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Interview AEP

 Monsieur Georges Claver BOUNDZANGA, Coordonnateur national de la REDD+

A la tête de la coordination nationale de REDD+ depuis 2008, Georges Claver Boundzanga          nous retrace au cours de cette entrevue accordée à notre organe, les différentes étapes  franchies par la coordination nationale  REDD au Congo.

 

Afrique Environnement Plus : Cela fait quelques années que la coordination nationale REDD a été mise en place au niveau du Congo. Quelle lecture faites-vous de la mise en place de cette coordination ?

 

Georges Claver Boundzanga : Le Congo a adhéré au processus REDD en 2008 et   nous avons présenté le ER-PIN qui est la note d’idées du programme dans le cadre du plan de préparation de la REDD. C’est une équipe légère  composée de deux experts nationaux avec les parties prenantes de la société civile et du secteur privé, qui a été mise en place pour préparer le ER-PIN. Lorsque la Banque Mondiale  a sélectionné le Congo en 2009, l’une de ses exigences était de mettre en place une équipe légère de la coordination nationale REDD  composée  de trois personnes dont moi le Coordonnateur national, monsieur Itsoua Madzou Gervais et un financier qui malheureusement   n’est pas entré en fonction car les dispositions financières n’étaient pas prises en compte pour la prise en charge de cette équipe.  Nous avons  travaillé ainsi jusqu’en 2012  sur la mise en œuvre du fonds FCPF avec 3.4 millions de dollars. L’équipe a commencé à travailler selon les principes de la Banque mondiale, donc il fallait faire une sélection des experts et l’équipe a été mise en place sur la base d’un critère de sélection par appel à candidature. Depuis 2012 jusqu’à nos jours, nous avons une équipe complète composée d’un Coordonateur, 7 experts qui animent les cellules parce que nous avons une cellule juridique,  une cellule de communication, une cellule évaluation qui gère les questions d’évaluation environnementale et sociale car toutes les  décisions qui sont prises dans le cadre du processus REDD  doivent être évaluées pour apprécier l’impact social et environnemental ; une cellule projets pour faire en sorte que pendant que l’on est entrain de préparer les outils stratégiques et techniques, que l’on mette aussi en place les projets de manière à animer les activités de terrain  et faire en sorte  que la dynamique avec les populations soit consolidée, nous avons aussi une section qui s’occupe des bénéfices multiples parce que le processus REDD vise à valoriser les bénéfices multiples. Il n’y a pas que le carbone, il y a aussi les produits forestiers non ligneux et les autres produits qui ne sont toujours pas visibles et qui  entrent dans les autres services, par exemple le service écotourisme qui est très important et qui peut non seulement générer suffisamment de revenus, mais aussi créer des emplois verts ; et nous avons deux cellules qui sont animées par quatre  jeunes experts  qu’on appelle les « experts juniors », il s’agit de la cellule MRV (Mesurage Rapportage et Vérification) animée par deux personnes et la cellule modélisation pour le niveau de référence . Aujourd’hui, l’équipe est complète  et nous bénéficions de l’appui des consultants internationaux, nous en avons un du côté de la FAO et un deuxième du côté du PNUD, donc du point de vue de l’équipe en place, nous avons la chance de tirer les leçons de la continuité avec le coordonnateur qui est parti depuis l’élaboration de la fiche ER-PIN jusqu’à l’élaboration du RPP et  aujourd’hui, nous sommes en train de mettre en œuvre le R-PP. La mission fondamentale est de faire en sorte que l’équipe qui met en œuvre le R-PP devra pour question de continuité et afin d’éviter d’eternels recommencements,  être celle qui a préparé la phase du R-PP, parce que la phase de mise en œuvre du R-PP c’est simplement le R-PP même qui a été élaboré et pour éviter que la préparation  prenne beaucoup de temps, il faut d’abord une équipe cohérente qui comprend le processus et ensuite les financements qui permettent de mettre en œuvre ces programmes.

