Du 6 au 9 novembre 2018, Libreville a accueilli la 3e Conférence interministérielle sur la santé et l’environnement. A cette occasion, notre magazine AEP s’est rapproché de la Directrice régionale de l’OMS qui nous parle des progrès réalisés ces dix dernières années dans le domaine de la santé et de l’environnement.
AEP : Il est avéré que l’exposition aux risques environnementaux est indéniable sur la santé des africains. Comment expliquez cela ?
Dr Moeti : De façon générale, nous pouvons dire que cela fait partie de notre environnement. Les gens aiment dire que si l’environnement est sain, l’être humain aussi sera sain. Cela veut dire qu’il y a des facteurs déterminants de la santé, tels que l’accès à l’eau potable, l’assainissement.
Il y a l’interface entre l’être humain et les animaux, ce qui entraîne parfois la transmission des organismes entre ces deux êtres vivants de façon qu’ils vivent pratiquement avec les conditions de vie, dans le contexte de l’urbanisation très rapide en Afrique, et aussi sur le changement climatique où il y a parfois des conditions météorologiques extrêmes comme les sécheresses et les inondations qui peuvent avoir un impact négatif et dramatique sur la santé des personnes.
Nous avons des maladies comme le choléra. Aujourd’hui, dans beaucoup des pays africains, le cholera est devenu une maladie presque endémique à cause des difficultés d’accès à l’eau potable, de l’assainissement. Ce qui veut dire que s’il y a la planification des investissements dans ce secteur, elle doit prendre en compte aussi le risque de santé.
Si les décisions sont prises là où il y a des risques de choléra, des maladies diarrhéiques qui ont un impact négatif sur la santé des enfants en Afrique, nous pensons qu’elles vont peut-être améliorer la situation dans les milieux urbains, notamment avec des maladies telles que la fièvre jaune qui est en train de refaire surface (revenir) à cause de la présence des moustiques qui sont les vecteurs de cette maladie qui pourraient par la suite se propager.
La Déclaration de Libreville et l’approche de santé adoptées par de nombreux pays ont-t-elles permises aux pays la prise d’une réelle conscientisation et d’une synergie intersectorielle ?
Je peux dire oui ! Depuis l’adoption de la Déclaration de Libreville par les ministres de la santé et de l’environnement en Afrique, les pays (une trentaine), ont pu établir des plates formes, des comités de collaboration dans ces deux secteurs, qui sont la santé et l’environnement.
Les pays ont pu développer les plans d’actions communs et il y en a qui ont mis en œuvre quelques projets qui peuvent contribuer dans le secteur de l’environnement et améliorer la santé de la population. C’est vrai que cette collaboration intersectorielle n’est pas du tout facile parce que, chaque ministère peut avoir ses projets spécifiques, mais nous avons pu ouvrir dans quelques pays une procédure de travail commune, avec des objectifs communs, surtout développer les politiques pour ne pas avoir les impacts négatifs sur la santé et l’environnement.
Je crois que nous avons beaucoup appris et acquis d’expériences ces dix dernières années. Et là, nous voulons bâtir sur cette expérience et voir comment avoir beaucoup plus des progrès dans le futur.
Depuis la Déclaration de Libreville de 2008, quels sont les progrès qui ont été réalisés dans la région Afrique ?
Nous sommes satisfaits par rapport aux réponses des ministres de la santé et de l’environnement de nos Etats membres suite à notre invitation à participer à cette réunion de Libreville, 10 ans après la première réunion dans la même ville. 40 ministres sur 43 ont été présents. Ce qui montre la bonne collaboration entre pays africains.
S’agissant des réalisations des dix dernières années, nous sommes très encouragés par le progrès enregistré, y compris la mise en place d’une plateforme de deux ministères en Afrique : la santé et l’environnement. Et au niveau international, l’OMS a pu mettre en place un partenariat avec l’ONU-Environnement. Les comités de collaboration ont été mis en place dans les différents pays (20 pays) et ont pu développer le plan d’action conjoint. Ils ont mise en œuvre quelques projets qui démontrent que les impacts environnementaux sur la santé ont été compris.
