AEP : Nous sommes à la 4ème édition des aires protégées d’Afrique Centrale, cette activité qui tend à devenir une tradition. Quelle lecture faites-vous de cette initiative ?
Samy MANKOTO : Je me félicite de cette initiative qui a été lancée en 2007 dans le cadre d’une vision stratégique par le Conseil d’administration du RAPAC et que j’avais eu le privilège de présider à Kinshasa, intitulée journées régionales et nationales des aires protégées. Ces journées sont organisées au niveau de chaque Etat membre, ensuite au niveau du siège, on organise les journées régionales des aires protégées d’Afrique centrale. Ces premières journées organisées à Kinshasa avaient concerné la biodiversité, les aires protégées comme bastion de la biodiversité, il en était sorti la déclaration de Kinshasa ; les 2èmes journées ont porté sur les questions de financement, les 3èmes journées ont eu lieu à Brazzaville en marge du sommet des chefs d’Etats et de gouvernements des 3 grands bassins tropicaux du monde, en juin 2011. A ce titre, le ministre de l’environnement, Henri Djombo, avait présidé ces journées dont le thème central était la question du financement durable. Les 4èmes journées qui se tiennent à Libreville au siège de notre organisation, ont pour thème central les Aires Marines Protégées et la Lutte Anti Braconnage. Des avancées significatives ont été relevées dans le cadre de cette initiative parce qu’avec la thématique des aires marines protégées, le RAPAC vient de développer un nouveau partenariat avec la Convention des Nations-Unies appelée Convention d’Abidjan et aussi des partenariats avec l’UICN pour participer au développement de la méthodologie de planification des aires marines protégées qui sont des sites très importants sur le plan économique pour les populations locales. C’est une avancée très significative pour le RAPAC dans le cadre de la mise en œuvre de son Plan Stratégique et du Plan de convergence de la Comifac.
Vous êtes au terme de votre mandat après 10 ans à la tête de cette institution, quel bilan dressez-vous de votre parcours ?
Tout d’abord, je tiens à féliciter mon successeur Mr Anatolio Ndong Mba qui devrait désormais officier en qualité de Président du RAPAC. Il est toujours difficile de faire le bilan soi-même, mais je dirai qu’au cours de ces 10 dernières années, des progrès ont été réalisés dans la mise en œuvre des activités du RAPAC. Je prendrai comme exemple solennel la signature, hier au ministère des affaires, de l’accord de siège entre le RAPAC et la République Gabonaise. C’est un véritable parcours de combattant mais nous avons eu l’appui du gouvernement gabonais au plus haut niveau : du Chef de l’Etat, du ministre des affaires étrangères et du ministre des eaux et forêts, et grâce à cet appui, un travail de fonds a été fait au conseil d’administration, à l’Assemblée générale pour actualiser les statuts du RAPAC en tant qu’organisation régionale et internationale car nous sommes déjà membre de l’UICN, depuis 2009. Donc, cet accord de siège qui a été signé, hier, montre que le RAPAC a pris une dimension véritablement internationale et cela va actualiser aussi les financements importants que nous recevons des partenaires comme l’UE, la CEEAC qui est notre maître d’ouvrage dans le cadre de la mise en œuvre du programme ECOFAC V du RAPAC. La BAD qui nous finance par le biais du PACEBCo, et aussi les Etats membres du RAPAC qui ont toujours appuyé nos actions. Je voudrais faire remarquer que dès ma prise de fonction en 2003, j’ai initié avec l’appui de mon Secrétariat exécutif, le protocole d’accord qui a été signé entre la COMIFAC et le RAPAC. Il s’est inscrit aussi dans le cadre de la Déclaration de Yaoundé signée par les Chefs d’Etats, en mars 1999, et qui a été validée par l’Assemblée générale des Nations-Unies ; et plus tard en février 2005, à Brazzaville, lors du Sommet des chefs d’Etats sur la conservation et la gestion durable des forêts d’Afrique centrale, un traité a été signé dans lequel le RAPAC a été reconnu comme un des outils grâce au pilier de la Comifac. Dans le cadre de cette activité, nous avons maintenant un contrat de subvention importante de l’ordre de 20.531.299 d’euros que nous gérons dans le cadre de la convention de financement CEEAC-UE, le RAPAC est maître d’œuvre et c’est grâce à cet important financement que nous continuons à suivre la mission du RAPAC qui consiste à aider les Etats membres à harmoniser les politiques et les législations en matière d’aires protégées. Nous avons les aires marines protégées encore sans protection efficace, aider les Etats à trouver les mécanismes de financements pour former les cadres de haut niveau pour une meilleure gestion des aires protégées.
Parlant justement des aires marines protégées qui ont également été au centre de cette 4ème JAP, pourquoi ces concertations en Afrique centrale sur ces aires marines protégées ?
