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Interview AEP

Entretien avec Madame Cristiana Pasca Palmer, Secrétaire exécutive de la Convention sur la Diversité Biologique lors de la CDP 14 en Egypte

AEP : Cette conférence se déroule après la rencontre de haut niveau où tous les ministres étaient présents et nous aimerons savoir ce que vous pensez de l’adoption des décisions après de cette CDB14 ?

Cristiana Pasca Palmer : De prime à bord, il y a une simple chose à savoir, ce qu’il convient de nommer le segment ministériel de la Cop. Ainsi lors des deux jours de la rencontre, il ressort que l’attribution du segment ministériel est à l’heure où je vous parle la prérogative du pays hôte, il y va de la répartition du travail à chaque fois que nous avons une Conférence Des Parties. Le secrétariat  s’occupe du bon déroulement de la CDB. Maintenant il revient au pays hôte de décider du moment de l’intervention du segment ministériel. Ce pourrait être soit au début de la CDB, soit à la fin de la CDB. Le secrétariat joue clairement ce rôle parce-que lors des CDBs précédentes, le segment ministériel intervenait à la fin. Et souvenez-vous de la CDB à Cancun pendant lequel le segment  ministériel avait préféré intervenir au début, ceci parce que le secrétariat avait apporté son support, son renfort nutritionnel et conceptuel.

Nous les avons surtout motivés et conseillés. Avant le début de la Cdb, une réunion pour les ministres africains  s’est tenue le 12 Novembre, et il était question de discuter de la restauration des écosystèmes et de l’érosion des sols dont la situation est surtout critiquent pour le continent africain. Y étant la coopération et les liens ont été appréciables durant les échanges au point où les dirigeants politiques sont restés 2 semaines supplémentaires pour poursuivre les échanges. Entre autres les aspects politiques de la Cdb ont suffisamment marbré les échanges. Donc il faut dire que le fait que les ministres interviennent au début de la Cop ne signifie pas qu’il s’agit d’une question essentiellement politique au contraire cela renforce au cadrage institutionnel de la Cop et à une  meilleure prise en compte des résolutions de la Cop par les Chefs de délégations.

Si je comprends bien, malgré le fait qu’ils ne soient pas présents, en fait pouvez-vous nous expliquer le processus qui aboutit à la ratification des décisions des experts techniques et politiques ?

Vous n’ignorez pas que les parties se rencontrent tous les deux ans. Mais entretemps la Cdb tient une réunion formelle pour ce qu’il convient de nommer les corps techniques. Il existe deux corps techniques, l’un subsidiaire et scientifique pour les questions d’évaluations techniques et l’autre corps toujours subsidiaire qui gère l’implémentation. Ainsi toutes les décisions prises ou adoptées ici sont d’abord discutées par ces équipes et la plupart d’entre elles sont acceptées avant qu’ils ne viennent à la Cdb pour la mouture finale. En fin de compte les chefs de délégation harmonisent remarquablement entre eux leurs interventions et avec leurs groupes d’acteurs clés .Ils appliquent les instructions en termes de négociations, en termes d’adoption des décisions. Nous avons le plein mandat de leurs dirigeants et de leurs ministres pour conclure les négociations. Et une fois les décisions adoptées elles prennent force exécutoire et obligent de facto les gouvernements à les respecter.

Que pensez-vous de l’engagement, de l’implication des acteurs de la société civile dans l’application de la Convention ?

La société civile est très importante. Pour nous ces différents acteurs jouent un rôle substantiel en ce sens qu’ils contribuent à bâtir et à diffuser une optique d’action. Nous pouvons ainsi mentionner le caractère très actif des groupes de peuples indigènes dans les communautés locales ainsi que des jeunes actifs et mobilisés autour d’un réseau mondial pour la biodiversité. Ces derniers représentent assez de pays. Ils jouent un rôle clé même si en fin de compte les décisions sont adoptées par les gouvernements.   Ces résolutions prennent alors force de loi au niveau national avant d’être appliquées. L’application des lois n’est pas l’apanage des seuls gouvernements, cela nécessite également l’implication de tous les autres acteurs précisément les acteurs non gouvernementaux qui ne manquent pas de peser de tout leur poids pour que les États appliquent les résolutions de la Cdb. Ainsi à chaque Cdb nous avons des fora dédiés à ces groupes. C’est le cas du forum pour les peuples indigènes, de la rencontre du réseau mondial des jeunes, des réseaux des femmes ou encore des leaders des secteurs d’activité qui constituent des membres importants de la société civile. De plus, l’on peut ajouter le forum des investisseurs avec qui le Secrétariat a organisé en parallèle à la rencontre ministérielle une assise marquée par la forte présence des leaders des secteurs d’activité. Toutes choses ayant contribué à donner un thème particulier à cette Cdb. De fait, les cinq secteurs économiques présents qui investissent dans la nature et y impactent sont: les infrastructures, l’énergie, le gaz, l’industrie minière et les manufactures. Les impacts positifs de la biodiversité ont été présentés pour ainsi aider à orienter les dirigeants à mieux intégrer les décisions qui ont été prises ici.

