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Interview AEP

Monsieur Henri Djombo,  Ministre de l’économie forestière et du développement durable du Congo.

Quelques jours après la tenue du FIPAC 3 à Impfondo,  Afrique environnement plus s’est entretenu avec le ministre congolais de l’économie forestière et du développement durable, monsieur  Henri Djombo,  lors de la 11e réunion de la convention d’Abidjan qui s’est tenue à Cape Town en Afrique du Sud en mars dernier, où ce dernier en a profité pour nous livrer  ses impressions  non seulement  sur la 3e édition du Forum International sur les Peuples Autochtones d’Afrique Centrale, mais aussi nous faire le bilan sur la convention d’Abidjan dont il vient de céder la présidence en exercice après 4 ans de mandat.

 

Afrique environnement plus : le Congo vient de céder  le siège du FIPAC à la CEEAC.  A  la fin de cette initiative que  peut-on  retenir comme bénéfice au profit de la CEEAC ?

Henri Djombo : Quand vous faites un don,  le bénéficiaire s’en réjouit car  il  sait à quoi il lui servira et  en fera bon usage.  Aujourd’hui, nous considérons que nous avons réussi à mettre sur pieds un instrument nouveau, un pilier de coopération et d’intégration sous régionale fondé sur la question  autochtone.    Je crois que c’est une expérience unique qui va mieux faire connaitre la CEEAC,   notre sous région d’Afrique Centrale,  et nous aurons maintenant la possibilité d’avoir des débats plus larges non seulement entre nous en Afrique Centrale, mais aussi avec des organisations variées, les institutions qui s’occupent des questions de droits de l’homme,  les institutions financières qui vont aider à soutenir les projets sur le terrain, les projets à Impfondo, et  ailleurs dans notre pays en faveur des autochtones, des projets intégrateurs des communautés nationales donc (Autochtones-Bantous) c’est le cas de chez nous.  Je crois que c’est un bénéfice inestimable que nous avons tiré de cette coopération et de cette intégration sous régionale.

Rendu à sa troisième édition, le FIPAC a eu un peu  de difficultés à démarrer. Pensez-vous  qu’à l’avenir avec la CEEAC la viabilisation de ce site  pourra être effective ?

Il n’y a pas d’œuvre humaine facile.    Nous avons sur notre chemin de vie des nombreux obstacles auxquels nous devons faire face,  il faut simplement savoir les  sauter ou les contourner pour avancer. Je ne pense pas que ce qui est arrivé dans l’organisation du FIPAC cette fois-ci soit différent de ce que nous avons connu antérieurement  ou de ce que nous avons connu dans l’organisation  d’autres   grandes manifestations. Ce n’est pas pour autant  dire qu’il faut que l’on reste dans ces situations.    Il faut changer pour que nous puissions nous améliorer  et œuvrer véritablement pour le progrès et le développement.   Nous  allons continuer à soutenir le FIPAC derrière la CEEAC, nous avons pris des engagements pour que pendant cette première année, qu’il y ait des appuis financiers de l’Etat congolais, appui matériel aussi et humain pour maintenir la gestion du site et de préparer la CEEAC à prendre la relève vers la fin de cette année. Nous sommes là dans un processus, il ne faut rien sous-estimer, nous avons besoin que les moyens qui sont prévus à cet effet puissent être disponibles et qu’on n’entende pas parler d’arriérés de salaire ou qu’on n’a pas pu honorer les engagements du gouvernement car  ce n’est pas du tout ce que le président de la République attend.

Parlant du Président de la République, cet événement a eu un caractère un peu spécifique. Trois chefs d’Etats, plusieurs ministres pratiquement autour des Etats de la sous région. Comment au niveau sous régional ces Etats se sont intégrés dans ce processus d’intégration des autochtones dans leurs différentes régions ?

Ils se sont intégrés et sont impliqués depuis le départ. Le Congo a réussi à rassembler les pays de la Comifac, donc les pays de l’Afrique Centrale autour de la thématique autochtone.  Donc tout le monde est impliqué, tout le monde est engagé,  nous avançons ensemble de manière différenciée, il y en a qui ont des acquis plus développés que d’autres,  mais nous faisons en sorte que dans le cadre de la coopération,  nous puissions bénéficier des expériences réussies des autres pour améliorer notre propre démarche. La question autochtone ne relève pas que du ministère de l’économie forestière et du développement durable,  c’est une question transversale qui concerne les ministères de la justice, des droits humains,  l’aménagement du territoire,  la culture, la recherche scientifique, etc.  Tout le monde doit travailler autour de la question autochtone et nous avons l’avantage aujourd’hui de disposer d’un beau site à Impfondo qui peut être au centre de l’émergence de nombreux projets qui puissent justement consolider cette initiative au niveau national et sous régional.

Vous venez de présider les travaux de la onzième conférence des parties sur les aires marines protégées. Quel bilan faites- vous à l’issu de vos  quatre années à la présidence de cette   institution ?

Mes paires m’ont fait confiance et m’ont demandé de présider la onzième conférence des parties contractantes de la convention d’Abidjan sur la conservation et la gestion durable des écosystèmes marins et côtiers de l’Afrique de l’Ouest, du centre  et du sud. Nous avons eu une très belle réunion, des bonnes délibérations également et  je crois que pendant quatre ans,  nous avons accompli nos obligations. L’ensemble des missions qui nous ont été confiées,  ont été réalisées malgré quelques difficultés qui persistent notamment au niveau du financement de l’organisation. Aujourd’hui cette initiative est de plus en plus connue et fait l’objet d’une coopération internationale plus développée et d’un grand travail de recherche scientifique et   nous voudrions que les ressources marines et côtières soient mieux gérées dans la sous région parce qu’il y  a encore un développement de la pollution industrielle et pétrolière le long de la côte ouest africaine qui porte atteinte aux écosystèmes naturels et  aux ressources halieutiques. Nous assistons aussi au braconnage dans ces zones, à la pêche illégale au thon, à la baleine, au requin et  bien d’autres  espèces  qui sont péchées dans nos eaux et qui enrichissent d’autres nations.  Nous avons donc bâti une coopération qui s’est développée ces dernières années pour que nous puissions  avoir la même vision et que nous possédions des stratégies nationales qui soient conformes à l’esprit  commun. Je crois que nous avons fait notre part de travail, mais nous continuerons à apporter notre contribution au développement  de cette initiative.

