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Interview AEP

Patrick KIPALU, Coordonnateur National de FPP (RDC): « Les Etats du bassin du Congo doivent promouvoir le CLIP en l’insérant dans leur arsenal juridique »

Patrick KIPALU, Coordonnateur National de FPP (RDC)

Forest Peoples Programme (FPP) est une structure internationale qui défend, à travers le monde, les droits des peuples qui vivent dans les forêts et en tirent leur subsistance. Il œuvre cependant à créer un espace politique qui permette aux peuples des forêts de sauvegarder leurs droits, contrôler leurs terres et de décider eux-mêmes de leur avenir. En RDC, FPP implémente plusieurs projets dont le plus en vue est axé sur « REDD +, la sécurité des moyens de subsistance et le développement économique».

Dans cet entretien, Patrick Kipalu présente non seulement les objectifs et réalisations du projet en RDC, aussi il arbore le nouvel Arrêté Ministériel n°26 du 08 Novembre 2017 fixant le cadre de directives nationales sur le Consentement Libre, Informé et Préalable (CLIP) pour la mise en œuvre de la REDD+. Une avancée notable pour l’implication des peuples de forêts tropicales dans la gestion forestière en Afrique centrale.

Afrique Environnement Plus (AEM) : Le Ministre de l’Environnement et développement durable, son Excellence Amy Ambatobe venait de signer un arrêté fixant le cadre de directives nationales sur le consentement libre, informé et préalable (CLIP) pour la mise en œuvre de la REDD+ en RDC. Quelle est la portée du CLIP et quel sens donnez-vous à cet arrêté ?

Patrick Kipalu : Le CLIP est un droit reconnu aux communautés locales et autochtones dans plusieurs instruments juridiques internationaux – (par exemple la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Convention sur la Diversité Biologique, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, etc.) – de donner ou refuser de donner leur consentement dans la conception et la mise en œuvre des politiques et/ou projets susceptibles d’impacter leurs terres traditionnelles ou style de vie. C’est un élément important qui contribue au renforcement du droit des communautés a l’autodétermination et permettant ainsi aux communautés de décider eux-mêmes de leur avenir.  La REDD+ est un processus complexe – avec des potentiels de bénéfices, mais aussi des risques énormes pour les communautés dépendantes des forets – et sa mise en œuvre effective nécessitent la reconnaissance et la protection des droits des communautés forestières et une appropriation efficace des initiatives par celles-ci.  Cet Arrêté Ministériel permettra cette appropriation de la REDD+ par les communautés lorsqu’il est bien mis en œuvre. Cet arrêté replace les communautés au centre des décisions pour des initiatives REDD+ qui répondent effectivement au besoin de la gestion durable des nos Ecosystèmes forestiers, de la réduction de la pauvreté, et de la valorisation des connaissances et pratiques traditionnelles relatives à la gestion des forets.

Quels ont été les objectifs et réalisations du projet « REDD +, la sécurité des moyens de subsistance et le développement économique» en RDC ? 

Le projet « REDD+, la sécurité des moyens de subsistance et le développement économique en RDC » a été lancé en Janvier 2015 avec pour objectif de promouvoir les droits fonciers coutumiers et la sécurité des moyens de subsistance, le développement économique et la réduction durable de la pauvreté des communautés dans les zones pilotes REDD+ et dans les zones forestières clés en RDC, en soutenant la protection des droits humains et les investissements durables dans des activités de développement économique avec les communautés forestières sur base de leur consentement libre, préalable et éclairé en mettant un accent particulier sur les groupes marginalisés, notamment les peuples autochtones, les femmes et les jeunes. A ce stade, le projet a atteint des résultats encourageant dans huit (8) provinces de la RDC bénéficiant directement plus de 210 communautés locales et autochtones estimées à plus de 100.000 personnes.

Photo: Projet communautaire dans la province du Kongo Central

Parmi les résultats les plus importants, nous pouvons citer : (a) la contribution du projet au développement et signature de l’arrêté Ministériel 025 sur la mise en œuvre de la foresterie communautaire en RDC ; (b) le développement et la disponibilisation des quelques outils de mise œuvre de l’arrêté 025; (c) le développement et validation du guide méthodologique harmonisé du CLIP en RDC ; (d) la signature de l’Arrêté 026 sur le CLIP ; (e) le renforcement des capacités des communautés foresteries en droits humains, sur la REDD+, le changement climatiques et gouvernance forestière ; (f) le soutien apporté a la sécurisation des moyens de subsistance des communautés par le financement de quelques projets de développement au niveau local sur la base du CLIP des communautés – ces projets ont contribué tant soit peu à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration des conditions de vie des communautés bénéficiaires ; (g) le succès dans la sécurisation de quelques concessions des forets pour quelques communautés ; (h) la création des espaces politiques de discussions entre les communautés et les preneurs des décisions au niveau local, provincial et national ; etc. 

