AEP: Vous êtes à Brazzaville dans le cadre d’une séance de travail avec l’OMS. Quel est l’objet de cette visite?
Dr Juliette BIAO: Je suis à Brazzaville dans le cadre d’une séance de travail avec ma collègue du bureau Afrique de l’OMS. Cette visite officielle s’inscrit dans le cadre de la préparation de la 3e Conférence interministérielle sur la mise en œuvre de la Déclaration de Libreville qui se tiendra en octobre prochain. Il s’agit en fait de la 3e conférence sur la Santé-environnement dans ce cadre. Il y avait déjà eu une séance préparatoire avec les experts et il fallait faire le point et définir une feuille de route qui nous permette d’aller vers une préparation efficace de cette réunion. En passant, c’était la Côte d’ivoire qui avait offert initialement d’abriter cette conférence, mais compte tenu des petits problèmes d’instabilité politiques qu’il y avait eu l’année dernière, le pays ayant d’autres priorités, a dû laisser la place au Gabon qui finalement abritera cette réunion. A titre de rappel, c’est le Gabon qui a vu naître cette initiative sur la Santé-environnement à travers la signature de la Déclaration en 2008 par moi en ma qualité de ministre de l’environnement du Bénin à l’époque. La séance de travail que nous avons eu avec l’OMS, nous a permis de passer en revue un certain nombre d’éléments à savoir : la note conceptuelle de la 3e Conférence, revoir la structure, les participants notamment les experts, les ministres, les responsables des départements ministériels pertinents, les organisations scientifiques, les universités, les organisations de recherche, le secteur privé, les municipalités, les jeunes ainsi que la société civile. Je pense que l’accent a été mis sur l’engagement du secteur privé. Aujourd’hui, rien ne peut être fait dans le domaine du développement si le secteur privé n’est pas impliqué. Evidemment, il faudrait bien que le secteur privé soit rassuré du retour financier sur l’investissement. Dans le domaine de l’environnement, c’est à tort que l’on voit qu’il n’y a pas de retour financier sur l’investissement, mais dans le domaine de la santé, c’est évident qu’il y a des opportunités pour le secteur privé. L’environnement a toujours été présenté à tort comme un problème alors qu’il constitue une opportunité pour les gouvernements d’affirmer encore plus leur leadership en essayant de montrer à leurs citoyens qu’ils ont le droit de jouir de leur droit humain.
Il nous revient que ONU Environnement a signé un protocole d’accord avec la Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale (BDEAC). Qu’est ce qui ressort des échanges que vous avez eu avec le Vice-président de cette Banque ?
En marge de la conférence internationale sur les tourbières organisée ici au Congo en mars dernier, nous avons conclu un accord de partenariat avec la BDEAC. En fait cet accord s’inscrit dans le cadre de l’intégration des questions environnementales dans les activités de la Banque. Il s’agit d’un partenariat gagnant-gagnant qui permettra à la BDEAC de pouvoir améliorer son image et sa crédibilité car la question de la contribution à la réduction des gaz à effet de serre est attendue de tous y compris des milieux financiers. Ce sera pour la première fois que la Banque va s’informer et se former sur les questions environnementales pour être en mesure d’intégrer la dimension environnementale dans l’analyse des projets qui sont financés au niveau de la Banque. Ce qui donne à la Banque une certaine crédibilité et lui permet de remplir ses obligations en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre. Nous en tant que ONU Environnement, nous nous sommes engagés à les former sur les questions de risques environnementaux dans le domaine financier, à profiter des journées portes ouvertes pour apporter des messages aux milieux financiers et à d’autres partenaires de la Banque pour essayer de les sensibiliser sur la nécessité d’intégrer la dimension environnementale pour qu’ensemble nous menions ce combat de réduction des gaz à effet de serre. Nous avons aussi pris l’engagement de les aider à développer des projets structuraux, qui puissent prendre en compte non seulement la question environnementale, mais aussi permettre de donner un impact significatif dans l’amélioration de la vie des populations. Après la signature de cet accord, il fallait que je vienne discuter avec la Banque de la façon dont nous pouvons opérationnaliser rapidement cet accord qui a été conclu entre le président de la Banque et le Directeur de ONU Environnement, car la conclusion d’un accord ne saurait vraiment être pris pour une fin en soi, il faut aller vers l’action.
