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Interview AEP

Monsieur Anada TIEGA, Secrétaire général de la Convention Ramsar

COP11 DE LA CONVENTION DE RAMSAR

Quelques mois après la rencontre de la Cop 11, tenue à Bucarest  en Roumanie, en juillet 2012, le Secrétaire général de la Convention Ramsar,  Anada TIEGA,  dresse  le bilan de ces assises.

 

AEP : Quel bilan dressez-vous du déroulement de la dernière cop 11 de la convention Ramsar?

Anada TIEGA : Le bilan est globalement positif, quoique la résolution relative aux zones humides et les changements climatiques ait suscité discussions et réticences. Les zones humides jouent un rôle important dans l’adaptation et la réduction des effets des changements climatiques, Il nous appartient de le faire comprendre aux pays ignorants. La résolution a été finalement adoptée. Sa  mise en œuvre se fera à travers un partenariat avec tous ceux qui interviennent en utilisant les zones humide ou en ayant un effet négatif ou positif. Cela est très capital,  d’autant plus qu’on commence à comprendre ce rôle joué par les zones humides.  Les eaux intérieures sont menacées à cause  de la sécheresse.  Les  zones côtières et marines, toutes aussi importantes pour le stockage du carbone. Ces zones ont stocké du carbone au niveau des mangroves, des estuaires, et des récifs coralliens. Et quand on les dégrade, on libère ce carbone et contribue au réchauffement climatique. La banque mondiale et d’autres organisations travaillent dans ce sens. Nous travaillons aussi à ce qu’une résolution sur  l’énergie soit adoptée, cela regroupe beaucoup d’aspects y compris les industries extractives dont vous savez qu’elles sont très puissantes et influentes économiquement et financièrement. Nous ne pouvons pas nous opposer à eux, nous devons en faire des partenaires, et, ensemble voir,  comment on peut exploiter sans accroitre les effets négatifs sur l’eau. Il est question de voir aussi, au niveau des recherches sur l’énergie,  comment gérer les zones humides à l’échelle des bassins.

Les questions de zones humides et d’urbanisation ont été traitées ensemble.  On  ne peut arrêter l’exode massif, mais on peut toutefois le gérer avec les principes que nous avons adoptés. Il faut voir comment intégrer la question des zones humides dans l’urbanisation puisque ces zones font partie de l’espace urbain. La ville de New York l’a compris en intégrant la question des zones humides dans l’urbanisation faisant du bassin versant une partie intégrée à l’espace urbain que gère la ville de sorte que toutes les activités s’y produisent sans dégrader la qualité de l’eau. Cette gestion de la nature qui permet d’obtenir l’épuration des eaux et sa fourniture en quantité et qualité suffisante est nettement moins chère que l’épuration  avec des engrais, pesticides. Malgré la démonstration, beaucoup de villes ne s’y mettent pas, et on se demande pourquoi. Donc, il faut une certaine éducation, un programme de prise de conscience  est en train d’être mis en place avec ITLEY,  qui est une sorte d’organisation, qui intègre les pouvoirs locaux, les mairies, tous les gouvernements locaux, afin de faire une urbanisation durable. Nous travaillons aussi avec UN-HABITAT, qui est un organisme des Nations Unies qui s’occupe des établissements humains et qui s’intéresse à l’eau. Nous  avons développé un programme pilote qui va commencer en Afrique de l’ouest. Nous espérons que cela aidera à démontrer que l’intégration des zones humides dans l’urbanisation est faisable. Cela pourra nous permettre  de bien gérer les déchets qu’ils soient liquides ou solides pour qu’ils n’aillent pas dans les circuits fluviaux ou les nappes phréatiques. C’est un travail de partenariat, et nous devons travailler tous ensemble avec les gouvernements locaux mais aussi avec le niveau central parce que nous aurons besoin d’un cadre législatif qui permettra de définir des orientations, priorités sur la base desquelles nous pourrons travailler. Puis envisager après le problème sur le plan international, puisque nous faisons la promotion des  zones humides à l’échelle des bassins parce que c’est le seul moyen d’intégrer les intérêts de ceux qui se situent en amont et en aval de ces zones humides. C’est pour cela que la convention est bâtie sur trois piliers essentiels: la conservation et l’utilisation durable des zones humides, la reconnaissance de zones humides internationales pour celles qui jouent un rôle d’importance internationale dans la réduction des effets des changements climatiques et la conservation de la biodiversité, la coopération internationale.

