Pourquoi le Cameroun est-il le troisième pays d’Afrique subsaharienne le plus touché par le Covid-19 ? L’épidémiologiste Yap Boum II décrypte la situation.
Enseignant la microbiologie dans les facultés de Yaoundé et de Douala et à l’université de Virginie (États-Unis) et directeur d’Épicentre Afrique, le centre de recherche de Médecins sans frontières à Yaoundé, le professeur Yap Boum II est en première ligne depuis le début de la pandémie de coronavirus.
Alors que le gouvernement camerounais a récemment assoupli les mesures restrictives de lutte contre l’épidémie, rouvrant notamment les bars après 18 heures et levant les limitations sur le nombre de passagers dans les transports en commun, cet épidémiologiste pointe du doigt une certaine négligence de la part de la population.
Jeune Afrique : Actuellement, le Cameroun est le deuxième pays d’Afrique centrale qui enregistre le plus de décès dus au Covid-19, le troisième pour toute l’Afrique subsaharienne. Quel est exactement le nombre de cas confirmés, et dans quelles régions du pays ?
Yap Boum II : Au moment où nous parlons, nous enregistrons plus de 2 000 cas de Covid-19 confirmés par tests en laboratoire. Les dix régions du pays sont touchées par cette pandémie. Celles du Centre, qui incluent Yaoundé, la capitale politique, et celles du Littoral, avec Douala, la capitale économique, sont les plus touchées, suivies de la région de l’Ouest
D’après vous, pourquoi le Cameroun fait-il partie des pays les plus touchés par le virus ?
Deux facteurs majeurs jouent un rôle prépondérant dans l’évolution de la pandémie dans un pays. Tout d’abord, le nombre de cas importés. Avant la fermeture des frontières camerounaises, près de 2 000 personnes arrivaient chaque jour dans le pays, dont une majorité à Douala. Cet important afflux de voyageurs en provenance d’Europe, épicentre du Covid-19 à ce moment-là, a favorisé l’émergence du virus au Cameroun.
Le second facteur est la mise en place de mesures pour contrôler la pandémie une fois qu’elle est installée sur le territoire, et surtout le respect de ces mesures. Malgré la distanciation sociale et le confinement des personnes en provenance d’Europe, nous avons observé un manque de discipline inexplicable.
Des prostituées ont même été retrouvées dans des hôtels réservés aux personnes de retour d’Europe, supposées être en quarantaine. Et certains ont fui les lieux de confinement et ont ainsi pu transmettre le virus.
Quelles mesures le gouvernement a-t-il mis en place afin de détecter les cas de Covid-19 ?
En plus des vingt mesures barrières prises par le gouvernement camerounais, la décision la plus importante à mon avis est celle qui émane du ministère de la Santé publique et du Centre des opérations d’urgences de santé publique (COUSP) visant à décentraliser la réponse au Covid-19.