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Interview AEP

Monsieur Jean Pierre AGNANGOYE, Secrétaire Exécutif sortant du RAPAC

LE RAPAC AU CŒUR DU PROGRAMME ECOFAC V

Appui financier, renforcement des capacités par la formation,… Tout est mis en œuvre pour accompagner le Réseau des Aires Protégés d’Afrique Centrale dans la gestion durable des écosystèmes fragilisés et la lutte contre le grand braconnage.   Arrivé au terme de son mandat, Monsieur  Jean Pierre AGNANGOYE, Secrétaire Exécutif sortant du RAPAC dresse pour Afrique environnement plus un premier bilan de la mise en œuvre du programme ECOFAC V.

 

AEP : Le RAPAC bénéficie d’un appui dans le cadre du programme ECOFAC V en tant que maître d’œuvre du volet Aires Protégées et Intégration des Populations et le volet Renforcement des Capacités. Quelle est la pertinence de ce programme au regard du contexte de l’Afrique Centrale ? Quel  bilan faites-vous de vos activités à moins de deux ans de la fin du programme  dans le domaine des aires protégées?

 

J.P. AGNANGOYE : Il convient de souligner le fait que le programme ECOFAC dont nous parlons est dans sa cinquième phase de mise en œuvre depuis 1992. Rien que sa durée dans le temps témoigne déjà de sa pertinence car ce sont les Etats bénéficiaires qui ont sans cesse demandé sa poursuite. En remontant aux années de son démarrage, je peux affirmer, sans risque de me tromper,  que très peu d’aires protégées dans la sous région disposaient d’organisation et des ressources minimum requises (humaines, matérielles et financières) pour assurer une gestion efficace. Leur potentiel biologique et écologique était très peu et très partiellement connu. Le programme couvre plusieurs aires protégées dans huit pays de la sous région (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale jusqu’à la quatrième phase, RCA, RD Congo, Sao Tomé et Principe et le Tchad,  Le nombre d’aires protégées bénéficiaires est passé de  7 au départ à 16  pour la cinquième phase. En terme financier ce sont plusieurs millions d’euros investis en faveur de la conservation et de la valorisation de la biodiversité de la sous région, dont 20,5 millions au cours de cette cinquième phase. La pertinence du programme en général et de cette cinquième phase en particulier se décline de manière concrète  à travers les objectifs et résultats attendus tel que :

  • Améliorer la qualité de la gestion des sites prioritaires et de leurs zones périphériques par des appuis et des opportunités de formations adaptées.  Avec pour résultat attendu  la qualité de la gestion et l’aménagement de 250 000 km2 d’aires protégées prioritaires et de leurs zones périphériques sont améliorés grâce à des compétences professionnelles accrues.
  • Favoriser l’implication active des populations riveraines dans la conservation par la valorisation des ressources naturelles et les potentialités des sites prioritaires. Avec pour résultat attendu les populations riveraines impliquées dans les processus décisionnels des aires protégées prioritaires et en dérivent des bénéficies tangibles.
  • Renforcer les capacités institutionnelles et opérationnelles du Réseau des Aires Protégées d’Afrique Centrale (RAPAC), pour assurer son mandat et la bonne gouvernance des aires protégées. Avec pour résultat attendu  la capacité et l’expertise accrue du RAPAC lui permettent d’assumer son mandat et d’appuyer ses membres du réseau d’aires protégées.

Pour atteindre ces objectifs et résultats attendus, plusieurs activités touchant des thématiques diverses seront déployées sur les sites prioritaires.

 

Et que dire du bilan des activités à moins de 2 ans de la fin du programme ?

Avant de dresser un bilan indicatif des activités à  2 ans de la fin de la durée contractuelle initiale du programme, je dois d’abord signaler le démarrage tardif des activités lié aux procédures de mobilisation des fonds qui était effective 6 mois après la signature de la Convention de subvention entre la CEEAC et l’UE (17/12/2010) ; tandis que l’endossement du Contrat de subvention CEEAC –RAPAC n’a été notifié que le 28/04/2011 . Aussi, au stade actuel, il est envisagé de solliciter l’établissement d’un avenant pour prolonger la durée d’exécution du programme afin de mieux nous assurer de l’accomplissement des objectifs et résultats attendus.

Ceci dit, à ce jour, au plan financier, quatre tranches de financement ont été décaissées comme suit : 1ère tranche d’un montant de 950 000 euros en juin 2011, 2ème tranche de 3 191 000 euros en août 2011, 3ème tranche de 5 864 000 euros en septembre 2012 et 4ème tranche de 3 811 00 euros en octobre 2013. Ces décaissements successifs ont permis:

