Afrique Environnement Plus : Monsieur le président, cela fait près d’un an que vous êtes à la tête du Réseau des Aires Protégées pour l’Afrique Centrale (RAPAC). Quelles ont été vos motivations pour accéder à cette haute responsabilité dans le domaine de la conservation en Afrique Centrale ?
Anatolio Ndong Mba : Permettez-moi d’abord de vous exprimer mes sincères remerciements pour le travail que vous faites pour créer la visibilité non seulement du RAPAC mais aussi de la conservation de la nature et de l’environnement en Afrique. Effectivement, cela fait quelques mois que j’ai été élu et j’ai pris part à mon premier conseil d’administration. D’abord au mois de Janvier dernier, je suis allé prendre contact avec les autres institutions et j’ai rencontré les autorités du Gabon puisque le siège du RAPAC est à Libreville. J’ai aussi pris contact avec tout le personnel du RAPAC et les partenaires, c’est-à-dire l’Union Européenne, la CEEAC et la Banque Africaine de Développement. Concernant mes motivations, elles sont très fortes parce que ma profession fait partie de ce domaine, l’agriculture et le traitement lié à la forêt. Je crois qu’en Afrique Centrale, nous sommes très motivés et liés à la forêt parce que c’est notre moyen d’existence ; sans oublier que cela fait des années que j’avais été ministre des eaux et forêts de la Guinée Equatoriale et c’était même à l’époque où les Aires Protégées en Afrique Centrale ont été créées. Nous avons fait le premier comité de pilotage de ces aires protégées et je me souviens très bien qu’on a eu des réunions à Brazzaville, à Libreville, à Malabo et à l’époque j’étais aussi président de l’OAB (Organisation Africaine de Bois). Alors lorsque l’année dernière on m’avait communiqué que j’étais candidat et que j’avais été élu président du RAPAC, j’étais très motivé tout en sachant que c’était une lourde responsabilité surtout quand on tient compte de mes responsabilités actuelles. Mais, il faut savoir aussi que c’est un poste honorifique même si ça demande certains engagements, beaucoup de dévouement et beaucoup d’éducation. Comme je l’ai dit plus haut, en Mars dernier, nous avons eu le conseil d’administration et l’assemblée générale à Libreville, où Monsieur Sébastien Kamga a été élu comme nouveau secrétaire exécutif. Un des mandats que ce conseil d’administration a donné à la nouvelle équipe, au regard de la situation financière de l’institution qui est un grand défi actuellement, c’était d’essayer de faire un tour dans les Etats membres, pour prendre contact avec les autorités responsables de ce secteur et aussi parler des défis du RAPAC. C’est suite à cela que nous avons entamé ces tours en commençant par Brazzaville, où nous avons été reçus au ministère de l’économie forestière par Monsieur le secrétaire général étant donné que le Ministre Henri Djombo était à Pointe-Noire, et aussi nous avons eu le grand honneur d’être reçu par le Ministre des affaires étrangères où nous avons trouvé une grande ouverture, un grand engagement dans ce secteur. Vous savez que la République du Congo a été le porte-parole du continent africain à la conférence de RIO+2O, ce qui a permis aux africains de parler d’une seule voix ; et vous savez que la RDC, la République du Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Cameroun sont les poumons du monde dû aux écosystèmes forestiers, c’est pourquoi dans notre tournée, nous avons inclut non seulement les autorités des pays de la sous-région mais aussi les partenaires ; nous avons rencontré aussi le délégué de l’Union Européenne à qui nous avons indiqué l’importance et la nécessité de continuer ce partenariat entre l’Union Européenne et le RAPAC. Après, nous sommes partis en RDC où nous avons été aussi bien reçus tour à tour par le Directeur de l’ICCN, le Secrétaire Général du ministère de l’Agriculture, le conseiller principal de son excellence le président de la République, le vice-ministre des affaires étrangères, le Directeur de l’inspection et nous avons clôturé notre tournée de rencontre avec les délégués de l’UE avec qui nous avons eu une séance de travail. Nous sommes très contents de constater l’engagement, l’appui et la disponibilité des autorités nationales. Il est vrai qu’il y a le problème de braconnage, des Aires Protégées, mais comme vous le savez pour un pays comme la RDC qui peut être considéré comme l’Afrique en miniature, avoir le contrôle total de ce qui se passe dans les forêts ce n’est pas facile, mais les autorités font de leur mieux avec les éco gardes forestiers pour avoir le contrôle. Il faut aussi savoir que la RDC vient de sortir des difficultés avec beaucoup des défis, mais la volonté est là et avec l’aide des partenaires comme l’Union Européenne, nous voyons qu’on est entrain de prendre des dispositions. Le RAPAC est là aussi pour continuer pour l’Aire protégée de Salonga où il est engagé en RDC et on a expliqué très bien toutes les interventions du RAPAC dans chaque pays et nous partons de cette tournée avec le sentiment de mission accomplie parce que les réactions aussi sont très affirmatives au niveau de toutes les autorités nationales que nous avons rencontrées.