Vous aviez pris part au side event sur la REDD+ organisé en marge de la COP23 à Bonn (Allemagne) par la RDC. Quels sont les défis importants à relever pour assurer la participation effective de peuples autochtones et communautés locales à la mise en œuvre de la REDD+ en Afrique centrale ? 

La participation effective des communautés locales et peuples autochtones au processus REDD+ passe par la reconnaissance, la sécurisation et le respect des droits coutumiers fonciers de ces communautés sur leurs terres traditionnelles, en particulier, et le respect des droits humains en général dans la mise œuvre des initiatives. A ceci, il faut ajouter la nécessité de renforcement des capacités de toutes les parties prenantes, la réduction de la pauvreté en milieux rurales, l’identification des vrais moteurs de déforestation, la valorisation des connaissances et pratiques traditionnelles contribuant à la gestion durable des écosystèmes forestiers  et la promotion des approches basées sur les droits dans  le partage des bénéfices de la REDD+.

Selon vous, de quelle manière enfin les Etats du Bassin du Congo devraient s’engager à promouvoir le CLIP pour garantir la représentation et l’équité dans la gouvernance forestière ? 

Les Etats du bassin du Congo doivent promouvoir le CLIP en l’insérant dans leur arsenal juridique, ainsi que dans leurs instruments juridiques régionaux avec une force contraignante. La COMIFAC devrait, par exemple, exiger le respect du droit des communautés au CLIP dans toutes les politiques et initiatives régionales. Le CLIP devra être un principe clé dans le Plan de Convergence de la COMIFAC, enseignant ainsi par l’exemple à tous les autres partenaires locaux et internationaux intervenant dans la région. 

M. le Coordonnateur ; vous venez de prendre part à la COP23. A l’issue de cet événement climatique mondial, les uns disent que la COP23 à été un échec, par contre, un succès pour les autres. Etant qu’acteur du monde de l’environnement et participant, quelle lecture faites vous de cette cop23 ? 

Je crois qu’il est important pour tous les Etats de reconnaître d’abord que nous n’avons pas un plan B – que nous n’avons pas une planète de rechange – et que nous avons déjà atteint la ligne rouge – celle d’une augmentation de la température de presque 4 degrés Celsius a la surface de la terre. Les communautés les plus pauvres – dans les pays pauvres du monde – qui n’ont pas contribué au changement climatique autant que les pays développés – sont en train de payer le plus lourd prix des conséquences. Il faut donc des investissements conséquents dans l’adaptation et l’atténuation des effets du changement, ainsi qu’un basculement de tous vers l’économie verte – Et la COP 23 n’a pas pu répondre à ces demandes d’une manière effective et juste. Par contre, certains pays puissants et grands pollueurs comme les Etats-Unis, balbutient quant à leur responsabilité fournir le leadership exemplaire dont le monde entier a besoin aujourd’hui. La COP 23 s’est terminée sans des décisions claires, contraignantes et encourageantes quant à la mise en œuvre de l’accord de Paris. Les parties se sont données encore toute l’année 2018 pour des négociations jusqu’à l’aube de la COP24. La COP 23 n’a pas donné le signal fort que beaucoup d’entre nous attendaient. 

Depuis le lancement du Programme FPP, quels sont les efforts qui ont été consentis et que reste à faire ? 

Je suppose que vous faites allusion à notre programme en RDC. Dans ce cas, je dirai que la mise en œuvre des activités continue, mais beaucoup reste à faire pour assurer une REDD+ pro-pauvre et respectant les droits des communautés, notamment : la mise en place des reformes attendues dans les domaines fonciers et forestiers, des droits, de développement économique, etc. afin que la REDD+ réduise effectivement la déforestation et la dégradation des forêts, et contribue au développement socio-économiques des communautés forestières. Il y a un besoin énorme de canalisation des Fonds conséquents pour l’adaptation des communautés et l’appui des activités alternatives. 

Photo: Femmes et REDD dans la province d’Ituri

Un message en guise de conclusion à l’endroit des autorités, populations et partenaires 

Nous voudrions rappeler les autorités de leur responsabilité d’assurer le respect des droits humains de leurs citoyens, le besoin de collaboration de toutes les parties prenantes dans le respect des droits pour un monde meilleur. Les partenaires locaux et internationaux sont à encourager dans leurs efforts en même temps que nous les sensibilisons dans la considération des réalités et contextes locaux pour des initiatives durables. C’est ici pour nous l’occasion de remercier l’Agence Suédoise pour le Développement International (Sida) au travers de l’Ambassade de Suède a Kinshasa/RDC qui appui notre projet dans le pays.

Propos recueillis par Wilfrid LAWILLA

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