Analyse. Les trois quarts de la production mondiale de plastique sont des déchets en puissance. Des solutions existent, mais la législation est encore balbutiante. Entretien avec Arnaud Gauffier, directeur des programmes Agriculture et Alimentation chez WWF. Cet article est à retrouver dans le supplément La Mer notre avenir, qui parait le mardi 24 mars, dans notre journal et dans nos éditions numériques.
Comment fabrique-t-on du plastique ?
À base de pétrole. C’est l’un des résidus issus du raffinage, qu’on appelle le naphta. Par une opération de transformation – le craquage -, on obtient des cellules, les monomères. On peut les combiner pour faire des polymères, différents types de plastiques. Les premiers sont apparus au début du XXe siècle. On en fabrique de façon massive depuis les années 1950-1960, au début des Trente glorieuses. Cela correspondait bien à la nouvelle consommation de masse.
par an. Et cela continue de croître, de façon assez vertigineuse : on aura une augmentation de plus de 40 % d’ici 2030. Avec une projection à 550 millions de tonnes.
Quels sont les grands secteurs qui utilisent du plastique ?C’est surtout l’emballage, très loin devant, avec 40 % de la production mondiale. L’utilisation de plastique a aussi augmenté dans des domaines que l’on oublie souvent : l’automobile pour alléger le poids des véhicules ; l’agriculture pour les serres et les bâches ; la santé avec le matériel jetable dans les hôpitaux, ou l’électronique.
Comment ce plastique se retrouve-t-il dans les océans ?Il faut d’abord comprendre que 75 % des plastiques sont, dès la conception, destinés à être un déchet, après quelques secondes d’utilisation. Comme l’emballage d’une barre de céréales que l’on jette. Or, nous avons encore de nombreux pays, en Afrique et en Asie, où le recyclage et la collecte n’existent même pas, faute d’infrastructures, d’argent public. Au mieux, le plastique est brûlé à proximité des villages… Au pire, tout part dans la nature. On estime qu’un tiers des déchets plastique – plus de cent millions de tonnes par an – finit dans les océans, via les rivières. La France est plutôt mauvaise élève avec 22 % de recyclage seulement.
Arnaud Gauffier, ingénieur agronome, directeur des programmes Agriculture et Alimentation chez WWF. | DR
Qu’engendre une mauvaise gestion des déchets ?Les macroplastiques causent des dommages directs. Les animaux ingèrent des sacs, s’étouffent. L’autre problème vient des microplastiques. Ils proviennent des fibres polyester des vêtements, arrachés par les machines à laver, ou de la dégradation des emballages. Ils s’accumulent dans le tissu graisseux des animaux. La pollution est généralisée, de la fosse des Marianne à la Méditerranée, la mer plus polluée au monde, en densité de microplastiques.
Peut-on se passer du plastique ?Ce n’est pas possible, pour tous les usages. Mais pour l’emballage, des familles ont réussi à bannir le plastique dans leur alimentation, les cosmétiques. Le plastique biosourcé, issu du végétal, peut être une solution pour les usages considérés comme irremplaçables. Il n’est certainement pas « La » solution : cela puiserait trop sur les forêts, les terres agricoles, déjà sollicitées par ailleurs.
Que préconisent les ONG comme WWF ?Une baisse des volumes, des unités de futurs déchets mis sur le marché. Nous demandons une mesure très simple : des bouteilles de même format pour rendre la consigne efficace. Il faut aussi viser 100 % de plastiques recyclés et surtout 100 % de matières recyclables.