La façade atlantique de l’Afrique centrale a un grand potentiel halieutique, et donc dans le cadre d’une vision globale de la conservation, on ne pouvait pas, nous au niveau du RAPAC, nous tenir à l’écart par rapport à cette thématique des aires marines protégées parce que nous avons déjà des sites d’aires marines protégées en zone côtière Mayumba-conkouati entre le Congo et le Gabon qui pourrait même devenir une aire marine transfrontalière et sur le plan de la méthodologie, le RAPAC peut apporter une plus value en terme d’expertise pour la conservation de ces espaces. L’exploitation de ces aires marines devra aussi bénéficier aux populations locales. Il faut donc un bon plan d’aménagement ainsi que l’ont présenté les experts. Nous, au niveau du RAPAC, nous examinerons la possibilité de lancer les activités de formation des formateurs pour la gestion d’aires marines protégées et beaucoup de participants ont proposé le recours à l’école de faune de Garoua pour la formation des techniciens mais, j’ai aussi proposé l’école régionale post universitaire d’aménagement et de gestion intégrée des forêts et territoires tropicaux, ERAIFT en sigle qui est gérée par l’UNESCO en RDC qui est une école régionale qui forme des spécialistes suivant une approche intégrée et systémiques au niveau Master 2 pour avoir des concepteurs au niveau des ministères, des entreprises privées, de la société civile. Il s’agira des cours de formation continue de courte durée en attendant que les experts réfléchissent sur les modules de formations adaptées aux zones marines et côtières en termes de formation diplomate. A cet effet, soulignons que le RAPAC, par le biais de son programme ECOFAC V, vient de signer un important contrat de prestation de service avec ERAIFT pour encourager la formation des hauts cadres de gestion des aires protégées en Afrique centrale.
L’un des points clés de cette réunion a été l’adoption d’un statut de braconniers quand on sait qu’au niveau de la sous-région avec le problème des éléphants qui anime l’actualité, c’est une responsabilité qui engage les Etats en matière d’accompagnement, quelle est la vision du RAPAC dans le cadre de l’adoption d’un tel document ?
Si nous prenons comme exemple l’effondrement des éléphants avec l’émergence depuis 2007-2008, l’augmentation du prix de l’ivoire, du braconnage de grand chemin, l’utilisation d’armes de guerre, face à ce phénomène, le RAPAC estime qu’il faut une politique qui doit susciter une adhésion des Etats au niveau le plus élevé des Chefs d’Etat. Je félicite par la même occasion l’organisation de la réunion des ministres en charge des eaux et forêts, de l’environnement, de la défense et bien d’autres, qui s’est tenue en avril à Yaoundé (Cameroun), organisée par la CEEAC. Au cours de cette réunion, une déclaration importante a été adoptée et la mise en place d’une cellule anti braconnage au niveau régional. Le RAPAC appui ce genre d’initiative et est prêt à soutenir les actions allant dans le sens de l’organisation d’une stratégie régionale pour lutter efficacement contre ce fléau. Je pense qu’il serait important qu’une fois ce plan d’action de lutte contre le braconnage sera finalisé par la CEEAC, qu’il soit adopté par les Chefs d’Etat pour avoir une possibilité de mise en œuvre à tous les niveaux, qu’il s’agisse au ministère des finances pour l’appui financier ou aux ministres techniques que sont les ministères des forêts et aux partenaires au développement qui nous accompagnent dans ce processus. A ce titre, au cours de cet atelier, les voix se sont fait entendre pour que les écogardes qui sont le plus souvent démunis, soient souvent épaulés dans les opérations coup de poing par l’armée, les forces de sécurité comme cela est fait au parc de Bouba Ndjida au Cameroun. C’est ainsi qu’on pourra sécuriser les aires protégées car on risque d’assister à une disparition de cet espèce qui joue un rôle non seulement économique, mais aussi écologique important. Donc, il faut voir les choses de façon systémique. Il y a les aspects de développement, de conservation et le RAPAC dans sa dynamique essaie d’encourager l’élaboration et la mise en place des plans de gestion ou d’aménagement, qui tiennent compte de tous ces différents aspects au développement.
Que pensez-vous de l’information environnementale au niveau de l’Afrique centrale ?
Je pense que les efforts doivent être encore menés dans ce domaine. Il y a déjà l’ADIE (Agence de Développement de l’Information Environnementale), mais les actions sont menées de façon disparâtre, il faut une meilleure coordination et l’ADIE pourrait aider dans ce sens, et je me félicite déjà de voir Afrique Environnement Plus ainsi que le RECEAC (Réseau des Communicateurs pour l’Environnement en Afrique Centrale) qui vient, d’ailleurs, d’être créé, contribuer à faire connaitre ce qui se fait en Afrique centrale. Le problème est qu’en Afrique centrale, on fait beaucoup de choses, mais on en parle moins alors que dans d’autres parties de l’Afrique, l’information environnementale est bien véhiculée. Il y a des ONG nationales et internationales qui font un travail extraordinaire, mais il n’en demeure pas moins que c’est un domaine qui reste à consolider et à développer davantage.
Propos recueillis par Raoul SIEMENI