  • Le recrutement progressif et l’installation de l’assistance technique pour le renforcement des effectifs et des compétences du Secrétariat Exécutif du RAPAC et l’acquisition des matériels et fournitures de bureau.
  • Le démarrage des activités sur les sites sous contrats de gestion dans le cadre des partenariats public –privé que le RAPAC encourage entre les gouvernements des pays membres et quelques partenaires techniques dans la recherche de la meilleure efficacité de gestion de certains sites pilotes comme la Parc national d’Odzala-Koua (Congo), le Parc National de la Garamba (RD Congo), le Parc national des Virunga (RD Congo), (RD Congo) et le Parc National de Zakouma (Tchad). Sur ces sites, les principales activités du programmes ont porté sur la réhabilitation et construction des infrastructures de base techniques et sociales (bâtiments, pistes d’accès), l’acquisition des équipements techniques et logistiques, les infrastructures d’appui au développement touristique et communautaire.
  • L’organisation des sessions de formation au profit des personnels des sites du programme ;
  • Le lancement de deux appels à propositions de projets dont les seize premiers sélectionnés ont déjà bénéficié des financements et sont déjà entré dans la phase de mise en œuvre opérationnelle sur le terrain. Les budgets alloués aux différents projets sélectionnés sont de l’ordre de 190 000 euros   par projet.
  • La mobilisation de plusieurs experts internationaux, sous régionaux et nationaux pour la réalisation d’étude d’intérêt sous régional (étude sur l’harmonisation des législations relatives à la gestion de la faune et des aires protégées des pays membres du RAPAC, étude pour l’élaboration d’une stratégie sous régionale pour la lutte anti braconnage, étude pour la mise en place d’un Master en gestion des aires protégées), national (évaluation stratégique de l’impact de l’exploitation du pétrole au Prc national des Virunga en RD Congo) ou local (appui à la formulation des projets, appui à la révision des plans d’aménagement), à la demande des pays et des gestionnaires des sites.
  • L’organisation de la quatrième édition des Journées des Aires Protégées au niveau national et sous régional.
  • L’appui au développement des activités génératrices des revenus au profit des communautés locales en fonction du contexte écologique et culturel dans les domaines de la promotion de l’écotourisme, de l’agriculture, pisciculture et de l’artisanat etc.
  • La contribution au financement du fonctionnement du RAPAC.

La formation est un pilier important dans la gestion des ressources naturelles en général et dans la valorisation des aires protégées dans l’espace CEEAC. Quelles sont les formations  que vous avez soutenues dans le cadre du programme ECOFAC V ? Quels effets espérez-vous obtenir à la suite de ces formations ?

 

 

La formation constitue depuis toujours un des axes majeurs d’intervention du RAPAC qui a mené par le passé plusieurs réflexions à l’échelle sous-régionale sur les métiers de la conservation et de la gestion des aires protégées et les besoins de formation y afférant. Dans la continuité de ces réflexions, le programme ECOFAC 5 du RAPAC a prévu des appuis répondant aussi bien aux besoins de formation continue à travers l’organisation à court terme de formation pour les personnels déjà en fonction sur le terrain, qu’aux besoins de formation diplômant.

Plus concrètement, le volet formation continue du programme ECOFAC 5 est piloté par la Wildlife Conservation Society (WCS) à partir du  Complexe Educatif Docteur Alphonse Mackanga Missandzou (CEDAMM) de la Lopé au Gabon. Entre fin 2011 et septembre 2013, 9 sessions de formation ont été organisées, avec  un total de 3 177 hommes/jours de formation. Ces formations ont bénéficié aux personnels provenant de 13 aires protégées prioritaires, représentant les 7 pays bénéficiaires du programme.

Les  formations ont porté sur les thématiques du  suivi de l’application de la loi, et les méthodologies de collecte et analyse de données sur les grands mammifères, collant ainsi au plus près de l’actualité et des besoins urgents dans les aires protégées de la sous-région. Les formations programmées  pour 2014 incluront de nouvelles thématiques comme la rédaction des projets et documents de demandes de financement ; montage de petits projets de gestion participative des ressources naturelles ; suivi de l’application des lois, la tenue des statistiques sur les activités de conservation et l’analyse des données d’inventaire ; la gestion financière, etc.

 Pour le volet formation diplômante, le programme ECOFAC/ RAPAC, en  collaboration  avec L’Ecole Régionale postuniversitaire d’Aménagement et de gestion intégrés des Forêts et Territoires tropicaux (ERAIFT), a lancé une étude de faisabilité pour la mise en place à moyen terme d’une filière académique de niveau Licence-Maîtrise-Doctorat (LMD) ciblant les cadres des aires protégées et reposant sur les structures de formation de la sous-région. Il s’agit de faire le bilan des offres d’enseignement existantes, puis d’en analyser les lacunes pour proposer des mesures pour compenser

A moyen et  long terme, ces actions contribueront à garantir la continuité des efforts de gestion des ressources naturelles et de valorisation des aires protégées et ainsi que la durabilité de leurs résultats. La gestion des ressources naturelles  et des aires protégées en particulier, est encore un secteur d’activités très jeune en Afrique Centrale et il est nécessaire et urgent qu’il se professionnalise davantage pour pouvoir exploiter pleinement son potentiel et permettre le développement durable des pays de la sous-région.

