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Conservation

WWF : Approche holistique en vue de stopper le braconnage

Le braconnage et le commerce illégal de la faune constituent la menace la plus sérieuse qui pèse sur les populations animales en général et les espèces en voie d’extinction, à l’instar de l’éléphant et des grands singes en particulier. Ces dernières années, ces deux fléaux ont régulièrement meublé l’agenda national, régional et international au plus haut niveau, avec à la clé la prise d’un certain nombre d’initiatives, notamment l’adoption par l’Assemblée Générale des Nations Unies d’une Résolution sur le trafic illicite de la faune en Juillet 2015 et, pour ce qui concerne spécifiquement l’Afrique Centrale, l’adoption d’un Plan d’Action des Pays de l’Espace COMIFAC pour l’Application des Lois sur la Faune Sauvage (PAPECALF) par la COMIFAC en 2012 et d’un Plan d’Action Urgence de Lutte Anti-Braconnage (PAULAB) par la CEEAC en Avril 2015. Par ailleurs, l’on observe une multiplicité d’acteurs de diverses natures (Organisation Internationales, Organisations inter-gouvernementales, ONGs internationales, nationales et locales, entreprises du secteur privé, associations, leaders d’opinion etc.) qui gravitent autour des instances gouvernementales dans la lutte contre ce qui est désormais convenu d’appeler de façon englobante la criminalité faunique.

En dépit de tout cela, le braconnage ne cesse de s’intensifier dans la sous-région Afrique Centrale pour atteindre aujourd’hui un niveau des plus alarmants. L’on note, entre autres raisons pour expliquer cet état des choses, qu’en dépit du nombre sans cesse croissant de structures impliquées dans la lutte contre la criminalité faunique, certains aspects de ce phénomène ne sont pas encore couverts ou ne le sont pas suffisamment, parce que soit ils comportent trop de risques réputationnels, financiers, humains etc., ou bien du fait du manque de capacités humaines et matérielles au sein de ces structures. Au contraire, d’autres aspects de la lutte connus pour être faciles à couvrir font l’objet d’une compétition entre les acteurs et parfois d’une duplication des efforts. Tout ceci, conduit à produire un impact limité sur le terrain, d’où la courbe ascendante du braconnage observée de nos jours.

 

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de partenaires à la conservation ont développé en 2015 une approche holistique dénommée « zero poaching » (en français « zéro braconnage »). Contrairement à sa dénomination, cette approche ne vise pas nécessairement à atteindre un niveau zéro de braconnage, ce qui serait utopique. La cible « zéro » traduit simplement le caractère ambitieux de cette approche, laquelle vise davantage à inverser la courbe ascendante actuelle du braconnage pour le réduire à sa plus simple expression. Concrètement, un site atteint un niveau dit de braconnage zéro lorsqu’il n’y a aucun impact perceptible du braconnage sur les espèces dans ce site pouvant affecter le maintien de leurs populations.

L’approche braconnage zéro se compose d’une boîte à outils et d’un outil de suivi-évaluation, tous les deux assis sur un socle constitué de six piliers à savoir :

  • Evaluation : qui consiste à conduire une évaluation régulière de l’effectivité des activités d’application de la loi pour une gestion adaptative des sites de conservation;
  • Technologie : qui consiste à adopter des technologies de pointe les plus abordables et utiles dans la lutte anti-braconnage ;
  • Capacité : qui consiste à augmenter la capacité et la motivation des personnels engagés dans la lutte anti-braconnage sur le terrain pour une meilleure protection de la faune ;
  • Communauté : qui consiste à améliorer l’implication des communautés dans les efforts de protection ;
  • Poursuites judiciaires : qui consiste à renforcer les efforts en matière de poursuites afin d’aboutir à des condamnations exemplaires ;
  • Coopération : qui consiste à partager les informations aux niveaux national et régional afin d’augmenter et d’améliorer les actions coordonnées.

Le processus d’adoption de l’approche comprend cinq étapes clés à savoir :

  • étape 1 : les pays s’engagent à adopter l’approche et désignent des sites et des espèces pilotes ;
  • étape 2 : un groupe de collaboration est mis sur pied à l’initiative du gouvernement, composé des agences gouvernementales et des différents partenaires compétents dans la lutte anti-braconnage au niveau du pays ou du site pilote désigné ;
  • étape 3 : les agences gouvernementales et les différents partenaires à la conservation composant le groupe de collaboration procèdent à une évaluation préalable de la lutte anti-braconnage sur la base des six piliers de la boîte à outils, à l’issue duquel un plan d’action national « zéro braconnage » est élaboré. Ce plan d’action devra être composé des actions prioritaires à mettre en œuvre pour parvenir à une approche « zéro braconnage », ainsi que les principaux responsables de cette mise en œuvre. L’idée est de parvenir à une meilleure répartition du partenariat et de la collaboration dans la lutte anti-braconnage afin que tous les six piliers soient pris en compte simultanément. Le plan d’action national doit autant que faire se peut être aligné sur des stratégies et plans d’action de conservation et de mise en application de la loi existant déjà ;
  • étape 4 : des financements adéquats sont levés pour la mise en œuvre du plan d’action national ;
  • étape 5 : un système de suivi-évaluation robuste est mis en place afin d’évaluer les progrès du processus d’adoption de l’approche « zéro braconnage ». Ceci permettra d’éviter certaines erreurs du passé où des financements ont été mobilisés pour la mise en œuvre de plans d’action sans être accompagnés d’un suivi-évaluation approprié.

A ce jour, une trentaine de partenaires de la conservation à l’instar de WWF ont marqué leur appui à l’approche « zéro braconnage », laquelle a d’ores et déjà été adoptée avec succès en Asie (au Népal et plus récemment au Bhoutan). WWF n’est qu’un des partenaires de l’approche, car il est important que ceci devienne une opportunité de collaboration réelle et plus efficace des différentes structures qui appuient le gouvernement dans la lutte anti-braconnage, et non pas l’initiative d’une seule ONG. Néanmoins, WWF envisage de faciliter l’introduction et l’adoption de l’approche « zéro braconnage » en Afrique Centrale. Des discussions ont d’ores et déjà été engagées avec la COMIFAC dans ce sens, et l’approche a été présentée notamment au sous-groupe de travail aires protégées et faune sauvage (SGTAPFS) ainsi que lors de la récente Réunion du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC) en Novembre dernier à Kigali. Elles vont se poursuivre et s’intensifier dès le début de 2017 au niveau des pays avec les gouvernements  et les différents partenaires.

 

Par Alain Ononino. Head of Policy Wildlife crime.

aononino@wwfafrica.org>tel:237 696441381

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