strictement interdit depuis 1989 pour protéger les éléphants, victimes de braconnage.
Pays africains mécontents
Le président du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa, dont le pays traverse une grave crise économique, a dénoncé ces décisions via le quotidien d’Etat The Herald. « Le sort de nos animaux sauvages est discuté à Genève, un endroit sans rapport avec eux », s’est-il insurgé.
De son côté, la Tanzanie, qui s’exprimait au nom de dix pays, dont le Zimbabwe, le Botswana et l’Afrique du Sud, a déclaré mercredi que « le temps est venu de sérieusement considérer si notre appartenance à la CITES présente des avantages significatifs ».
Cette option constitue « une grande inquiétude pour moi », a reconnu Yvonne Higuero lors d’une conférence de presse. « Partir n’est pas une solution », a-t-elle ajouté.
Si des pays se retirent de la CITES, ils doivent toujours remplir des obligations pour commercialiser des espèces à l’international. « Ce qu’ils n’ont pas est une chaise autour de la table » des négociations, a relevé Craig Hoover, président d’une des commissions.
« Il est dommage de brandir la menace de partir » de la CITES, a commenté à l’AFP le Gabon, membre d’une coalition pour l’éléphant d’Afrique.
Espèces marines à l’honneur
Les espèces marines ont aussi été à l’honneur. Dix-huit espèces de raies et de requins et trois de concombres de mer ont fait leur entrée à l’annexe II, marquant un renforcement de la protection des espèces marines dont certaines, comme les requins makos, représentent de grands enjeux commerciaux.
La CITES a aussi renforcé la protection de deux espèces de loutres d’Asie, la loutre cendrée et la loutre à pelage lisse, très prisées au Japon comme animaux de compagnie, en interdisant tout commerce international. Les batraciens, reptiles, tortues, ou encore les arbres n’ont pas été oubliés.
Les ONG ont salué les résultats de cette COP, Robin des Bois parlant d’un bilan « positif » et le WWF « d’implications significatives pour l’avenir de milliers d’espèces ».
« Les espèces ont reçu la protection commerciale nécessaire », a commenté Susan Lieberman, de Wildlife Conservation Society. Mais l’inscription de nouvelles espèces reste « une victoire amère », a-t-elle relevé.
Chantiers ouverts
Interrogé par Keystone-ATS, Matthias Lörtscher, de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires, a relevé que la plupart des décisions ont fait l’objet d’un consensus et que la CITES fonctionne bien.
Il reste toutefois des chantiers ouverts. Ainsi, les requêtes des Etats d’Afrique australe n’ont pas pu être honorées, a relevé le spécialiste. Des Etats qui estiment à juste titre faire du bon travail pour la protection des espèces, alors même que d’autres Etats qui en font moins leur dictent ce qu’ils ont à faire.
Par ailleurs, dans environ un tiers des Etats-membres, la législation est à la traîne par rapport aux accords. Et il faudrait des contrôles plus stricts quant à leur application concrète, estime encore M. Lörtscher.