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Interview AEP

COP22: Interview de la Ministre de l’environnement de la France, Madame Ségolène ROYAL

AEP: Quel témoignage voudriez-vous donner à la presse par rapport à cette couverture de la Cop 22 ?

C’est grâce aux journalistes que tout le monde va se sentir concerné par le combat sur le climat. Par vous les Etats, les entreprises, les associations et surtout les citoyens auront l’information. Merci d’être présents et de relier tout ce qui se fait ici, parce qu’il y a un fourmillon d’initiatives d’actions opérationnelles et c’est très important pour que chacun puisse s’en saisir, c’est ce que j’appelle la citoyenneté climatique. Cela concerne les citoyens parce que ce sont les citoyens qui sont victimes, notamment ceux des pays les plus pauvres et par conséquent ce sont eux aussi qui doivent être bien informés.

Madame Ségolène ROYALE, il y’a maintenant 103 pays qui ont signé l’accord de Paris, pensez-vous que le nombre des pays augmentera après la Cop 22 ? Concernant la justice environnementale que peut-on dire du fait que ce soient les grandes puissances qui sont à l’origine de la pollution environnementale, mais que ce sont les pays pauvres qui payent ces résultats de pollution ?

Nous sommes déjà à 103 pays qui ont ratifié l’accord de Paris, ce qui fait près de 70% des émissions, nous avons l’Australie, le Canada ainsi que d’autres grandes nations qui nous ont rejoints. Aujourd’hui ces accords sont irréversibles. Nous avons des obligations supplémentaires chaque fois qu’il y a une nouvelle ratification. Chaque pays est responsable de l’application en dimension nationale des engagements inter-unis, cela veut dire que chaque pays doit dire comment, par quelle loi, par quel dispositif fiscal ou par quel règlement il va encourager la montée en puissance des énergies renouvelables.

Comment appréciez-vous l’engagement et les attentes des pays Africains par rapport au financement promis par les pays développés ?

Les financements sont sur la table, les 100 milliards promis à Copenhague sont mis en place puisque l’OCDE vient de faire un rapport qui montre que ces financements sont là. Ces financements étaient prévus pour l’an 2020, mais vue la mobilisation des financements privés qui rejoignent les financements publics, les 100 milliards des financements de transition énergétiques sont disponibles. Sur l’Afrique il y a un fonds plus particulier c’est celui des 10 milliards de dollars qui étaient promis lors de la conférence de Paris sur le climat, cela aussi est sur la table. Comme vous le savez, ce 16 novembre 2016 il y aura une grande journée Africaine, puisqu’à l’initiative du Maroc il y a un sommet des chefs d’Etats africains auquel le Président de la République française va participer pour permettre de définir quels sont les premiers projets qui seront financés à partir de ce nouveau fonds.

 

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Que pourriez-vous nous dire de la justice environnementale et climatique, sans oublier le problème de l’électrification en Afrique ?

Cela a été le thème de mon intervention lors de la transition du passage de flambeau de la Cop 21 à la Cop 22, la justice climatique c’est le cœur du combat climatique parce que les pays les plus pauvres et les plus chauds sont ceux qui subissent le plus durement le réchauffement climatique mais qui ne sont pas à l’origine de ce réchauffement climatique. Donc pour la justice, si l’on veut qu’ils renoncent aux énergies fossiles il faut leur donner la possibilité d’accéder aux énergies renouvelables avec des transferts financiers ; soit avec des transferts technologiques ; soit celui du savoir-faire ou des fonds spécifiques. C’est justement l’enjeu essentiel de cette Cop 22 qui est une Cop Africaine, l’électrification de l’Afrique est l’une des priorités de cette Cop22, c’est l’objet du rapport que j’ai déposé aujourd’hui au secrétariat des Nations-Unies pour faire l’inventaire des 240 projets qui ont été identifiés. La Banque Africaine de Développement (BAD) va servir de structure à laquelle une antenne spécifique de financement va être adossée et qui va être cofinancée par la France, ces crédits sont déjà mises en place et ces antennes peuvent fonctionner, sélectionner les projets, accompagner l’ingénierie des différents projets qui vont se déployer sur le territoire Africain.

Ce lundi vous avez eu un message fort pour l’Afrique, qui est presque ressorti comme un engagement personnel ?

Mon engagement pour l’Afrique date depuis des années, depuis très longtemps je plaide pour cette justice climatique, déjà dans ma compagne présidentielle de 2007 à un moment où personne ne parlait de réchauffement climatique, ni d’enjeux sur l’Afrique ça faisait déjà partie de mon programme présidentiel. Je l’ai concrètement mise en place à la tête de la région de Poaty   Charronne que j’ai présidée pendant 10 ans, j’ai mis en place des coopérations décentralisées avec l’Afrique, avec des régions du Sénégal dont on a mis en place des énergies renouvelables dans des villages ; des fours à combustion lente (qui consomment moins des bois) ; le développement de l’agro agriculture. Je sais aussi comment réaliser des projets en circuit court, tout en donnant directement de l’argent à ceux qui font le travail sur le terrain.

La remise sur la question du partage des savoirs est fondamentale pour le réchauffement climatique, alors est-ce que la France pourrait aider afin que l’on sorte le 18 novembre avec un canevas sur cette question fondamentale ?

Vous avez raison car sans les scientifiques et les savants il n’y aurait pas de Cop climat, ce sont eux qui ont réussi à convaincre le monde entier sur l’impact du dérèglement climatique dû à l’activité humaine, donc ce travail avec les scientifiques doit absolument se poursuivre et les scientifiques doivent avoir les moyens pour continuer la connaissance, par exemple à mon initiative le GEC est entrain de travailler sur un nouveau rapport concernant l’Océan. C’est la France qui lui a demandé pendant la Cop 21 de travailler là-dessus, ce sont des nouveaux champs d’investigation à la fois des futures ressources alimentaires et énergétiques c’est un sujet absolument crucial et au moment où l’on voit surgir du climato-scepticisme, il est encore plus important que les savoirs soient consolidés afin d’améliorer les choses.

 

En sortant de cette COP, quelle est la garantie pour les pays  que les ratifications signées par les différents pays seront respectées ?

La garantie c’est la presse, le pouvoir de la presse est très important par rapport à l’application des engagements climatiques. Dorénavant, chaque pays dira comment il doit réaliser ses objectifs, par quel moyen il va investir dans le renouvelable ; dans l’efficacité énergétique ; dans la lutte contre la pollution ; dans la lutte contre l’utilisation excessive des ressources naturelles. Vous êtes alors la première ligne de cette vigilance sans oublier bien évidement l’ONU, la CNUCC et au niveau Européen également nous devons sans cesse demander à chaque pays, quand est-ce que ses lois arriveront, quelle est la date du passage au parlement et quelles sont les mesures concrètes, etc.  Cela doit être en flux continue sans attendre le passage d’une COP à l’autre sinon on attendra plus de 20 ans pour avoir un accord opérationnel. C’est au jour le jour que les pays doivent être  sommés de dire comment ils avancent et comme c’est leur intérêt  d’investir dans la  croissance verte,  je pense que les choses progresseront sans qu’il ne soit nécessaire de les contraindre.

Raoul SIEMENI

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