À Bonn, le 17 novembre, la première Convention climat présidée par un petit État insulaire donnait le sentiment d’une occasion manquée. 2018 sera une année clé.
Dans les couloirs de la Convention Climat, la déception dominait, vendredi 17 novembre, à quelques heures de la clôture de cette 23e édition. Certains exprimaient franchement leur frustration, après deux semaines de négociations. « C’est comme si le cœur n’y était pas, confie le Malien Seyni Nafo, chef du groupe des pays africains. Il y a comme un attentisme, chacun s’observe dans les négociations. Quand un des acteurs ne joue pas sa partition, il n’y a plus d’émulation », estime ce dernier, en référence à l’administration américaine, qui a réitéré à la tribune jeudi, son intention de quitter l’Accord de Paris.
D’autres, tel Nicolas Hulot, le ministre de la transition écologique, ont tenté une communication plus positive, évoquant « les acquis » de cette COP, comme l’organisation du dialogue dit de « Talanoa » qui doit permettre aux États de rehausser leurs ambitions pour tenter de contenir le réchauffement climatique sous les 2 °C. « La structuration de ce dialogue, sous l’impulsion des îles Fidji, est une avancée significative », confirme Henri Waisman, de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
Il n’empêche : lors de son point presse, jeudi 16 novembre au soir, Nicolas Hulot a surtout dû faire le constat des blocages et des dossiers en latence.
Première grande frustration : le peu d’avancées sur la solidarité Nord-Sud, notamment financière. Certes, les financements, qui seront au cœur du sommet climat du 12 décembre à Paris, n’étaient pas officiellement à l’ordre du jour de la COP 23. Mais la rivalité Nord-Sud qui a refait surface dès les premiers jours, n’est évidemment pas propice à relancer une dynamique collective. Sur plusieurs sujets, les attentes ne sont pas comblées à ce stade, comme l’a d’ailleurs reconnu Nicolas Hulot.
Les « pertes et dommages »
Ainsi du dossier des « pertes et dommages », qui doit permettre aux pays déjà touchés par la multiplication des catastrophes naturelles de faire face. « Il faudra y apporter une réponse », s’est contenté de souligner le ministre français.
Celui de « l’adaptation », qui concerne le financement des infrastructures destinées à s’adapter au réchauffement. « Les financements ont été un sujet difficile et bloquant », indique l’Iddri. Les négociations ont pâti, selon l’Institut, de cette concurrence entre pays en développement et pays occidentaux.
Autre inquiétude : la mollesse des réponses des États à la question cruciale de l’« ambition ». De fait, la structuration du dialogue de Talanoa n’est qu’un début, et tout reste à faire. Pour espérer limiter l’emballement du climat, les pays doivent impérativement engager une transition bas-carbone volontariste, dont ils sont aujourd’hui très loin – 40 % de l’électricité mondiale provient encore du charbon, pour n’en donner qu’une illustration.
Le prochain rapport du Giec
Et si à Bonn, le mot « ambition » est sur toutes les lèvres, on reste largement dans le registre de l’analyse ou de l’incantation, alors que tous les signaux climatiques sont au rouge ; et que le prochain rapport du Giec (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), fin 2018, promet d’être alarmant (1).
Certes, le sujet climat va rester en haut de l’agenda mondial, avec de nombreux rendez-vous en 2018. Une année qui sera, selon Nicolas Hulot, « le moment de vérité » : après le sommet de Paris, le 12 décembre, viendra en septembre 2018 (quelques jours avant le rapport du Giec) le sommet de Californie, consacré aux acteurs non étatiques, puis la COP 24 à Katowice, en Pologne, en décembre.
Sans compter le G7 et le G20, ainsi que le sommet climat qu’Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU entend convoquer en septembre 2019 pour « mobiliser les énergies politiques et économiques aux plus hauts niveaux ».
« Vieilles querelles »
Il n’empêche : la COP 23 a souffert d’un cruel manque de leadership, que la venue le 15 novembre d’Emmanuel Macron et de la chancelière allemande Angela Merkel n’a pas suffi à combler. « Quand le leadership politique baisse d’un cran, les vieux réflexes, les vieilles querelles, reviennent en force, fait observer Pascal Canfin, le directeur général du WWF-France. On ne peut pas reprocher aux négociateurs de défendre leurs intérêts, ils sont dans leur rôle ».
Au final, l’essentiel de cette convention climat ne s’est pas joué dans la « Bula zone » – cœur des négociations – mais dans la « Bonn zone », où se sont nouées les initiatives de la société civile et les coalitions, impliquant souvent les États, mais aussi les régions, les villes, les entreprises, etc. À l’image de l’alliance pour une sortie définitive du charbon, qui compte déjà une vingtaine d’États ou la « plate-forme 2050 » qui soutient les stratégies bas-carbone de long terme et rassemble des pays aussi divers que les îles Marshall, l’Éthiopie, le Mexique ou la Nouvelle-Zélande.
Ce fut là aussi que l’Amérique anti-Trump, et l’« America’s pledge » – qui réunit les acteurs engagés dans la lutte contre le réchauffement aux États-Unis –, ont fait entendre leur voix. Autant d’initiatives majeures, qui ne peuvent toutefois se substituer à la gouvernance et à l’impulsion des États, tant le défi climatique est ardu à relever.
Marine Lamoureux (à Bonn)
- Il s’agit du premier des trois rapports thématiques que le Giec doit remettre ces prochaines années. Il porte sur l’objectif de 1,5 °C de réchauffement.