Vignobles à couper le souffle, réserves animalières, plages de sable fin et richesses culturelles : L’Afrique du Sud aurait pu profiter d’un boom touristique post-Covid. Mais les scènes d’émeutes cette semaine ont touché cet espoir, plombant davantage ce secteur en difficulté. Toutes les réservations prévues cette semaine au lodge Umzolozolo, hôtel de luxe proposant des safaris privés, ont sauté. D’ordinaire, les visiteurs sud-africains et avant cela du monde entier, y paressent sur des chaises longues en bord de piscine, surplombant les plaines vallonnées de la réserve Nambiti, dans l’espoir d’apercevoir lions, éléphants ou rhinocéros.
Mais ce paradis exotique est situé du côté de Ladysmith en pays zoulou (Est), épicentre des convulsions. « On commençait tout juste à reprendre du poil de la bête », confie Tracey Hellerle, précisant que l’impact de la pandémie l’a obligée à licencier du personnel. Les clients ont annulé parce qu’en raison des violences « la route nationale d’accès ressemblait à une zone de guerre » et ils « étaient terrifiés à l’idée de prendre leur voiture pour venir ». Le tourisme, pilier de l’économie sud-africaine déjà fragilisée par la pandémie, représentait 7% du PIB et employait 760.000 personnes en 2019, selon les chiffres officiels.
A Clarens, pittoresque ville nichée au pied des monts Maluti où les citadins de Johannesburg comme Durban aiment passer le week-end, le propriétaire d’une chambre d’hôtes, Heinrich Pelser, craint que les étrangers restent durablement choqués par les troubles. « Les Canadiens et les Américains ne reviendront pas de sitôt », estime-t-il. Depuis le début des troubles, il a accueilli seulement quelques automobilistes fuyant le port de Durban, en proie aux violences, et un homme venu apporter à manger à sa mère.
Vandalisme et fake news
Dans le cadre des restrictions imposées fin juin pour limiter une troisième vague meurtrière de Covid, la vente d’alcool est interdite dans tout le pays, un coup dur pour Clarens, connue pour ses microbrasseries, et pour la province la région du Cap, réputée pour ses vignobles. « Ce n’est pas la peine de venir ici si l’on ne peut pas déguster de vin ou de bières », relève M. Pelser, qui emploie six salariés. Autre frein pour le tourisme dans la région côtière de Durban, sur l’océan Indien, plusieurs plages généralement très fréquentées ont été fermées par peur de contaminations après des incendies criminels de sites industriels. Depuis le début des pillages et violences le 9 juillet, 212 personnes ont été tuées, dont 180 dans la province du Kwazulu-Natal (KZN, Est).
Ces troubles ont été « dévastateurs », affirme Zanele Khomo, responsable du développement à la CCI de Durban. « Cela va vraiment nous affecter sur le plan économique, et touristique ». Les images de destructions gratuites et de vandalisme ont fait le tour du monde, tout comme de fausses nouvelles, aux effets ravageurs, annonçant une guerre civile dans le pays ou des attaques contre des sites touristiques. « Une chose qui nous caractérise, en Afrique du Sud, c’est notre capacité à nous relever », assure Mme Khomo, précisant que les entrepreneurs de sa région discutent avec les autorités locales d’un plan de redressement.
Les visiteurs du front de mer de Durban, habituellement très fréquenté, commencent à revenir, note-t-elle. Mais « nous avons besoin que le gouvernement nous fournisse plus de sécurité parce que, même si nous avons franchi le plus gros (des émeutes), nous avons toujours peur ». Une fois la tempête passée, « l’Afrique du Sud reste très populaire, donc les visiteurs reviendront », veut croire Mme Hellerle, en soulignant que certains lodges dans le KZN n’ont pas vu un seul client depuis mars 2020. « Il faut espérer et prier. »
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