Quelques mois après le changement du personnel statutaire de la Commission des Forêts d’Afrique Centrale en sigle COMIFAC, AEP est allé à la rencontre du nouveau Secrétaire Exécutif Monsieur Raymond NDOMBA NGOYE qui nous livre ici la vision de son équipe pour le développement de cette institution.
AEP : Vous venez d’être nommé à la tête du secrétariat exécutif de la COMIFAC, quel état des lieux faites-vous à la prise de vos fonctions ?
Raymond NDOMBA NGOYE : Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à notre institution qu’est la COMIFAC. Avant de faire l’état des lieux, je vous dirais que le conseil des ministres du 29 novembre dernier toujours ici à Kigali a procédé au renouvellement du personnel statutaire de la COMIFAC à la suite de la fin du mandat de la première équipe. Donc, c’est depuis le 11 janvier dernier que sur habilitation du ministre président en exercice de la COMIFAC, le ministre des ressources naturelles du Rwanda que le ministre camerounais des forêts et de la faune, Monsieur NGOLE Philip NGWESE nous a installé. Dès notre prise de fonction, nous avons immédiatement pris attache avec les hautes autorités du Cameroun, notamment le ministère des relations extérieures, le ministère des forêts et de la faune pour leur présenter nos civilités et nous présenter à eux comme nouvelle équipe du secrétariat exécutif de la COMIFAC. De part et d’autre, des orientations précises ainsi que des conseils ont été donnés. Après le Cameroun, nous avons pris attache avec les autorités gabonaises du 22 au 27 janvier où nous avons rencontré le secrétaire général à la présidence qui a sous sa tutelle l’Agence d’Observation Spatiale et le Conseil Climat. Ce sont ces deux thématiques que nous suivons la mise en œuvre et il était de bon aloi que nous voyions comment travailler en synergie avec ces structures nationales. Nous avons également eu une rencontre avec Madame le ministre de l’économie forestière du Gabon, qui nous a aussi donné des orientations et a souhaité que la COMIFAC soit mieux connue dans les pays membres. A la suite de madame le ministre, nous avons eu une séance de travail avec la CEEAC. Comme vous le savez, c’est en octobre 2008 que les chefs d’états ont pris la décision de faire de la COMIFAC un organe spécialisé de la CEEAC et souvent tous les partenaires et toutes les parties prenantes posent la question de savoir quel est le rôle joué par l’une et l’autre des organisations. En ce moment, nous avons des séances de travail au niveau politique avec le secrétariat général adjoint chargé du budget et des ressources humaines, ensuite les experts se sont retrouvés. Nous avons donc formulé un aide-mémoire que nous avons signé conjointement à Libreville.
Dorénavant, la CEEAC s’occupera de la coordination politique et tout ce qui est technique sera du ressort de la COMIFAC. Nous coordonnons notre technique et nous rendons compte à la CEEAC qui va nous accompagner dans la mise en œuvre de ces activités à travers les financements, la mobilisation des financements auprès des partenaires techniques et financiers. Nous avons également travaillé avec la FAO qui est notre partenaire dans la mise en œuvre des projets portant notamment sur les produits forestiers non ligneux. Les différentes phases de ce projet dont l’agence d’exécution était la FAO sont arrivées à terme et nous envisageons monter un grand programme régional sur les produits forestiers non ligneux. Donc, il fallait qu’on harmonise nos points de vue et qu’on élabore une note conceptuelle à transmettre à la BAD qui sera probablement l’agence de financement de ce grand programme. Nous avons aussi travaillé avec la CEEAC et la BAD au sujet du PACEBCo, Programme d’Appui pour la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo, qui est arrivé à terme mais nous sollicitons une autre phase auprès de la BAD pour consolider les acquis issus de la mise en œuvre de la première phase. Voilà pour ce qui est des prises de contacts.
La nouvelle équipe de la COMIFAC a une feuille de route et la première chose est de redonner à la COMIFAC la place qu’elle mérite en demandant aux pays de se réapproprier l’instrument car il s’agit d’un instrument des états, une organisation intergouvernementale. Nous avons constaté que certains états commençaient à prendre du large vis-à-vis de la COMIFAC, mais notre souci est de ramener ces états vers la COMIFAC et surtout de rassurer les partenaires qui doutent de la COMIFAC en leur disant que la COMIFAC doit vivre et vivra tant que la forêt du bassin du Congo existera. C’est là notre challenge actuellement auprès des pays et des partenaires. Néanmoins, certains partenaires commencent à capter le message et avec le PFBC dont la facilitation est assurée par l’UE, je pense que les choses vont bon train.
