Réunions du FMI et du Groupe de la Banque Mondiale, du 7 au 9 octobre
Lors de la récente Assemblée générale des Nations Unies à New York, le Secrétaire général Ban Ki-moon a prédit que l’Accord de Paris sur le climat entrerait en vigueur avant 2017, en annonçant que 60 pays l’avaient ratifié. La semaine prochaine, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale accueilleront bon nombre de ministres des Finances et de représentants de banques centrales à leur réunion annuelle tenue à Washington DC.
À première vue, ces deux événements peuvent apparaître totalement indépendants. La ratification imminente de l’Accord de Paris, accord mondial pour maintenir la hausse des températures en dessous de 2°C, est une immense réussite et un véritable triomphe pour le multilatéralisme. Il recentre également l’attention sur l’étape suivante: comment l’accord sera-t-il mis en œuvre à travers le monde?
Nous obtenons ici notre première idée des raisons pour lesquelles les ministres des Finances, les représentants de banques centrales et les régulateurs sont si pertinents à notre sujet. À l’heure actuelle, des progrès sont accomplis vers la mobilisation d’ici 2020 des 100 milliards de dollars de flux financiers annuels des pays riches vers les pays en développement. La mise en pratique est également en cours sur le terrain. Les financements du Fonds vert pour le climat (GCF, selon le sigle en anglais) contribuent à renforcer la résilience des projets côtiers et des infrastructures urbaines au Bangladesh, tandis qu’en Tanzanie, plus de 100 000 maisons sont maintenant pourvues d’un accès à l’électricité grâce à Off-Grid Electric, une société d’énergie propre soutenue par le financement par emprunt du Fonds Million Solar Homes.
Pourtant, dans l’ensemble, le coût de la transition vers un avenir bas carbone se chiffre en milliers de milliards. Ceci nous amène rapidement bien au-delà du domaine des fonds publics car aucun gouvernement, peu importe sa richesse, ne peut financer l’action climatique par le biais d’impôts et d’emprunts. Selon une estimation, environ 90 mille milliards de dollars devront être investis d’ici 2030 dans les domaines des infrastructures, de l’agriculture et de l’énergie pour réaliser l’Accord de Paris.
Cela ne se fera pas sans capitaux privés, ce qui souligne pourquoi l’harmonisation du système financier mondial avec les besoins de l’action climatique et du développement durable est tout aussi importante que la réduction des émissions et l’élimination des subventions aux combustibles fossiles. En outre, avec en toile de fond les 300 mille milliards de dollars d’actifs détenus par les banques, les marchés financiers et les investisseurs institutionnels, nous sommes confrontés à un problème de répartition plutôt qu’à un pur et simple manque.
En fait, les ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales sont déjà fortement engagés. Ceux des pays du G20 ont récemment convenu d’une série d’options visant à améliorer la capacité du système financier mondial de manière à fournir les investissements verts. Un domaine prometteur est celui de l’essor du marché des obligations vertes où les entreprises et les municipalités peuvent lever des capitaux qui sont destinés à des domaines prioritaires tels que les énergies renouvelables, l’efficacité des bâtiments et la gestion de l’eau. Jusqu’à ici cette année, la valeur globale des obligations vertes a atteint plus de 45 milliards de dollars, soit quatre fois plus qu’en 2013. À titre d’exemple, la banque de développement du Mexique, Nacional Financiera SNC (Nafin), a émis ses premiers 500 millions d’obligations vertes en novembre dernier pour financer l’énergie éolienne à Oaxaca, Nuevo Leon et en Basse-Californie.
Cependant, les marchés financiers du monde n’incorporent pas encore pleinement les facteurs climatiques lors de la tarification des actifs et de l’évaluation des risques. Pour y pallier, le Conseil de stabilité financière a établi un groupe de travail sur la divulgation des données climatiques dirigé par l’ancien maire de New York Michael Bloomberg. Ce n’est qu’avec une communication de ces données cohérente et de meilleure qualité que les banques, les fonds de pension, ainsi que les investisseurs individuels pourront être en mesure de comprendre comment la transition vers une économie bas carbone aura un impact sur les investissements.
En tout, le nombre total de mesures politiques et réglementaires visant à construire un système financier plus durable a plus que doublé au cours des cinq dernières années. Ceci est une conclusion clé d’un nouveau rapport publié par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Il indique que les mesures visant à promouvoir un financement durable prises par les ministères des finances, les banques centrales et les régulateurs se sont élevées à 217 et existent désormais dans près de 60 pays. Elles vont de mesures visant à orienter le financement vers l’énergie propre grâce à des évaluations du risque climatique pour les compagnies d’assurance à des feuilles de route qui définissent comment verdir un système financier dans son ensemble, à l’image de ce que la Chine vient de faire.
L’Article 173 de la loi française de 2015 sur la transition énergétique comprend des mesures de grande envergure pour améliorer la transparence des investisseurs institutionnels sur la façon dont ils agissent vis-à-vis du défi du changement climatique, aux côtés de nouvelles mesures sur la divulgation des données par les entreprises et les simulations de crise par les banques.
Ce sont tous les signes prometteurs d’une dynamique positive, mais l’architecture financière mondiale est encore mal équipée pour réaliser la transformation nécessaire. Les plans climat nationaux (INDC, selon le sigle anglais) soumis par les gouvernements représentent une réelle amélioration par rapport au scénario du statu quo, mais n’envoient pas encore les signaux nécessaires à la réorientation des capitaux vers l’action climatique mondiale. Ainsi, alors qu’il est vrai que les investisseurs commencent à mesurer l’empreinte carbone des portefeuilles et augmentent leur exposition aux actifs verts, seulement une infime minorité met en œuvre des stratégies climatiques exhaustives.
Le système financier a clairement besoin d’évoluer plus avant pour tarifier les risques environnementaux, surmonter le court-termisme et offrir une plus grande transparence sur la performance climatique. Pour que cela se produise, et avec un sentiment d’urgence, il faudra que différents acteurs mettent en place des politiques et des règlementations financières qui soutiennent l’Accord de Paris et se renforcent mutuellement. Si nous nous y attachons correctement, les capitaux du secteur privé réagiront et les milliers de milliards nécessaires à la transformation des pays circuleront.
Par Agustín Carstens et Patricia Espinosa
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