Vous avez également été conviée à prendre part à la réunion des collèges du PFBC qui se tient en ce moment sur Brazzaville. Quel regard portez-vous sur cette rencontre ?
J’aimerai tout d’abord remercier le ministre d’état Belge qui est le Facilitateur du PFBC, ainsi que le gouvernement congolais pour mon invitation à cette rencontre. Je suis très honorée d’avoir participé à cette rencontre en tant que première forestière de l’Afrique de l’Ouest et les questions débattues dans cette réunion étaient des questions que je maitrisais parfaitement. Ma contribution a été de mettre l’accent sur la nécessité de prendre en compte la question de l’habitat dans la gestion de la faune car lorsqu’on regarde la façon dont la Convention sur la commercialisation des espaces sauvages de la flore et de la faune est conduite, nous avons l’impression que l’on est beaucoup plus focalisé sur les espèces animales comme les grands mammifères et tout le contrôle sur la commercialisation des petites espèces nous échappe. Pour preuve, c’est seulement l’année dernière lors de la COP17 de la CITES que pour la première fois le pangolin a été inscrit en annexe 1 de la CITES, alors que d’autres pays comme la Chine l’avait fait depuis plusieurs années. Lorsqu’on parle de la biodiversité, il n y’ a pas que les ligneux et les végétations, il y a aussi les espèces animales. Donc, la gestion de la biodiversité et la protection des animaux devront s’inscrire normalement dans une perspective d’aménagement du territoire. J’ai aussi mentionné la nécessité de tirer des leçons des expériences passées en ce qui concerne la cogestion des aires protégées avec les communautés locales. Nous avons eu le privilège de faire partie des pionnières de la gestion participative des aires protégées, mais aujourd’hui, nous avons l’impression d’un perpétuel recommencement. C’est depuis 1990, que nous parlions des créer des opportunités pour les populations locales afin qu’elles puissent mener des activités génératrices de revenus compatibles avec les objectifs de conservation des aires protégées. Qu’avons-nous fait et quelles sont les leçons tirées ? Il faut bien partir de là afin de ne pas recommencer les mêmes choses. Je pense qu’il faut maintenant des idées novatrices surtout en tenant compte du secteur privé.
Vous avez parlé de la CITES, ONU Environnement est l’organe administratif de la CITES. Quel regard portez-vous sur le fonctionnement de cette institution ?
Il est vrai que le PNUE assure le secrétariat de la CITES qui fait partie des instruments multilatéraux qui fonctionnement très bien en ce sens qu’aujourd’hui, nous avons près de 183 pays qui sont membres de la CITES. Au cours des quatre dernières années, la CITES a démontré sa capacité à pouvoir non seulement protéger les espèces menacées d’extension, mais aussi à pouvoir récupérer les espèces animales et les plantes qui étaient déjà presque éteintes.
ONU Environnement est l’un des partenaires qui accompagnent l’initiative Mayombe. Où en est-on avec le processus de cette initiative en Afrique centrale ?
Merci d’avoir soulevé ce point car ma dernière réunion avant mon départ sur Nairobi portait sur l’initiative Mayombe. C’est une initiative de gestion transfrontalière des forêts entre le Gabon, la RDC, la République du Congo, l’Angola et Sao Tomé et Principe. Un protocole d’accord a été signé avec l’appui de ONU Environnement, mais il n’a vraiment pas prospéré à cause d’une gestion par l’Angola dans laquelle les autres partenaires n’arrivaient pas à se référer. En fait, il y avait quelques problèmes et nous avons voulu raviver cette initiative dans le cadre de la COP22 à Marrakech, mais l’instabilité institutionnelle et le changement de ministres ont fait en sorte qu’il n’y avait pas eu de continuité et c’est maintenant que nous sommes prêts à relancer cette initiative. En plus en juin, il y aura une réunion des donateurs où le Bassin du Congo a été considéré comme prioritaire pour bénéficier des fonds dans le cadre du 7e Cadre Programmatique du FEM, notamment sur la gestion durable des forêts.
Par Raoul SIEMENI