L’Afrique Centrale est fortement affectée par le problème de braconnage, particulièrement le braconnage des éléphants et le RAPAC est assez impliqué dans ce processus visant à contrer ce fléau. Quelle lecture faites-vous de cela au niveau de votre réseau ?
Au niveau de notre réseau, nous sommes très conscients de ce phénomène très néfaste ; notre rôle c’est de continuer à sensibiliser au niveau des institutions pour qu’en retour aussi nous puissions prendre des dispositions pour faire face à ce fléau. Vous savez que les éco gardes traversent beaucoup de difficultés, il y a un problème de ressources humaines, on doit voir comment les motiver davantage, leur donner les moyens de leur politique parce que certains éco gardes sont attaqués par des braconniers armés même avec des faucilles et qui viennent avec des hélicoptères et ils n’ont pas les moyens de se défendre. C’est un phénomène qui est là et, il y a des pays comme le Gabon, le Congo et la RDC, qui sont en train de prendre des dispositions très efficaces pour lutter contre le braconnage et pendant notre séjour à Kinshasa, nous avons constaté que le gouvernement était mécontent et très concerné par cette situation. Au niveau du RAPAC, nous sommes impliqués, nous cadrons, nous renforçons les capacités des gardes forestiers, mais le problème de braconnage est une affaire qui donne des bénéfices à ceux qui s’intéressent et quand ils commencent à tirer des bénéfices, il est difficile pour eux de se retirer ; on doit au jour le jour prendre des mesures plus efficaces pour combattre ce phénomène parce qu’il est nécessaire de le combattre. Lorsqu’on était à Kinshasa, on a apprit que 25 éléphants avaient disparu dans un parc, d’autres ont été retrouvés tués au bord de l’eau c’est-à-dire qu’ils ont été tués à partir des hélicoptères et ils descendaient pour récupérer l’ivoire ; ils peuvent le faire durant toute une journée s’il n’y a pas de communication humaine ce qui fait que la RDC soit en extinction. Je ne veux pas parler de mon pays la Guinée Equatoriale, c’est très difficile là-bas on ne parle pas de braconnage tous les paysans sont contrôlés facilement; seulement s’il y a des éléphants qui font le ravage au niveau des cultures, les paysans demandent l’autorisation de tuer l’un d’eux pour éloigner les autres ; et pour les pays comme le Gabon, la République du Congo et la RDC où on est entrain de prendre des mesures, on fait le contrôle mais on ne peut pas facilement arriver à tout contrôler. Voilà il faut donner le temps au temps, je crois qu’en en réhabilitant la meilleure situation de ces parcs, les moyens d’accès car l’accès y est difficile, il faut aller en avion on ne peut pas aller en voiture sinon en hélicoptère, mais c’est un moyen coûteux alors que les braconniers se procurent facilement ce moyen avec le profit qu’ils tirent de l’ivoire. Ce n’est pas seulement un problème de l’Afrique Centrale mais un problème global parce que tout le monde est intéressé par la conservation de la nature, des écosystèmes forestiers. Alors là, les partenaires doivent voir comment assister les gouvernements à faire cette conservation et à lutter contre ce fléau qui est un phénomène très lamentable.
Monsieur le président de par votre expérience et votre position actuelle aux nations unies, quelle lecture faites-vous de la gouvernance internationale en matière d’environnement pour ce qui est de l’apport aux pays d’Afrique beaucoup plus dans le cadre de la lutte et l’adaptation face au changement climatique ?