Par ailleurs, travailler ensemble pour mettre en œuvre quelques projets en vue d’améliorer l’accès à l’eau potable, à l’assainissement pour éradiquer les maladies, le cas du choléra et les maladies diarrhéiques. Nous avons appris aussi comment travailler ensemble, car ce n’est pas toujours évident. Ainsi, nous travaillons sur les objectifs afin d’obtenir les résultats en commun et d’établir des mécanismes de suivi. Bref, nous sommes très contents des résultats obtenus durant les dix ans de travail.
Quelles sont vos attentes au sortir de cette conférence de Libreville ?
La conférence a commencé par les travaux des experts qui ont travaillé d’arrache pied pendant deux jours pour présenter des documents de qualité aux ministres. Ensuite, les débats ont été à la hauteur et nous avons pu recueillir de nombreuses contributions de taille de différents experts qui nous ont permis d’améliorer le plan de travail.
Au cours de nos débats, les experts ont présenté les contraintes, les opportunités et les défis majeurs qui ont entravé la mise en œuvre effective de la Déclaration de Libreville. C’est sous la base de ces contributions que nous avons, ensemble, pu améliorer le plan de travail qui est un plan d’action stratégique pour les 10 années à venir qui a été proposé et adopté.
Nous pensons que les objectifs seront atteints. Nous allons, au sortir de cette conférence, être capables de passer de la déclaration à l’action et de proposer aux Etats membres les actions concrètes qui pourront engager, non seulement les secteurs de santé et de l’environnement, mais aussi les autres secteurs connexes (l’eau, habitat et infrastructures, énergie).
Donc, ce plan n’est pas seulement de deux secteurs, mais d’un plan d’action concret qui va engager l’ensemble des parties prenantes.
Nous devons aussi démontrer aux ministres des finances que financer les actions est très important car il permettra le développement socio-économique d’un pays. Parlant des financements, nous avons constaté que nous avons raté quelques opportunités de financement sur les mécanismes. Nous avons analysé et identifié les causes qui nous empêchent à obtenir les financements internationaux existants. Ainsi, nous avons pu avoir des informations auprès des partenaires sur les mécanismes et opportunités qui existent pour obtenir ces financements. En sus, ces dix années passées, nous ont permis de savoir comment établir les systèmes d’évaluation, mais aussi corriger nos faiblesses d’hier.
A noter que la déclaration issue de cette rencontre sera transmise à nos Chefs d’Etat qui sont les décideurs politiques dans la mise en œuvre de nos conclusions. Retenez que nous n’allons pas attendre les dix ans pour faire une évaluation.
L’OMS est le chef de fil dans le domaine de la santé et a un rôle crucial à jouer au niveau des partenaires qui ont déjà entamé les ODD à l’horizon 2023. A nos jours, qu’est ce qui reste à faire ?
D’abord, au niveau régional, nous avons une plateforme des directeurs régionaux des systèmes des Nations-Unies et aussi un partenariat pour harmoniser le travail des organisations du système des nations-unies, aussi des partenaires bilatéraux qui soutiennent la santé au niveau de l’Afrique. Nous allons diffuser l’information parmi tous nos partenaires sur des décisions prises et voir comment pouvoir travailler ensemble avec le PNUE et autres organisations pour soutenir nos pays.
Je vais aussi demander à tous les représentants au niveau des pays de prendre le plan d’actions et les déclarations qui vont sortir de cette réunion et informer les bailleurs de Fonds afin de travailler avec les deux ministères concernés pour mobiliser les ressources pour ces actions entreprises.
Au cours de cette réunion, la problématique de financement était le maitre-mot. Paradoxalement, le grand problème ce que les pays veulent toujours chercher le financement à l’international au lieu de penser au niveau national. Quel est l’apport de l’OMS ?
A l’OMS, nous faisons ce que nous appelons « le compte national de la santé. » Aller dans un pays, faire la récolte de données qui nous informent précisément comment le secteur sanitaire est financé. Nous le faisons de façon continue pour suivre les tendances dans les pays pour savoir ce qui se passe réellement. Nous faisons aussi des plaidoyers pour augmenter les contributions domestiques pour la santé. L’OMS organise aussi des rencontres entre les ministres de la santé et de ceux des finances pour faire le plaidoyer, mais aussi avec la banque mondiale et la banque africaine de développement. Nous essayons de faire comprendre les décideurs d’améliorer la capacité de nos ministres sur la façon de communiquer de façon pertinente avec les ministres des finances.
Propos recueillis par Raoul SIEMENI