 

 

Jusqu’à ce stade, quels sont les moyens financiers qui vous permettent d’assurer les préparatifs d’une mise en œuvre du RPP ?

Disons que le financement est un gros problème et je l’ai d’ailleurs souligné lorsque nous avons lancé les universités des pays du Bassin du Congo il y a six jours de cela. Le RPP est un document déjà préparé qui permet aux pays de dire comment les outils stratégiques et techniques sont élaborés. Il s’agit de la stratégie nationale REDD, du  niveau de référence,  de la cellule de référence,   du système MRV, du système d’évaluation environnementale et sociale et des organes de gestion. Tout cela est mis ensemble dans un document que l’on appelle R-PP qui n’est autre qu’une feuille de route avec un budget. Et lorsque le R-PP définit ce plan d’action avec budget et feuille de route, malheureusement  le montant que le R-PP indique de façon claire pour permettre aux pays d’être prêts, n’est pas facilement mobilisé par  les bailleurs internationaux. C’est le cas par exemple des pays qui sont dans le FCPF, le Fonds de partenariat pour le carbone forestier. Le FCPF  définit déjà à l’avance le montant à donner dans le cadre de la préparation du R-PP, pour les pays comme la RDC, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la RCA qui n’ont pas les mêmes tailles, notamment  3,6 millions de dollars, à savoir 200 mille dollars  pour la phase de préparation du R-PP et 3,4 millions de dollars pour l’élaboration de ce que le R-PP a mis en place, et cela est insuffisant parce que dans le cadre du Congo, le R-PP avait indiqué qu’il nous fallait 18 millions de dollars américains et dans cette somme, il y a 8 millions qui constituent l’ossature principal de la préparation du R-PP, 8 millions pour permettre au Congo d’être prêt dans le cadre de la préparation des outils stratégiques et techniques et 10 millions pour les projets pilotes. Donc, sur les 8 millions de dollars, le fonds de partenariat pour le carbone forestier a donné 3,4 millions de dollars en janvier 2012, ce qui est déjà insuffisant pour démarrer ce processus, alors il a fallu que l’on monte des dossiers, avec des requêtes pour obtenir le complément des 8 millions de dollars, et la requête a abouti au niveau de l’ONU-REDD en décembre 2012, qui a  apporté 4 millions de dollars et le gouvernement congolais a complété le reste . Ce qui a fait que le processus au lieu de démarrer en janvier 2011 n’a démarré qu’en janvier 2013. Cela cause un réel problème car s’il fallait redimensionner le R-PP  au niveau de 3,4 millions de dollars, cela ne vaudrait pas la peine de le commencer. Donc on part déjà sur un déficit et cela va arriver  à tous les pays qui vont aller dans ce processus et c’est une façon de préparer ces pays à mettre déjà en réserve  des fonds additionnels ou à trouver d’autres partenaires. Le mélange de partenaire complique souvent le système, car si ces partenaires ne sont pas sur la même longueur d’ondes comme c’est le cas de beaucoup d’entre eux, cela cause un véritable problème. Nous avons la chance d’être dans  un système où  le FCPF et l’ONU-REDD se comprennent très bien parce que depuis longtemps, ces deux plates-formes ont compris qu’il fallait travailler ensemble et la plupart de leurs réunions et conseils, se tiennent les uns à la suite des autres.

 

Comment avez-vous intégré la société civile dans vos activités quand on sait qu’elle occupe souvent une place  de choix pour ce type de projets?

 