  Cette Cop se tient en Afrique mais nous constatons que cette dernière se bat pour appliquer les deux protocoles. Quelles sont les mesures qui ont été prises au niveau du secrétariat pour forger les capacités des pays africains ?

Le Secrétariat est mandaté pour apporter l’aide et l’assistance à tous les pays de la Convention dont le nombre total s’élève à 96. Le Secrétariat n’est pas une agence d’implémentation. Actuellement nous sommes un tout petit groupe de personnes qui travaillons sur un très gros agenda mais le domaine dans lequel nous excellons est l’aide au renforcement des capacités et des activités des pays membres .Nous œuvrons aussi dans la mise sur pied des mécanismes de la Convention en partenariat avec la GIZ( coopération allemande) et le gouvernement belge qui a beaucoup travaillé à créer des capacités informatiques à travers l’Afrique et à améliorer les informations en matière de changements. Concernant le Protocole de Nagoya sur le partage des bénéfices, le Secrétariat a impulsé une initiative sur les capacités ABS de développement qui intégrait un certain nombre de partenaires européens, lesquels n’ont pas manqué d’animer leurs ateliers sur les capacités de développement et les actions y afférentes.

En fait ce projet a aidé bon nombre de pays africains à améliorer leurs connaissances, leurs techniques, à développer les capacités nationales dans le but de ratifier les protocoles mais surtout de former les gouvernants aux mécanismes nationaux nécessaires à l’implémentation des protocoles.

Dans le dernier quart sur la protection des bailleurs ça fait déjà 15 ans que nous sommes en partenariat avec la Global Environment Facility et la UN Environment .Sur cette question le Secrétariat a encore dirigé une pléthore d’ateliers et d’activités sur les capacités de développement afin d’assurer la protection des bailleurs. Il s’agit là d’une initiative pour développer le continent. C’est l’étape primaire dans cette optique et c’est ce que les parties nous ont demandé de faire. Il existe donc une stratégie de développement des capacités issues de la Convention où les protocoles sont surtout intégrés et ces derniers à leur tour marbrés par des mécanismes subséquents.

  Le problème du financement demeure un obstacle majeur pour l’implémentation des politiques de conservation de la biodiversité et même pour l’effectivité de la Convention. Quelles sont les solutions adoptées pour remédier à cette situation et qu’est ce qui aiderait à mobiliser les fonds nécessaires pour cette cause ?

Je crois savoir que la mobilisation des fonds et dont l’aspect financier demeure ou demeurera un défi à relever tant que nous n’aurons pas encore réfléchi autres moyens de mobiliser ces fonds. Avec beaucoup de respect je pense que ce n’est pas l’argent qui fait problème mais plutôt la difficulté se situe au niveau des mécanismes pour y accéder. Comment débloquer cet argent ? Vous devez savoir que dans l’ensemble des 20 objectifs mondiaux pour la biodiversité nous n’avons spécifiquement pas un objectif qui commande aux pays d’augmenter drastiquement les ressources en faveur de la biodiversité au niveau interne, domestique. Par ailleurs les pays membres mettent sur pied des mécanismes très intéressants pour mobiliser les revenus en faveur de la biodiversité. Ils bénéficient de l’assistance de UNDP à travers le Programme Biofin. Ce programme travaille en collaboration avec les ministres des finances de chacun de ces pays afin que ces derniers accèdent aux investissements mensuels que l’État alloue directement pour la biodiversité. De fait les fonds dévolus pour la biodiversité proviennent du budget national et sont considérés comme devant servir à manager la biodiversité. Le financement des questions de biodiversité est aussi issu des flux financiers des secteurs comme l’agriculture et bien d’autres secteurs de l’économie.

Ainsi à la fin de chaque mois, l’UNDP à travers le Programme Biofin travaille en collaboration avec le ministre des finances ou l’autorité financière nationale afin d’identifier ce qui a déjà été imputé au budget national et surtout identifier les déficits. Ensuite essayer de voir quels peuvent être les moyens de financement mobilisables à même de débloquer les fonds et de combler les déficits. C’est l’exemple du Costa Rica où cette méthode a réussi à merveille car le ministre des finances y a identifié le déficit financier à combler et a eu l’assistance du Programme pour développer des instruments comme la taxe sur le carbone et plusieurs autres instruments fiscaux afin de mobiliser les fonds au niveau domestique.

