Face aux enjeux de la conservation relevant de la bonne exploitation des ressources forestières, le Forest StewardshipCouncil (FSC) s’est imposé en Afrique centrale comme un partenaire fiable dans le cadre de la délivrance des certificats de bonne pratique de gestion forestière. Pour mieux comprendre les défis de cette organisation en Afrique centrale, Mathieu Auger-Schwartzenberg, Coordonnateur sous régional du FSC en Afrique centrale, s’est prêté au micro d’Afrique Environnement Plus.
AEP : Nous constatons que le FSC s’implante véritablement avec un siège au niveau de l’Afrique centrale plus précisément au Congo. Où en êtes-vous avec l’élément visant à formaliser cette installation ?
Mathieu : le 24 avril 2015, le Président Directeur Général du FSC, Monsieur Kim CARSTENSEN a signé avec le ministre de l’économie forestièreet du développement durable de la République du Congo, Monsieur Henri DJOMBO,un accord de coopération qui vise à implanter la coordination sous régionale du FSC pour le Bassin du Congo à Brazzaville. Cet accord de coopération établit les prémices à la négociation et à la signature en novembre prochain d’un accord de siège qui établira de manière pérenne les activités du FSC au niveau de l’espace COMIFAC.
L’on sait qu’au cours de ces derniers mois, le FSC a procédé à la révision de ses nouvelles normes au niveau sous régional. Que peut-on noter comme avancées significatives de cette nouvelle vision du FSC?
Pour l’instant les normes nationales ne sont pas encore révisées.C’est un processus qui a été initié fin 2014 et qui durera environ une année voire une année et demi. C’est dire que les nouvelles normes verront le jour, pour chacun des pays de la sous région en Avril ou à la fin du premier semestre 2016. Pour l’instant, ce que nous avons fait, c’est de recruter un agent des politiques et des normes du FSC, Monsieur William LAWYER qui s’attèlera à encadrer le processus au niveau sous régional. Nous avons aussi établi officiellement quatre groupes d’élaboration des normes pour la République du Congo, le Cameroun, le Gabon et la RDC. Chacun de ces groupes d’élaboration des normes est doté d’un président qui a été élu par vote anonyme par les différents membres constitutifs de ces groupes d’élaboration des normes. La particularité de chaque groupe est qu’il est représentatif du panorama des acteurs de la filière forêt de chacun des pays, avec des membres del’organisation de la société civile, des ONGs internationales de conservation, des membres du gouvernement et des ONGs locales. En bref, nous avons quatre groupes d’élaboration des normes constitués avec un processus et un plan de travail clairement établi et acté par ces membres, dans chacun de ces pays visés. Leur travail initial se poursuivra jusqu’en mi-2016 au moins.
Qu’est-ce qui peut être considéré comme actions prioritaires que vous avez en vue dans le cadre de l’aboutissement de ces nouvelles normes FSC en Afrique centrale?
La priorité était d’abord de nous établir de manière formelle dans le Bassin du Congo, puisque nous n’y étions pas jusqu’à présent. Ceci aété rendu possible grâce à la signature de l’accord de coopération avec le gouvernement congolais. Les discussions sont aussi en cours avec d’autres gouvernements de la sous région, afin de voir dans quelles mesures nous pourrions avoir des dispositions formelles au sein de ces pays aussi. Outre ces installations, les activités techniques prioritaires sont l’élaboration des normes et une meilleure définition de la notion de haute valeur de conservation. Ce concept créé par le FSC fin 90, a été reprise par beaucoup d’autres systèmes de certification environnementale (RSPO pour l’huile de palme, Bonsucro pour le sucre par exemple). Jusqu’à présent, que ce soient les gouvernements ou les organisations, les experts internationaux ou les gestionnaires forestiers, tous connaissent des difficultés techniques à gérer et à travailler avec cette notion de haute valeur de conservation. Donc, les deux priorités techniques sont, le développement des normes nationales et une meilleure réflexion sur les hautes valeurs de conservation.
Comment appréciez-vous l’appropriation de la norme FSC par les entreprises et les organisations de la société civile au niveau de la sous région?
Cela fait maintenant près de dix ans que je travaille dans la sous-région,dans le domaine forestier et à différents niveaux de responsabilité. J’ai commencé dans le secteur privé en tant que responsable social et environnemental et j’ai toujours été stupéfait par le niveau de connaissance approfondie et une grande maitrise de l’outil FSC par les acteurs de la filière forêt- bois, que ce soit les gestionnaires forestiers, l’administration et les organisations de la société civile. Je pense que depuis la création de cette organisation, l’Afrique centrale et ses populations se sont toujours servies du FSC comme un outil possible de développement. Donc, je pense que le travail d’appropriation initiale du FSC comme outil de développement et comme bon outil de gestion forestière a été réalisé par mes prédécesseurs, reste maintenant à asseoir les concepts FSC, à les affiner et à davantage renforcer les capacités de ces différents acteurs, pour qu’ils puissent avoir une maitrise plus pertinente de cet outil. En effet, il y a souvent certains amalgamesqui sont constatées et c’est sur l’utilisation de l’outil que nous concentrerons nos efforts dans un premier temps.