Effectivement, la société civile est un acteur incontournable du processus. Nous avons eu la chance d’être compris à temps par la société civile qui s’est impliquée depuis la préparation de la note d’idées de programme ER-PIN en 2008. L’expérience de la société civile a accompagné le processus jusqu’à l’élaboration du R-PP et c’est au moment de l’adoption du R-PP que la société civile a compris l’intérêt de créer des plates-formes autour du processus REDD+. Nous avons la chance d’avoir au Congo une société civile qui est organisée autour de CACO-REDD, c’est une plate-forme de la société civile qui s’implique dans le processus REDD+ et cette coordination de la plate-forme de la société civile est animée autour de deux groupes à savoir, le groupe de la plate-forme autochtone et le groupe de  la plate-forme des autres ONG et qui se retrouvent toujours ensemble, au point où lorsque nous nous travaillons au niveau de la coordination pour mettre en œuvre les plans de travail annuel, nous le faisons toujours avec la CACO-REDD qui est la plate-forme impliquée dans le processus REDD et cela nous facilite énormément les choses. La seule difficulté est que la société civile n’a pas toujours les moyens de sa politique parce qu’au niveau du processus REDD+,  il y a trois grands groupes des parties prenantes, il y a le secteur privé et le secteur public qui ont les moyens de leur politique et la société civile  qui elle n’a pas toujours les moyens de sa politique, ce qui fait que lorsque les ONG internationales qui ont souvent des positions très extrémistes s’accaparent de ces ONG, on commence à avoir un processus qui va dans tous les sens. Voilà pourquoi nous pensons que c’est bien d’appuyer la société civile mais cela doit être dans le sens de la contribution à la lutte contre le changement climatique qui est un problème global. Le processus étant orienté vers la lutte contre la pauvreté et pour la promotion d’une économie verte, je pense que quelque soit le côté que l’on occupe, ONG, secteur public et société civile, l’intérêt devrait être  unique et c’est l’opportunité que le processus REDD offre à ces parties prenantes, et je pense que l’expérience que nous sommes en train de vivre au Congo est cette compréhension mutuelle qui existe entre la coordination nationale REDD et la société civile CACO-REDD.

 

Dans le cadre de la mise en œuvre de  votre feuille route, qu’est ce qui vous reste encore à faire et quels sont les grands défis qui vous attendent avant la finalisation de cette nouvelle phase ?

 

Ce que nous avions à faire était d’avoir : un plan de communication, une stratégie nationale REDD, des sauvegardes sociales et environnementales, un niveau de référence, un scénario de référence, un système MRV et   préparer le cadre juridique à la REDD. Aujourd’hui, nous avons le plan de communication qui a été préparé avec une stratégie de communication et qui nous demande des moyens financiers. Les 3, 4 millions de dollars  que nous avons dans le cadre du programme ONU-REDD  et FCPF, c’est pour préparer ces outils, donc, il y a un outil qui est déjà préparé, mais nous n’avons pas encore les moyens de mettre en œuvre cet outil de plan de communication. Il y a un peu de fonds qui sont prévus dans le cadre de l’ONU-REDD et FCPF, mais par rapport à l’enveloppe du plan de communication qui est une enveloppe très minime puisque  nous ne sommes pas encore à la phase d’opérationnalisation. Nous sommes en train de préparer la stratégie nationale REDD avec les panels techniques et multi acteurs qui sont mis en place dans le Kouilou et  à Brazzaville et bientôt cela va s’étendre dans les autres départements et  nous pensons que la monture préliminaire de la stratégie nationale REDD sera prête d’ici le 12 Août  et en mi septembre 2014, nous pourrons aller vers la validation  de la monture  préliminaire de la stratégie nationale, donc c’est le deuxième outil clé qui est en train d’être mis en place. Le cadre juridique est en train d’être enrichi en intégrant les  principes REDD+, la loi sur l’environnement,  le code forestier,  la politique forestière et les autres politiques environnementales et le développement durable ont  tous pris en compte ce principe REDD+.  La loi sur l’environnement, le processus est  déjà suffisamment avancé puisqu’il a été déjà vu au niveau du conseil des ministres, le code forestier et les lois sont en cours, les ateliers départementaux  ont eu lieu et  dans quelques jours, nous irons en concertation au segment ministériel. Donc, nous pensons que d’ici la fin d’année, les deux textes de base à savoir la loi sur l’environnement et la loi sur la forêt pourraient être adoptés par le parlement. Le niveau de référence et le  scénario de référence pour permettre de calculer les émissions, voir quel sera le niveau de référence que nous allons adopter, ces deux  outils seront disponibles  d’ici novembre 2014, mais ce seront  des montures préliminaires parce que nous sommes dans un processus international où la décision nationale ne suffit pas, il faut aussi avoir un consentement international, comme avec le  R-PP où les plans de préparation  avaient été préparés au niveau  national, mais il fallait avoir l’approbation de la communauté internationale ce qui a été fait. Donc pour chaque outil,  nous devons avoir l’approbation internationale, et en attendant cette approbation du niveau de référence et de  le scénario de référence  de la monture préliminaire, nous allons l’avoir d’ici décembre, les sauvegardes sociales et environnementales  seront aussi à la même période parce qu’on attend  la validation de la stratégie nationale REDD pour faire en sorte que l’évaluation sociale  et environnementale soit faite pour préparer le plan de gestion environnementale et sociale  du processus REDD au Congo  qui se fera  en septembre ou octobre de cette année.  Il restera le système national de mesurage de notification et de vérification que nous pensons  aussi avoir d’ici novembre-décembre mais en monture préliminaire parce qu’il faut attendre la validation internationale. Nous pensons que d’ici la fin d’année avec les moyens que nous avons eus et les études analytiques qui sont déjà avancées,  nous aurons toutes les montures préliminaires de tous les outils stratégiques et techniques du processus REDD+ et il ne restera que l’approbation internationale de ces outils.  La crainte que nous avons  sur l’approbation internationale sur  ces outils réside en ce que les fonds internationaux n’ont pas pu alimenter le fonds vert, parce que s’il y a validation internationale sur ces outils, en ce moment il faudra aller sur la mobilisation des fonds pour permettre aux pays de démarrer. J’avais oublié un dernier élément,  il s’agit du plan d’investissement, nous allons le mettre en place sur la base de tous les éléments validés, et ce que je crains est que l’approbation internationale ne prenne plus de temps.

