Pour la première fois au monde, des guépards nés dans un zoo britannique viennent d’être réintroduits dans une réserve d’Afrique du Sud. Les deux mâles, prénommés Saba et Nairo, étaient arrivés un an plus tôt dans un camp destiné à les entrainer à la vie sauvage.
C’est une nouvelle vie qui commence pour Saba et Nairo. La semaine dernière, ces deux guépards mâles ont réalisé leurs premier pas dans la réserve de Mount Camdeboo en Afrique du Sud. Un territoire protégé étendu sur 8.000 hectares où les félins vont pouvoir s’aventurer librement, chasser et interagir avec des congénères.
Pour The Aspinall Foundation, l’évènement fait figure de victoire. Le fruit de plusieurs années d’investissement et d’efforts menés par l’ONG et ses partenaires. Car Saba et Nairo viennent de loin, très loin. Les deux frères sont nés en 2017 au sein de la Port Lympne Reserve, un zoo situé dans le Kent au Royaume-Uni.
Peu après sa naissance, Saba a rapidement montré des signes de maladie qui se sont confirmés lorsque des examens ont montré que son foie ne fonctionnait pas correctement. Afin de le garder en vie, le petit a été transféré et placé entre les mains de Damian et Victoria Aspinall, les fondateurs de The Aspinall Foundation.
L’initiative a payé. Grâce aux soins apportés, Saba s’est complètement rétabli. En décembre 2018, son frère Nairo qui était resté aux côtés de sa mère l’a rejoint au Howletts Wild Animal Park, situé à une trentaine de kilomètres de Port Lympne. Et les deux ont rapidement tissé des liens forts malgré leur séparation.
Un projet ambitieux et inédit
L’histoire ne faisait toutefois que commencer pour le duo. En 2019, The Aspinall Foundation, très engagée dans la conservation de la faune sauvage, s’est lancée dans un projet ambitieux. Objectif : ramener les deux guépards nés en captivité sur leurs terres natales en Afrique.
« Nous les avons emmenés faire un tour en hélicoptère au dessus de la réserve et ils ont été époustouflés. Je pense qu’ils s’imaginaient déjà leurs précieux petits s’ébattant librement dans ce paysage magnifique« , a-t-il poursuivi dans un communiqué. Mais les choses n’allaient pas être si simples pour les deux félins.
Ayant été élevé à la main, Saba était largement « imprégné » et dépendant. Tout comme Nairo. Les deux étaient habitués à interagir avec des humains et surtout à être nourris de proies déjà tuées. Avant d’envisager leur rendre leur liberté dans la nature, il fallait encore que les félins deviennent capables de se débrouiller par eux-mêmes.
Transportés en Afrique du Sud
Le projet n’a pas manqué de faire réagir certains spécialistes. Mais l’ONG a poursuivi ses plans. En février 2020, les guépards ont quitté le Royaume-Uni et ont embarqué pour un voyage de plus de 9.500 kilomètres. Direction : le centre de l’Ashia Cheetah Sanctuary situé près du Cap en Afrique du Sud.
Le duo y a passé cinq mois à s’acclimater avant d’être transféré dans un camp d’entrainement de 300 hectares intégré à la réserve de Mount Camdeboo. Où les choses sérieuses ont pu commencer. Les guépards se sont retrouvés en contact avec des espèces natives telles que des springbok et ils n’ont pas tardé à retrouver leurs instincts naturels.
En août 2020, les apprentis étroitement surveillés chassaient leur première proie : un jeune bresbok, une antilope endémique du pays. Six mois plus tard, en janvier 2021, ils étaient observés prenant en chasse et tuant un grand koudou, un mammifère imposant loin d’être facile à abattre.
Il est alors devenu évident pour l’équipe de The Aspinall Foundation et ses partenaires que Saba et Nairo étaient prêts à achever leur « formation » et entamer la dernière phase de leur odyssée. Le 17 février dernier, le duo a finalement quitté le camp d’entrainement pour intégrer la réserve principale étendue sur 8.000 hectares.
Un « incroyable succès »
« C’est un incroyable succès pour The Aspinall Foundation, Mount Camdeboo et Ashia Cheetah Conservation« , s’est réjoui Damian Aspinall dans un communiqué. « Beaucoup doutaient que ce projet révolutionnaire soit possible mais nous avons prouvé ensemble que des guépards nés en captivité peuvent être réhabitués avec succès à la vie sauvage« .
Dans le même habitat, évoluent d’autres guépards dont une femelle nommée Ava, plus âgée que Saba et Nairo et qui a déjà donné naissance à des petits en décembre 2020. Les équipes espèrent qu’elle se reproduira un jour avec l’un des deux frères et aidera ainsi à raviver la population de guépards sud-africaine.
Une espèce menacée par une faible diversité génétique
Alors que ses effectifs étaient estimés à quelque 100.000 individus au début du XXe siècle, l’espèce Acinonyx jubatus en compte aujourd’hui environ 6.600. Jugée en déclin constant, elle est classée « vulnérable » sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
D’où l’importance de Saba et Nairo qui pourraient apporter des gènes plus diversifiés dans la population sud-africaine. « Avec moins de 7.000 guépards restants, il est plus important que jamais de soutenir la population sauvage en ramenant des animaux nés en captivité sur leurs terres ancestrales« , assurait en janvier 2020 Damian Aspinall.
Après cette première victoire, les deux mâles vont continuer d’être surveillés à distance grâce à des dispositifs GPS afin de suivre leur évolution au cours des prochains mois et années. Mais les ONG espèrent d’ores et déjà pouvoir reproduire l’opération avec d’autres animaux.
Au Zimbabwe, c’est d’ailleurs une opération similaire qui s’est récemment déroulée avec la collaboration de la fondation. Fin janvier, deux jeunes guépards nés dans un parc québécois ont été transférés dans la réserve Imire située au sud-est d’Harare. Comme Saba et Nairo, ils seront acclimatés et entrainés avant d’être relâchés dans un plus grand habitat.
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