Le FIPAC 3 a fermé ses portes le 7 mars 2014. Il a été une réelle plate-forme de concertation et d’échanges autour de la promotion des savoir-faire traditionnels sous le thème « Populations autochtones, Savoir-faire Traditionnels et Economie Verte en Afrique Centrale ». Faisons un Zoom sur les impressions et le regard d’expert de l’une des personnes qui a marqué cette troisième édition du FIPAC : Honoré TABUNA, décoré lors de cette cérémonie de transfert de l’organisation du FIPAC 3 au Secrétariat général de la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC), par S.E. Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo.
Winnie Kitio : M. TABUNA, le FIPAC III vient de s’achever. Quelle est sa plus-value ?
Honoré Tabuna. : La plus-value du FIPAC III réside dans le fait qu’il est la seule plateforme en Afrique et en Afrique Centrale où l’on discute des questions des populations autochtones et locales et de leurs savoir-faire sur le plan politique, économique, juridique et institutionnel en lien avec la valorisation des ressources naturelles.
Le Ministre Henri DJOMBO de l’Economie Forestière et du Développement Durable de la République du Congo, parle du « carrefour des savoirs ». Selon vous, de quels savoirs s’agit-il ? Quel lien faites-vous, en tant que expert, entre « Savoir-faire traditionnels » et « Economie Verte » ?
Il s’agit des savoir-faire traditionnels des populations autochtones et locales au service de la valorisation des ressources naturelles biologiques et non biologiques. Les savoir-faire traditionnels sont des connaissances à utiliser pour développer l’économie des plantes utiles de l’amont jusqu’à l’aval. A titre d’exemple, nous pouvons citer le cas de l’économie des plantes médicinales, des plantes cosmétiques et des plantes spontanées alimentaires.
Après la promotion de la valeur socio-culturelle des savoir-faire traditionnels en matière d’environnement sur laquelle se sont appesanties les précédentes éditions, le FIPAC III se lance sur la promotion économique de ces savoir-faire. Qu’entend-t-on par économie des savoir-faire traditionnels et qu’est-ce qui a motivé le choix de ce thème ?
L’économie des savoir-faire traditionnels recouvre l’ensemble des activités économiques directes et indirectes visant à donner de la valeur économique et marchande aux connaissances traditionnelles des populations pour parvenir à :
- l’amélioration des conditions de vie des populations ;
- la création d’emplois dans les zones rurales et dans les villes ;
- la valorisation des ressources naturelles biologiques et non biologiques ;
- le développement des entreprises ;
- la diversification de l’économie des Etats.
Ce qui a motivé le choix de ce thème est le mandat de la CEEAC qui consiste à contribuer au développement économique de la sous-région. Il se trouve que le Secrétariat de la CEEAC a initié depuis 2010 le processus de mise en œuvre du Système de l’Economie Verte en Afrique Centrale approuvé par les Etats en mai 2012 à Brazzaville. Pour opérationnaliser ce système, les Etats ont adopté plusieurs programmes sectoriels dont le programme de développement de l’économie des produits forestiers non ligneux. Et comme vous le savez, les produits forestiers non ligneux ou produits autres que le bois d’œuvre sont utilisés depuis plusieurs décennies par les populations autochtones et locales à plusieurs fins grâce aux savoir-faire traditionnels transmis de génération en génération. Malheureusement, la valeur de ces savoir-faire au service de la valorisation de la biodiversité, un segment de l’économie verte, n’a jamais été développée. Ce thème a été choisi pour combler cette lacune.
De quelle façon le Forum a-t-il mis en valeur les savoir-faire traditionnels des populations présentes et qu’est-ce que les experts en ont appris ?
Les experts ont appris que l’économie des savoir-faire traditionnels est un segment de l’économie de la connaissance très développé dans les pays industrialisés et dans les pays émergents où elle contribue à hauteur dans les PIB de ces Etats. A ce titre, l’économie des savoir-faire traditionnels doit être développée pour qu’elle contribue à l’amélioration des conditions de vie des populations autochtones qui en sont les principaux détenteurs.
Nous savons que les populations autochtones vivent en symbiose avec les forêts, dont ils en sont les réels protecteurs. Quelle initiative est entreprise par le FIPAC III en direction de ces populations pour promouvoir leur action quotidienne, qui semble souvent passer inaperçue ?
Pour promouvoir les actions des autochtones, la CEEAC a défini une vision du FIPAC. Ce forum constitue pour le Secrétariat de la CEEAC un outil au service du développement de l’économie des savoir-faire traditionnels et celui des métiers liés à l’économie verte dans lesquels les populations autochtones ont un rôle important à jouer. Parmi ces métiers sous exploités, on peut citer le métier de guide éco touristique, celui d’aide à la reconnaissance des plantes, de leurs noms vernaculaires et de leur utilisation.
Ces populations qui sont les premières impliquées dans la gestion non durable des forêts doivent cohabiter avec les entreprises d’exploitation forestière. Quel peut être l’apport de ces entreprises dans ce processus de valorisation des savoir-faire traditionnels ?
Les entreprises vont contribuer au développement de l’économie des savoir-faire traditionnels en apportant leur appui financier à la mise en œuvre des programmes sectoriels de l’économie des savoir-faire traditionnels.
Le gouvernement congolais vient de transférer officiellement la gestion du site et l’organisation du FIPAC à la CEEAC. Quels sont les enjeux de ce transfert pour la CEEAC ?
La CEEAC va développer un plan d’action à court, moyen et long terme pour parvenir au développement et à la promotion du FIPAC pour qu’il contribue réellement au développement de l’économie des savoir-faire traditionnels. Une étude de faisabilité va être lancée très prochainement pour bien définir ce que la CEEAC compte faire.
Le FIPAC 3 a connu la présence de trois chefs d’Etats. Quel aura été leur impact dans cet événement et quelles sont les autres institutions qui ont été impliquées dans l’organisation de ce forum ?
La présence des Chefs d’Etat a donné une dimension politique de haut niveau à l’évènement et a démontré le soutien politique de haut niveau des questions autochtones et de l’économie des savoir-faire traditionnels. Pour ce qui est de l’organisation, quatre acteurs étaient impliqués dans l’organisation de la 3ème édition du FIPAC à savoir le Gouvernement du Congo, la CEEAC, la COMIFAC et le REPALEAC. La Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) avait pour rôle d’assurer la modération générale du Forum et faire la promotion de l’évènement auprès des Partenaires Techniques et Financiers intéressés par les questions liées aux populations autochtones et aux savoir-faire traditionnels au service de la valorisation de la biodiversité. Le Réseau des Populations Autochtones et Locales pour la Gestion des Ecosystèmes Forestiers d’Afrique Centrale (REPALEAC) avait pour mission de sensibiliser et d’encadrer les délégations des populations autochtones invitées. Le REPALEAC a assuré le rôle de rapporteur général du Forum.
Propos recueillis par Winnie Kitio