Faut-il croire au processus REDD+, au regard de la lenteur de la mobilisation des fonds au niveau international ?

Je dissocie deux choses, le mécanisme REDD+ en tant que mécanisme financier international qui doit être alimenté par les fonds publics, privés et autres de manière à permettre aux pays en développement de pouvoir  poursuivre  leurs efforts dans le cadre de la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation, dans le cadre de la gestion durable,  de la conservation et l’accroissement des stocks de carbone, ce mécanisme financier avec le fonds vert et les fonds Fast Start, je n’y crois pas trop car ce n’est pas la première expérience et si on remonte depuis  la conférence de RIO 92, où il y a eu beaucoup de promesses de fonds et de financement, prenons par exemple le plan d’action forestier tropical qui  a été lancé après Rio afin que les pays réduisent  la déforestation, mais sur la base des financements internationaux, ce programme a connu beaucoup d’échecs. Prenons aussi les fonds Fast Start à Copenhague, le fonds vert qui a du mal à se mettre en place,  cela décourage aujourd’hui  beaucoup de pays dans le bassin du Congo. En tant qu’expert, je pense qu’il ne faut pas voir la REDD+ dans ce sens parce que ce processus a été mis en place pour aider  à régler un certain nombre de problèmes sur le climat qui est en train de se dégrader et qui impacte sur les Etats et les populations.  Faut-il rester les bras croisés  et atteindre que la communauté internationale apporte les moyens pour régler  les problèmes qui commencent à peser sur les populations du fait du changement climatique ? Je ne pense pas. La République du Congo a la chance d’avoir des leaders qui  comprennent ce principe de ne pas attendre  les financements internationaux. Remontons  au programme d’action forestier tropical avec les plans d’actions forestiers nationaux,  le Congo n’a pas attendu le financement international, parce que nous avons fait un plan d’action forestier  national qui est  une sorte de R-PP du PAFEM, malheureusement les financements ne sont  pas venus, le gouvernement  a financé avec l’appui des privés les plans d’aménagement et la conservation et aujourd’hui, nous sommes leaders dans le cadre de l’aménagement forestier  durable et ce sont des efforts nationaux.

Par Raoul SIEMENI

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