De pareils modèles nous en dénombrons à peu près dans une trentaine de pays du réseau Biofin qui pilotent et expérimentent ces modèles. Bien sûr qu’à part cela il existe le principal mécanisme de financement- L’ENVELOPPE GLOBALE DE GROUPE- pour compléter le cycle. Il s’agit d’une enveloppe allouée à un certain nombre de pays qui luttent à protéger la biodiversité. Dernièrement le montant de cette enveloppe était de 1,4 milliard de dollars, ce qui représente peu de choses comparé aux besoins réels. Donc il s’avère important de savoir que le montant de cette enveloppe n’est pas à surestimer car les besoins se font grandissants d’où l’urgence de tabler sur d’autres possibilités de mobilisation de ressources.

Le bassin du Congo est la seconde forêt la plus vaste du monde après l’Amazonie, que pensez-vous des politiques de conservation dans la sous-région d’Afrique Centrale et quel est le degré de collaboration entre le Secrétariat de la Convention et la Comifac (Commission d’Afrique Centrale pour les forêts) en matière d’harmonisation des politiques de conservation ?

J’ai eu le plaisir de visiter la région, j’ai été au parc national au Congo et ça été une belle expérience, j’ai été très impressionné. Le bassin du Congo est le deuxième poumon de la planète. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec tous les pays surtout avec les commissions régionales dans le sens de mener des activités en renforcement des capacités à la lumière des deux protocoles et de la Convention qui ne font qu’un.

Pour la Cdb mob 3, le Secrétariat a apporté un aperçu actualisé de l’acquisition des capacités et des initiatives de développement qui permettent l’implémentation du Protocole de Nagoya relativement à la région. Selon cette vue d’ensemble, l’analyse de la couverture géographique du programme d’acquisition des capacités montre que la région Afrique possède le plus grand nombre d’initiatives.

Précisément 34 nationales et 06 programmes régionaux et sous régionaux mais nous insistons sur le fait que le Secrétariat n’est pas une agence d’implémentation. Nous aidons juste les parties à élaborer une politique globale et ensuite nous facilitons l’application de ces politiques globales qui proviennent de l’autre partie du système des Nations unies

Il s’agit de l’UNDP, l’UNAP à Nairobi, la FAO ( Food and Agriculture Organisation) mais surtout des sollicitations d’autres groupes internationaux comme l’Union Européenne. Nous savons le lien étroit qui existe entre l’Union Européenne et la COMIFAC et surtout la proximité d’avec la Banque Mondiale.

 Quelles sont vos attentes après cette conférence?

Nous avons suivi les initiatives africaines et panafricaines du Segment de haut niveau et les déclarations des ministres africains concernant la préservation des écosystèmes et l’érosion des sols. Nous avons également remarqué une forte implication des ministres lors de la Déclaration de Sharm El Cheikh. Je suis contente du fait que le Secrétariat accompagné de la présidence égyptienne de la Cdb, des ministres de l’environnement et surtout de la future présidence de la Cdb (la Chine) aient lancé l’appel de ce qu’il convient de nommer « l’Agenda d’actions de Sharm El Cheikh-Beijing Chine pour la nature et les populations ».

Cet agenda va encadrer pour les deux prochaines années, une multitude d’activités qui aideront à la visibilité de la Convention pour la biodiversité. Et c’est déjà une issue très positive car dans peu d’années nous donnerons une conférence de presse au-cours de laquelle nous lancerons une coalition au niveau sous régional qui sera composée de 06 pays à savoir: l’Égypte, les Philippines,le Canada,le Mexique, le Japon,le Brésil (Sao Paulo).

Ensemble tous ces pays formeront une dynamique supranationale pour les actions sur la biodiversité qui représente une partie de la feuille de route.

Ce sera l’occasion pour la Chine de mobiliser les acteurs non gouvernementaux mais l’une des issues les plus attendues de cette Cdb est le DÉBUT DE LA PRÉPARATION DE LA POST 2020 GLOBAL BIODIVERSITY FRAMEWORK.

Ainsi nous nous reverrons en Chine 2022 pour le présenter et les parties adopteront un cadre général mondial qui nous permettra de briser le cercle vicieux du  »rien ne bouge »

Il sera aussi question d’introduire le concept NEW NATURE ECONOMY. Sans transition nous discuterons avec les parties sur comment mieux intégrer ce processus dans le monde. Et enfin pour renforcer le cadre global les consultations régionales commenceront instamment avec tous les acteurs et récipiendaires.

Raoul SIEMENI et Marie TAMOIFO

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