Comment le FSC apprécie-t-il les débatsau niveau sous régional sur les questions de multiplicité des certificats à délivrer dans chaque pays pour les normes nationales? Plus précisément est-ce que le FSC trouve assez compétitif le fait que plusieurs autres pays envisagent cette option?
C’est vraiment une question d’actualité au niveau international puisque nous avons reçu les demandes du même ordre en Chine, en Malaisie, en Indonésie, bref dans les pays tropicaux. La plupart de ces pays aujourd’hui sont dans cette mouvance de certificat nationalet sont aussi dans cette demande de reconnaissance de leur schéma de certificat national par les grandes organisations de certification que sont le FSC et le PEFC. Cela va vous surprendre, mais au Royaume Uni, leur schéma de certification est commun au FSC et au PEFC c’est-à-dire que le schéma de certificat national anglais est le référentiel FSC qui a été par la suite reconnu par le PEFC et finalement les gestionnaires forestiers certifiés, les transformateurs, les industriels du bois qui sont certifiés selon le schéma de certification anglaise sont aussi certifiés FSC etPEFC. Souvent lorsqu’on engage le débat sur la double certification, on pense tout de suite aux relations conflictuelles entre le FSC et le PEFC alors que dans d’autres parties du globe, il y a mutualisation des efforts. Si le but aujourd’hui pour les gestionnaires forestiers du Bassin du Congo et les industries de transformation est d’avoir un double certificat pour qu’en cas de blocage, cela les aide à sécuriser davantage de marchés et surtout que cela nous aide à pouvoir protéger la forêt du Bassin du Congo et promouvoir le développement et le respect des droits des populations locales et autochtones, , nous sommes tout à fait ouvert à réfléchir sur une mutualisation possible des énergies, plutôt que d’être dans une compétition stérile.Nous ne voyons pas ce double certificat comme un obstacle, une compétition ou un risque, mais plutôt d’un bon œil parce que c’est une conscientisation par l’administration et les politiques publiques de la nécessité de protection des massifs forestiers. Ce qui est clair : le FSC ne modifiera ni ses objectifs, ni ses exigences, il restera le moteur mondial des bonnes pratiques forestières et ce facilitateur unique entre parties prenantes. Nous sommes et resterons en total accord avec notre mission, mais le débat n’est pas fermé.
Vous avez parlé de la tenue très prochaine du conseil d‘administration du FSC. Quels sont les objectifs visés par ce conseil et quelles informations pouvons-nous avoir des préparatifs de cette activité?
Le FSC est une organisation régie par ses membres et il a déjà eu 69 conseils d’administration depuis ses 20 ans d’existence et seulement un seul de ses conseils d’administration s’est tenu sur le sol africain à Yaoundé il y a quelques années. Le FSC a donc investi en recrutant un coordonnateur sous régional, un agent des politiques et des normes et est en train d’investir politiquement dans ses relations avec les gouvernements du Bassin du Congo pour pouvoir développer ses activités. Il a été pensé par le Président Directeur Général du FSC qu’un conseil d’administration pourrait se tenir avant la fin de l’année 2015 dans le Bassin du Congo.Sachant que la coordination sous régionale est pour l’instant établie à Brazzaville et que la République du Congo reste le leader des superficies forestières naturelles tropicales certifiées dans le monde, il nous semblait donc cohérent que ce conseil d’administration puisse être tenu à Brazzaville avec une partie de terrain qui sera vraisemblablement réalisée et conduite dans le nord du Congo afin que les différents membres du conseil d’administration prennent la mesure de l’effort fourni par les sociétés certifiées pour protéger les massifs et respecter les droits des populations locales et autochtones. Nous attendons une dernière validation lors du 69e conseil d’administration qui aura lieu en Août prochain en Malaisie et une fois la validation finale de la proposition, je m’attèlerai à organiser pour courant novembre en fonction des dates des différents agendas ministériels, un conseil d’administration à Brazzaville avec une rencontre sous régionale et une table ronde sur l’avenir de la certification dans les forêts du Bassin du Congo avec l’ouverture d’un débat sur le rôle à jouer par le FSC en République Démocratique du Congo.
Par Raoul SIEMENI