Vous avez évoqué l’aspect de finances, nous savons que les contributions des Etats handicapent assez le fonctionnement de cette convention. Comment pensez-vous que dans un avenir  proche, les institutions de cette convention puissent mener à bien les activités au-delà du manque de contribution provenant des Etats ?

Comme vous l’avez bien dit,  il n’y a pas que la convention d’Abidjan qui souffre du problème de financement  mais beaucoup d’autres initiatives communes   sont dans la même situation et je ne crois pas que les Etats refusent de payer , ce sont  les mécanismes qui existent  dans les différents pays passant généralement par le trésor public qui ne se sont pas toujours avérés efficaces pour assurer les  contributions financières des Etats à temps et faire vivre les organisations.  C’est  un constat que nous faisons  chaque fois et nous ne cessons pas d’exhorter les Etats à payer leurs arriérés de contribution et bien sûre les contributions courantes. C’est devenu comme une habitude des conférences d’en appeler  à la conscience des Etats que leurs cotisations soient payées mais il faut que nous changeons de paradigme sur ce plan,  sinon nous allons faire comme les parents qui mettent au monde des enfants et qui les donnent à des tuteurs,  maintenant ces derniers sont obligés de maitriser les enfants qui n’écoutent et ne sont plus habitués  aux parents. Si nous laissons toutes nos organisations être financées par les organisations extérieures,  c’est normal que celles-ci puissent influer sur les décisions qui sont prises, sur la vie de ces organisations, sur leur fonctionnement  et ce sera par notre propre faute.

La sous région connait un problème sérieux en matière de braconnage, notamment le braconnage des éléphants. Comment   adoptez-vous le combat contre ce fléau dans votre pays ?

Le braconnage lié aux espèces animales  emblématiques  comme l’éléphant, le rhinocéros et bien d’autres est devenu un phénomène qui se développe dangereusement en Afrique.  Heureusement, il y a une prise de conscience de plus en plus forte par les nations mais aussi par la communauté internationale qui fait qu’on est entrain de chercher les stratégies les plus efficaces pour éradiquer ce phénomène  qui lui-même est attisé par le commerce illicite des produits de la faune et la flore. C’est pourquoi,  nous utilisons les moyens disponibles pour protéger les espèces animales  dans les aires protégées mais  au-delà des aires protégées, les animaux circulent et parfois là bas ils sont agressés, attaqués et  tués même dans les aires protégées.  Il faut une stratégie adéquate,  des moyens adéquats, des moyens humains, financiers et matériels appropriés pour éradiquer ce phénomène. Il faut une collaboration plus importante entre nos services et ceux de la force publique,  de la justice et de la communication parce que c’est en travaillant ensemble que nous allons réussir à maitriser ce phénomène dans notre pays. Nous ne pourrions pas seul y parvenir  dans la mesure où comme partout, les pays seuls n’arrivent  pas,  il faut une stratégie sous régionale sur laquelle  on a déjà  travaillé puisqu’ il y a des plans d’urgence qui ont  été adoptés.   Au niveau régional donc africain, il va falloir que nous arrêtions un grand projet intégré de lutte contre le braconnage et le commerce illicite. Naturellement, en attaquant le commerce illicite, en réduisant la force de ce commerce, en éradiquant ce commerce illégal,  nous allons maitriser en amont le braconnage parce qu’il est le fait de ce commerce.  Donc, voilà où nous  en sommes  et Brazzaville se propose d’abriter cette année une  conférence internationale sur la lutte contre l’exploitation et le commerce illicite de la biodiversité africaine ; ici nous en avons encore parlé à toutes  les tribunes et il y a un comité international qui est mis en place pour préparer cette conférence qui ne sera pas une conférence comme toutes les autres, on ne parlera pas seulement des espèces emblématiques  menacées d’extinction mais c’est la préservation de l’ensemble de la biodiversité africaine ; c’est la maitrise de notre commerce extérieur  à travers le suivi de la traçabilité des produits de la biodiversité. Nous pensons que cette conférence sera le meilleur moment pour tout le monde d’agir  concrètement, de définir les moyens d’action qui vont nous permettre d’éradiquer tous ces phénomènes dont nous nous plaignons, il faut finir avec la parole,  avec les grands discours pour  agir sur le terrain.

Certains pays comme la Chine, les Etats Unis, et récemment l’Angleterre ont  procédé à la destruction de leurs stocks d’ivoires. Pensez-vous que  cet élan soit assez suffisant pour contrer le braconnage  au niveau de l’Afrique centrale?

C’est des symboles pour montrer aux yeux de la communauté  internationale l’engagement des Etats concernés dans la préservation de l’environnement, la protection de ces espèces,  mais ce n’est pas cela  qui arrête le braconnage. C’est dire que nous désapprouvons le commerce illégal qui encourage ce braconnage et  nous brûlons les stocks d’ivoires que nous avons.  Le Congo pourra le faire aussi peut être à l’occasion de la conférence qui pointe à l’horizon.        

Propos recueillis par Raoul SIEMENI

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