La lecture que je fais est qu’il y a des consciences très fermes au niveau de l’Afrique, on est dans le processus. Effectivement à New York au niveau des ambassadeurs et des différents gouvernements, il a été demandé de travailler dans tout ce processus qu’est le développement durable et l’aspect du changement climatique. Le 23 Novembre prochain, on aura une réunion au niveau de ces Etats de gouvernement pour parler du changement climatique ; on parlera aussi du développement durable au-delà de 2015, parce que vous savez que 2015 c’est l’objectif des millénaires. À Addis Abeba, on a adopté l’agenda 2063. Alors, il y a toutes ces discussions, on avait même eu en Afrique du Sud une conférence sur le développement durable. Le changement climatique c’est quelque chose qui est à l’ordre du jour et tous nos Etats ont pris de ce phénomène. Il y a des endroits où on avait beaucoup des pluies et aujourd’hui c’est difficile d’avoir les pluies, les cycles agricoles sont bouleversés alors il faut que tout le monde se mobilise pour la préservation de la nature, mais comme je l’avais dis auparavant, parfois on discute, on prend des mesures, mais on oubli l’aspect financier ; on avait fait dans les années 1990 des grandes conférences sur la sécurité mondiale, l’alimentation mondiale, l’objectif du millénaire en 2000 sans penser au financement. Par exemple, le paysan qui est dans la forêt lorsqu’on lui demande de ne pas tuer le gibier, de ne pas couper les arbres, s’il n’a pas d’autres moyens pour construire sa petite maison, il faut qu’il trouve des alternatives pour pouvoir survivre ; c’est de tous ces aspects qu’on doit tenir compte c’est-à-dire quand on parle de l’aspect social, l’aspect économique, l’aspect culturel, on doit aussi parler de l’aspect financier qui est très important, car sans cet aspect, on peut prendre toutes les décisions mais, elles ne vont pas se matérialiser. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé avec l’objectif de millénaire qu’on a pas pu atteindre par manque des moyens, on doit tenir compte qu’il y a certaines situations que l’on connait maintenant comme à la RCA, malgré les efforts qu’on a fait par rapport à la situation je crois qu’il doit avoir un appui tant du coté des partenaires que des pays concernés puisque la volonté y est, tout le monde est là et travaille, nos Etats sont totalement engagés et conscients de ce phénomène du changement climatique, de la nécessité de la préservation des nos écosystèmes faunistiques que forestiers ; mais il faut que tout le monde prenne conscience que c’est une affaire globale, il faut savoir aussi que l’oxygène qu’on respire provient de l’extinction des forêts que nous avons ici en Afrique centrale, dans le bassin du Congo.
Enfin, je lance un appel aux partenaires, je crois que la coopération en matière de la conservation de la nature, des écosystèmes forestiers, des Aires protégées et la protection de l’environnement, des ressources de l’écosystème bassin du Congo tous ces aspects ont été encadré dans un cadre de coopération avec l’union Européenne et je voudrais aussi faire un appel aux partenaires qui étaient avec nous et le gouvernement à l’origine de la création de RAPAC de continuer à affirmer leur volonté à travailler en partenariat avec notre sous région pour ce noble objectif de protéger nos ressources forestières et nos ressources naturelles, cela veut dire les écosystèmes forestiers du bassin du Congo et les Aires protégées. C’est une lutte qui doit continuer et les Etats sont très conscients et très impliqués avec les ressources, mais il faut savoir qu’il y a beaucoup de défis et la mesure nécessaire est très importante dans ce partenariat.
Nous savons qu’actuellement les institutions peinent à fonctionner par manque de financement et de contribution des Etats. Comment appréciez-vous ce mode de fonctionnement en Guinée Equatoriale?
L’aspect de financement est l’un des principaux objectifs de notre tournée dans la sous région, dans les différents Etats et ayant été élu président du RAPAC, j’ai cru qu’avant d’assumer cette fonction, mon pays devait faire quelques gestes, effectivement j’ai eu un grand honneur d’être reçu par son excellence le président de la République de la Guinée Equatoriale Obiang Nguema à qui j’ai posé cette situation. A la suite voyant le montant des arriérées de notre pays qui s’élevaient à 64.000.000 FCFA, il a donné l’instruction de transférer cette somme et aujourd’hui cet argent se trouve déjà dans le trésor du RAPAC à Libreville.
Egalement est ce qu’il y aura forcement un problème que vous avez souhaité que nous puissions aborder dans le cadre de vos activités liées à l’environnement, votre expérience au niveau des forêts. Comment la forêt contribue-t-elle de façon efficace à l’économie de la Guinée Equatoriale ?
Comme je l’avais dit précédemment, la forêt est le moyen d’existence dans le milieu rural, des paysans. Avant le développement du pétrole, c’est la forêt et l’agriculture qui soutenaient l’économie de la Guinée Equatoriale. Maintenant, avec le pétrole on fait beaucoup la conservation de la forêt parce qu’il faut permettre qu’elle régénère, on a vraiment pris beaucoup des dispositions pour la protection de toutes les espèces en danger d’extinction et cela se contrôle avec beaucoup de rigueur, les autorités du département du ministère de l’agriculture, des eaux et forêts, du ministère de l’environnement veillent à ce que cela arrive. Mais, je voudrais vous dire qu’on est pas seulement sensible dans ce domaine, comme vous le savez notre président avait créé un prix en Guinée Equatoriale où chaque année les scientifiques et les hommes qui avaient travaillé sur les maladies et les épidémies en Afrique, recevaient un prix décerné par l’UNESCO et aussi cela fait deux ans qu’on a contribué dans ce fonds commun africain, 30 millions de dollars à la FAO pour la question de la sécurité alimentaire ; alors on travaille beaucoup dans l’esprit de la solidarité et d’appui mutuel dans ce cadre. Et je crois que dans la sous région et dans notre région Afrique, il y a beaucoup de consciences pour que nous commencions à nous approprier et à faire face à tous ces phénomènes de changement climatique et l’aspect de développement durable.
Propos recueillis par Raoul SIEMENI