 

Plusieurs pays de l’Afrique centrale font face à un braconnage de masse des grands mammifères,  notamment les éléphants, perpétrés par des individus lourdement armés et bien organisés.  Quelles sont les actions concrètes menées par le RAPAC pour aider les Etats à faire face à ce fléau ?

 rapac

 

S’agissant des actions concrètes en appui aux Etats pour faire face au braconnage, il faut d’abord  souligner le fait que l’ampleur actuelle du problème du grand braconnage transfrontalier appelle des grands moyens d’intervention et une implication de plusieurs acteurs ou parties prenantes tant au niveau de chaque pays concerné que de la sous région et de la communauté internationale. De ce point de vue, les actions concrètes au niveau du  RAPAC ne peuvent se circonscrire que dans les limites de son mandat et de ses moyens. Dans ce contexte, les actions engagées par le RAPAC dans le cadre du programme ECOFAC se résument à ce jour à :

  • La préparation et l’organisation conjointes avec la CEEAC et la COMIFAC de la grande réunion de concertation sous régionale qui a eu lieu au mois de mars à Yaoundé et qui a regroupé les représentants des gouvernements de tous les pays de la sous région concernés les derniers développements du braconnage qui vise de manière particulière les éléphants. Cette réunion avait pour but de mobiliser l’opinion des décideurs de la sous région sur l’urgence d’une action concertée et rapide pour arrêter les massacres qui étaient en cours sur les territoires du Cameroun, de la RCA et du Tchad, en même temps qu’il s’agissait d’attirer l’attention de l’opinion internationale pour susciter une prise de conscience et des appuis au-delà des frontières de la sous région, notamment sur le fait que la prospérité du commerce de l’ivoire d’une part et la prolifération des armes de guerre constituent les principaux catalyseurs de l’aggravation de ce braconnage.
  • La mobilisation d’une expertise sous régionale et internationale pour la réalisation d’une étude en vue de doter la sous région d’une stratégie et d’un programme de lutte anti braconnage prenant en compte tous les aspects et impliquant toutes les parties prenantes.

La première phase de cette étude concernant le Cameroun, la RCA et le Tchad (zone A) est arrivée à son terme.   

 

Quelle est la valeur ajoutée de l’appui de l’UE dans la viabilité des Aires Protégées d’Afrique centrale ?

 

L’Union Européenne représente le plus important partenaire financier dans le secteur de la conservation et gestion durable de la biodiversité et des Aires Protégées  d’Afrique Centrale, avec des mécanismes d’appui aux États par le biais de leurs programmes indicatifs nationaux (P.I.N), et via la synergie de ces fonds avec le programme indicatif régional (P.I.R). C’est dans ce cadre que l’Union européenne finance le programme ECOFAC  depuis 1992 dont la cinquième phase actuelle est financée sur le  10ème F.E.D à travers la Convention  établie entre la CEEAC et l’UE, d’un montant de 30 millions € pour la période de 2011à 2015. On espère et on souhaite très vivement que se programme ECOFAC soit encore maintenu avec une enveloppe plus importante avec le 11ème FED prochain.

La régionalité de ce programme et son prolongement dans le temps (plus de 20 ans) apporte une plue value considérable sur plusieurs aspects transversaux de la conservation et valorisation de la biodiversité de la sous région. On peut à titre indicatif mentionner :

  • La réalisation de plusieurs travaux de recherche sur les sites bénéficiaires du programme dont les résultats ont permis d’avoir une meilleure connaissance de base sur leur potentiel écologique et biologique ;
  • Le brassage et le partage des expériences entre les gestionnaires des différents sites du programme ;
PAYS Aires Protégées
Cameroun Ø  Réserve de Biosphère du Dja

Ø  Parc National de Bouba N’Djida (Complexe BSB Yamoussa)

Ø  Parc National de Campo Ma’an (Complexe Campo Ma’an-Rio Campo

 

Congo Ø  Parc National d’Odzala-Kokoua

Ø  Parc National de Conkouati (Complexe Mayumba-Conkouati)

Gabon Ø  Parc National de la Lopé

Ø  Parc National de Mayoumba (Complexe Mayoumba-Conkouati)

République Centrafricaine Ø  Parc National de la Mbaéré-bodingué (Foret de Ngotto)

Ø  Zones Cynégétiques Villageoises (Complexe Nord RCA)

République Démocratique du Congo Ø  Parc National de la Garamba

Ø  Parc National des Virunga

Ø  Parc National de la Salonga

Ø  Reserve Communautaire de Tayna

Sao Tomé et Principe Ø  Parc National d’Obô
Tchad Ø  Parc National de Zakouma

Ø  Parc National de Sena Oura (Complexe BSB Yamoussa)

  • L’identification des problématiques communes et la recherche des solutions conjointes ou partagées à travers  la réalisation des études de portée sous régionale comme sur les besoins d’harmonisation des législations en matière de gestion de la faune, de lutte anti braconnage, de gestion transfrontalière coordonnée des parcs nationaux concernés, de formation des hommes et renforcement des capacités, d’échanges d’expériences et leçons apprises.

 

Propos recueillis par  Raoul SIEMENI

ENCADRE

LES 16 sites prioritaires  d’ ECOFAC

 

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