Que peut-on retenir comme ligne prioritaire dans votre plan de travail annuel au-delà des travaux que vous avez eus à Ebolowa ?
Comme chaque année, le secrétariat exécutif de la COMIFAC élabore un plan de travail annuel qui intègre les activités menées aussi bien par le secrétariat exécutif lui-même dans le cadre de son mandat que par certains partenaires. Les mêmes composantes ont presque été reconduites avec les nouvelles activités, notamment les nouveaux projets qui doivent être financés, l’appropriation des missions de sensibilisation des états pour qu’ils s’approprient des directives et des stratégies élaborées par la COMIFAC à leur profit. Donc, en ce qui concerne les activités prioritaires à mener dans le plan de travail 2017, nous avons le renforcement des capacités dans les domaines aussi pointus que le changement climatique, la finance climat, la mobilisation des financements pour la mise en œuvre du plan de convergence.
Parlant de la collaboration entre la COMIFAC et les entités de la société civile, quelle est la nouvelle vision, y a-t-il des avancées en vue et comment percevez-vous cette redynamisation avec ces acteurs qui sont également des maillons assez essentiels dans la politique de gouvernance forestière en Afrique centrale?
Vous savez que les organisations de la société civile sont des partenaires de premier plan pour la COMIFAC dans la mise en œuvre du plan de convergence sur le terrain ceci de par leur proximité avec les populations locales. C’est pour cela que leur restructuration était nécessaire notamment par le biais de la CEFDHAC, Conférence des Ecosystèmes des Forêts Denses de l’Afrique Centrale. Il y a certains réseaux qui sont affiliés à la CEFDHAC et d’autres qui se créent, mais notre souhait est que toutes les organisations de la société civile se retrouvent au sein de la CEFDHAC. Cependant, certains ne se retrouvent pas tout simplement parce qu’il y a un petit souci de redynamisation de cette structure soit au niveau national ou au niveau sous régional. Les fora nationaux et sous régionaux qui sont les bras séculiers de la COMIFAC ne sont pas fonctionnels, pourtant en temps normal c’est de ces structures nationales et sous régionales que nous devions recevoir des propositions d’idées à soumettre aux organes de décisions, notamment le conseil des ministres et le sommet des chefs d’états. Donc, ils doivent se restructurer et créer peut être une structure plus grande du genre « CEFDHAC nouveau » afin que tout le monde se retrouve car certains ne se retrouvent pas et d’autres veulent voler de leurs propres ailes. Il y a comme une sorte de cacophonie. Or, nous voulons un interlocuteur unique qui rassemble les idées de tous les réseaux et de toutes les organisations de la société civile et nous les mette sur la table dans un document bien précis qui nous servira d’aiguillon afin de nous permettre de l’exploiter convenablement et mettre les idées qui s’y trouvent à la disposition de notre hiérarchie à savoir : les ministres en charge des forêts et/ou de l’environnement des pays membres de la COMIFAC.
Parmi les projets en cours au niveau de la COMIFAC, il y a le projet PREREDD qui tire aussi à son terme. Quel bilan la COMIFAC peut-il faire concernant ce projet ?
En ce qui concerne le projet PREREDD, nous venons de tenir un comité de pilotage à Douala au cours duquel nous avons apprécié le travail qui a été abattu par la coordination de ce projet. Il a contribué au renforcement des capacités dans le processus REDD pour la mise en œuvre des activités de lutte contre le changement climatique. C’est un projet qui nous a été très utile mais qui reste néanmoins un projet. Cependant, les états doivent s’approprier des acquis des différents projets et les internaliser afin qu’il y ait une pérennité dans la gestion durable et les actions de lutte contre les changements, car il faut des étapes de consolidation des acquis à la fin de chaque projet. Donc, la communauté internationale selon les partenaires techniques et financiers qui nous aident à mettre en œuvre certains projets, devrait prévoir des financements de consolidation des acquis et de l’accompagnement des états dans la mise en œuvre des acquis de ces projets. Pour nous, le projet PREREDD a été bénéfique dans la sous-région en matière de renforcement des capacités notamment, le renforcement des capacités des acteurs non étatiques de la sous-région.
L’un des problèmes au niveau du fonctionnement structurel de la COMIFAC a été le financement. Comment abordez-vous cette question, quel message adressez-vous aux états en ce qui concerne le fonctionnement structurel, quelle est la vision de collaboration avec les prochains partenaires financiers de la COMIFAC ?