Zones humide et tourisme : Sur le plan touristique, les zones côtières, les plages des zones humides sont un atout indiscutable. Les zones humides qui bordent les aires protégées, les parcs nationaux et les réserves nationales sont vitales à leur survie. Ainsi pour mieux gérer ces zones, nous avons signé un mémorandum de coopération avec l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), un système de coopération a été mis en place pour que nous travaillons, non seulement avec l’OMT au niveau mondial, mais surtout pour qu’au niveau national, ceux qui s’occupent du tourisme soient en rapport avec ceux qui sont chargés de la faune, des zones humides et de la pêche pour faire du tourisme durable. La Namibie l’a compris,  elle a mis en place un système qui permet de cibler les zones qui intéressent les touristes et a  prévu des zones humides en milieu désertique pour permettre à la faune de s’y développer. Ce système implique que les compagnies touristiques travaillent en synergie avec les communautés locales, donc il y a un partage de responsabilités de telle manière que chacun fait son travail et les bénéfices sont partagés. Cela génère des emplois au profit des communautés locales qui ne demandent que cela. L’exemple namibien démontre combien la conservation des zones humides peut participer au développement socio-économique. En faisant de ces zones des priorités nationales, elles contribuent à l’approvisionnement en eau, la sécurité alimentaire et à la  santé humaine. A Bucarest, on a aussi parlé des zones h et la santé, et une publication conjointe a été faite pour montrer le lien étroit  entre zones humides et  santé humaine. Si les zones humides sont saines et productives, la santé est protégée ; à contrario, cette dernière en prendra un coup. Nous voulons développer un partenariat réel  basé sur les zones humides en faisant d’elles un atout majeur pour le développement socio-économique, qui réponde à la sécheresse, aux inondations, qui sont inévitables, mais qui peuvent être gérées grâce à la maîtrise des zones humides.

A.EP : Ramsar a du mal à s’étendre sur le plan communicationnel et financier. Dans le cadre des fonds de fonctionnement autonome, quelles sont les mesures qui ont été prises à l’issue de cette conférence ?

 

Anada TIEGA : La question du financement est très importante. Mais nous avons tout d’abord voulu démontrer combien la conservation  des zones humides est d’une haute importance avant d’envisager la question du financement. Parce  que sans démonstration pertinente, il n’y a pas de financement possible. Nous travaillons sur une nouvelle vision, stratégie qui fait que nous mettons en avant la question de l’eau, à travers les zones humides. Quand nous parlons des zones humides, on n’est pas compris; mais quand on parle de l’eau, les gens comprennent mieux. Quant au rôle joué par les zones humides, lui, il est peut être compris plus tard, l’essentiel c’est d’abord l’eau en tant qu’élément indispensable à la vie, et comme les zones humides sont pourvoyeurs d’eau, naturellement, on ne saurait  dissocier la question de l’eau de celle des zones humides. C’est cette vision que nous voulons promouvoir, parce qu’au début les gens se focalisaient sur le rôle des zones humides par rapport à la faune. C’est vrai qu’il n’y a pas de faune sans zones humides, mais cela est aussi vrai pour l’humanité, pour toutes les activités, pêche, agriculture, industrie. Les zones humides sont des infrastructures naturelles qui ont été mises à notre disposition pour gérer l’eau, mais en plus des zones humides que sont nos fleuves, nos eaux intérieures, il y a les  zones côtières et marines, les barrages, les zones d’irrigation dont Ramsar s’occupe. Il y a une résolution sur l’agriculture, sur le riz spécialement parce qu’il nourrit près de 2 à 3 milliards de personnes dans le monde. Cette  denrée ne croît que dans les zones humides,  donc nous travaillons pour que l’agriculture s’occupe aussi de la gestion des zones humides. C’est par cette stratégie que nous comptons faire comprendre aux pays qu’ils ont intérêt à investir dans les zones humides et nous développons de plus en plus une approche programme à partir de laquelle chaque pays va faire l’inventaire de ses zones humides. La question du financement, nous voulons l’envisager d’abord au niveau national, c’est-à-dire que  chaque pays devrait pouvoir investir pour gérer ses zones humides. Et pour y arriver, il faut,  préalablement,  faire l’inventaire des zones humides pour savoir quels sont les types de zones humides qu’il y a, et quel rôle joue chacun d’eux. Une fois que les pays l’auront fait, ils concevront et disposeront de politique, la législation en matière de zones humides, qui devront encadrer tous secteurs intéressant les zones humides, minier, agricole, touristique, et même  la question du développement urbain. Il s’agit d’une politique multisectorielle qui prend en compte les intérêts de tous les secteurs et qui,  en retour,  va permettre à ces derniers d’intégrer les zones humides dans ce qu’ils font. Ces efforts nationaux une fois fournis, il va de soi qu’au plan international, l’élan se poursuivra. Aujourd’hui, il faut dire que les financements sont décentralisés, c’est-à-dire que les fonds sont alloués par pays, par exemple le Fonds mondial pour l’environnement qui normalement est un fonds global. Mais pour accéder  à ces fonds, il faut d’abord faire de ces préoccupations des priorités nationales, que le pouvoir central s’engage à investir.

AF : Quelle est la place des ONG au regard du rôle de relais, d’intermédiaire qu’elles jouent ?

A .T : Elles sont d’une grande importance d’autant plus qu’on leur doit la naissance de Ramsar. Elles abattent un important travail de terrain et sont les partenaires officielles de Ramsar. On  peut en compter 5, notamment,   UICN, FMN, UNI, water international et tant  d’autres comme la CI, la TNT désirent aussi se voir attribuer le statut de partenaires officiels. Nous travaillons également avec les ONG locales et nationales, qui nous   aident à gérer les sites Ramsar.

Propos recueillis par Raoul SIEMENI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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