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Santé

Coronavirus : lundi noir pour l’économie sud-africaine

Publié le 17/03/2020  Le Point.fr

La Bourse de Johannesburg a plongé de 12 % : une débâcle alors que l’économie sud-africaine, déjà malade, doit faire face à l’épidémie de coronavirus.

C’est le pire scénario pour les autorités sud-africaines. Lundi, la Bourse de Johannesburg s’est effondrée de 12 % au lendemain de l’annonce des restrictions imposées par le gouvernement pour enrayer la pandémie du nouveau coronavirus sur son territoire. En effet, dimanche, le président Cyril Ramaphosa a annoncé la fermeture des frontières aux citoyens des pays les plus touchés par le virus Covid-19, celle des écoles à partir de mercredi et l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes. Cette décision est tombée après que le pays a connu une hausse du nombre de cas confirmés. À ce jour, 62 cas de Covid-19 ont été enregistrés, ce qui fait de l’Afrique du Sud le pays le plus touché sur le continent après l’Égypte. Aucun décès n’a été constaté. Mais, depuis le début de la crise du coronavirus, les marchés font preuve d’une extrême volatilité dans le monde entier.

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La Bourse de Johannesburg plonge

Concrètement, l’Afrique du Sud n’est pas loin de la catastrophe. La nation la plus industrialisée du continent africain est engluée depuis 2008 dans une crise qui se traduit par une croissance molle, la détérioration de ses finances publiques, le chômage de masse (29,1 %) et des pannes d’électricité à répétition. « Nous traversons une période que nous n’avons jamais connue » depuis l’avènement de la démocratie en Afrique du Sud en 1994, a déclaré lundi Cyril Ramaphosa. La pandémie « va avoir un impact négatif sur notre économie », a-t-il ajouté devant la presse. « Nous allons manquer de certains produits, mais heureusement nous sommes un pays qui produit de la nourriture en grandes quantités. »

Conséquence, lundi 16 mars, la Bourse de Johannesburg a perdu 12 % à la clôture, passant sous la barre des 38 784 points, son plus bas niveau depuis août 2013. La devise nationale a reculé de 2,2 % face au dollar, à 16,64 rands pour un billet vert. De nombreuses grandes sociétés sud-africaines ont perdu des milliards de valeurs. C’est le cas de la compagnie d’assurance Old Mutual qui a chuté de 16 % après l’annonce de ces résultats. Même tendance chez FirstRand, en baisse de 10 %. Les autres grands perdants sont MTN (12 %) et Sasol (- 12 %).

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Un secteur minier fortement dépendant de la Chine

Pour Nicky Weimar, analyste à la banque Nedbank cité par l’Agence France-Presse, l’économie et les marchés sud-africains sont frappés par « une demande faible (localement et internationalement), une inflation contenue, un rand volatile et un environnement global incertain en raison du coronavirus ». L’épidémie ne pouvait plus mal tomber pour le pays, qui a replongé dans la récession au dernier trimestre de 2019. Sitôt confirmée l’ampleur de la crise sanitaire mondiale partie de Chine, les clignotants des groupes miniers qui opèrent dans la première puissance industrielle du continent sont tous passés de l’orange au rouge. Et pour cause. « Les ventes de fer, de manganèse et de chrome représentent en valeur les deux tiers des exportations totales de l’Afrique du Sud vers la Chine », a résumé dans une récente note de Strategy &, une filiale du cabinet d’audit Price Waterhouse Cooper. Le marché chinois absorbe chaque mois « 8,5 à 9 milliards de rands (plus de 450 millions d’euros) de métaux sud-africains », détaille à l’AFP l’économiste Tafadzwa Chibanguza. « Un recul de la croissance de l’économie chinoise et de la production de métaux réduira la demande de matières premières » sud-africaines, a souligné Strategy &. De l’avis des analystes, ce scénario a déjà commencé à se réaliser. Le Fonds monétaire international (FMI) estime que le coronavirus va coûter un point de croissance à la Chine cette année (6,1 % en 2019) et ralentir d’autant, dans la foulée, l’ensemble de l’économie mondiale.

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Pour l’Afrique du Sud, le chiffre du produit intérieur brut (PIB) n’a augmenté que de 0,2 %, sa plus faible progression depuis la tempête financière mondiale de 2008. Le déclin du secteur minier, jadis l’un des principaux pourvoyeurs de richesses de l’Afrique du Sud, en est l’un des symptômes. Victime des variations des cours des matières premières et de la hausse des coûts de production, il voit ses effectifs – 450 000 salariés aujourd’hui – fondre chaque année. « Si le ralentissement chinois se confirme ou s’aggrave, le secteur minier sud-africain va subir des pertes significatives qui toucheront aussi bien les salariés que les entreprises », a d’ores et déjà averti la firme Trade and Industrial Policy Strategies.

Le tourisme, l’autre victime du coronavirus

Et, comme un malheur n’arrive jamais seul, d’autres pans essentiels de l’économie devraient eux aussi subir de plein fouet l’impact du coronavirus. À commencer par le tourisme. Selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme, le secteur contribue directement et indirectement à 10 % du PIB sud-africain et a rapporté en 2018 au pays 139 milliards de rands (7,5 milliards euros). Les Chinois arrivent ainsi au 7e rang des visiteurs étrangers qui débarquent chaque année dans les villes ou les parcs naturels sud-africains. Ils étaient 97 000 en 2018.

Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact des confinements massifs et des restrictions de déplacements imposés à ses ressortissants par Pékin. Strategy & rappelle que l’épidémie de fièvre porcine de 2009 avait causé un recul de 15 % du nombre de touristes chinois en Afrique du Sud. Un recul équivalent pour cause de nouveau coronavirus se traduirait par une perte évaluée à 11 millions d’euros pour l’industrie touristique locale. « Notre industrie du tourisme a déjà subi de lourdes pertes », a constaté cette semaine devant la presse la ministre en charge du secteur, Mmamoloko Kubayi-Ngubane. « Sans aucun doute, ces pertes vont encore s’accroître », a-t-elle ajouté. En décrétant dimanche soir l’état d’urgence pour cause d’épidémie, le président Ramaphosa n’a pas caché son inquiétude. « Il est clair qu’aucun pays n’est immunisé contre la maladie ni ne sera épargné par ses graves conséquences », a-t-il souligné.

Comment va réagir Moody’s ?

Pour Sifiso Skenjana, analyste financier, il ne faudra pas attendre bien longtemps avant que Moody’s ne dégrade la note de l’Afrique du Sud. Selon ses analyses, il y a un troisième facteur à prendre en compte qui est celui du sentiment des investisseurs. Vu la conjoncture, ces derniers seront forcément tentés d’aller vers des valeurs refuges comme le dollar américain et l’or. « Une devise plus faible signifie que nous importerons des marchandises à des prix plus élevés. L’impact est significatif, étant donné que nos importations de biens et services en pourcentage du PIB se situent à 29,6 %, selon les solutions commerciales mondiales intégrées (WITS) de la Banque mondiale. Cela aura des implications inflationnistes qui rendront difficile pour la Banque de réserve sud-africaine de continuer à appliquer une politique monétaire accommodante », explique l’expert. Dans cette situation et à cette allure, le pays ne disposera d’aucun levier pour rebondir. D’où l’appel des experts à présenter un plan budgétaire révisé intégrant la dégradation de ses notes d’ici à la fin du mois de mars.

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