Le point portant sur les financements a deux volets essentiels : il y a le financement relatif au fonctionnement du secrétariat exécutif qui est exclusivement du ressort des états ; il y a aussi le financement relatif à la mise en œuvre du plan de convergence qui est du ressort non seulement des états mais aussi de l’accompagnement des partenaires financiers. Pour le premier volet sur le fonctionnement du secrétariat exécutif, au sortir de la 9e session ordinaire des ministres tenue à Kigali, chaque pays avait pris les engagements d’apurer les aérés et de payer les encours auprès de la COMIFAC. Le processus est lancé et certains pays commencent à prendre des dispositions en interne pour payer leurs aérés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, nous avons mis un programme de mission auprès des responsables des états membres pour leur rappeler la nécessité de payer les aérés et d’ailleurs le président en exercice à la suite de la résolution 15 de la session ordinaire, a fait des lettres de rappel aux états membres pour qu’ils payent leurs aérés et les encours de leur contribution. Il est donc prévu de convoquer une réunion de session ordinaire du conseil des ministres pour faire le point par rapport au paiement par les états de leurs contributions et cette session se tiendra en avril ou mai prochain. Mais au niveau des états, les rencontres que nous avons eues soit à Libreville ou à Yaoundé et même à Oyo, les dispositions internes sont entrain d’être prises afin que les aérés et les contributions à la COMIFAC soient payés le plus tôt possible.
Vous revenez d’Oyo où le Congo a lancé une initiative sur le fonds bleu. Quel regard portez-vous sur cette initiative et comment avez-vous apprécié le déroulement de ce nouveau projet ?
Au sujet du fonds bleu pour le bassin du Congo, comme vous le savez à la COP22 à Marrakech, l’initiative a été portée par le président congolais Denis Sassou N’Guesso et ses pairs lui ont donné mandat de rendre effective cette idée et c’est à cet effet qu’il a convoqué ce forum à Oyo sur le fonds bleu du bassin du Congo. Il n’y a pas antagonisme entre le fonds vert et le fonds bleu, car la forêt n’existe que s’il y a l’eau et vis-versa. Le bassin du Congo a cette chance d’être un bassin gâté par la nature qui a à la fois la forêt et sa biodiversité et les eaux qui pour la plupart prennent leur source à partir du fleuve Congo. L’on constate de nos jours que le lac Tchad est entrain de s’assécher et cela constitue une grande préoccupation pour les populations qui vivent de l’eau car elle a deux volets, l’eau potable comme aliment qui manque à la plupart de nos populations et l’eau en tant qu’écosystème contient beaucoup d’espèces. Il est donc question de faire la gestion intégrée des ressources en eau. Nous avons des organisations comme la Commission Internationale du bassin Congo Oubangui Sangha (CICOS) qui s’occupent des problèmes de navigation et il faudrait que l’on développe le système de navigation maritime à travers le Congo et d’autres cours d’eau qui sont les affluents de ce fleuve Congo. Donc, je pense que l’initiative du Fonds bleu est une initiative qui vient à propos parce que c’est également de l’économie bleue à côté de l’économie verte que l’on doit faire et ces deux économies peuvent naturellement développer notre sous-région. La gestion durable des forêts et de l’eau sont des domaines d’avenir pour notre sous-région notamment dans le cadre de la lutte contre la pauvreté au niveau des populations locales.
Quelle place occupe les communicateurs environnementaux dans la nouvelle vision de la COMIFAC ?
C’est une préoccupation qui est à l’ordre du jour de notre programme car imaginez-vous qu’une structure comme la COMIFAC n’a pas un expert en communication. Aujourd’hui, tout ce que nous faisons, grâce à vous peut être lu ailleurs, mais notre site web n’est plus alimenté. On ne peut pas mener des activités sans qu’elles ne soient connues du grand public, d’où la nécessité de sceller des relations peut être avec une structure sous régionale qui regroupe les communicateurs comme le RECEIAC avec qui nous devons travailler en synergie afin que les activités que nous menons soient connues du grand public. La COMIFAC de nos jours est mal connue du grand public donc, il faudrait que ses activités soient vulgarisées au sein des états et des administrations concernées. Ce travail ne peut être fait que par des communicateurs spécialisés en environnement qui véhiculeront toutes les activités menées par les états membres dans le cadre de la promotion et de la gestion durable des écosystèmes forestiers et même des nouvelles initiatives comme la lutte contre le changement climatique, le fonds vert, le fonds bleu, la REDD+. De ce fait, les populations de notre sous-région seront mieux aguerries et suivront de très près toutes les initiatives crées par les chefs d’états pour leur bien-être.
Par Raoul Siemeni