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Interview AEP

Monsieur Henri DJOMBO, Ministre congolais de l’Economie Forestière et du Développement Durable

Interview

Henri DJOMBO,   Ministre congolais de l’Economie Forestière et du Développement Durable, nous parle de la mission accomplie par le Congo au nom de l’Afrique,  lors des négociations du sommet de  Rio+20, tenu en juin dernier au Brésil.

 

Afrique Environnement Plus : Le Congo a conduit les négociations africaines lors du sommet de Rio qui s’est tenu au Brésil en juin dernier. Deux mois après ce sommet, quel bilan pouvez- vous nous présenter au nom de  l’Afrique ?

Henri DJOMBO : Deux mois après Rio +2O, nous en sommes aux leçons tirées de ce sommet. Ce que l’Afrique en a obtenu, ce qui reste à faire pour que les questions laissées en suspens à Rio puissent aboutir à travers les mécanismes qui ont été arrêtés par la conférence elle-même, notamment à travers l’assemblée générale des Nations Unies. En ce qui concerne l’Afrique, nous avons également regardé ce qu’elle devrait pouvoir faire pour la suite des négociations.                    La conférence des ministres africains réunis à Arusha a décidé que l’Afrique fasse corps et puisse continuer à négocier sur ces questions dans les commissions spécialisées qui seront mises en place par l’assemblée générale des Nations Unies, afin qu’elle contribue, en parlant d’une  même voix, aux conclusions heureuses de ces questions. Et aujourd’hui, les africains estiment que le Congo qui avait  coordonné politiquement le groupe des pays de notre continent dans le cadre des négociations de Rio +2O et qui a réussi sa mission, devrait pouvoir continuer à assurer cette coordination pour conduire les africains dans les discussions futures à New York, et après New York. En plus, au niveau africain, nous devons prendre des dispositions pour que les questions liées au développement durable, à la transition vers l’économie verte, les questions liées au changement climatique, à la gestion des ressources naturelles …, toutes ces questions puissent être poursuivies au niveau continental, à travers l’Union Africaine, au niveau des organisations d’intégration régionale. Puis, au niveau national, nous devons élaborer des stratégies et politiques de développement durable,  mettre dans les priorités nationales l’économie verte comme une voie pour aller au développement durable de l’Afrique.

Afrique Environnement Plus : Le Congo avait aussi pour mission de conduire les négociations en vue la signature d’un accord sur le projet des trois bassins forestiers lors de ce sommet. Mais, on a pu noter un blocus dans les échanges, notamment avec le Brésil. Qu’en est- il de ce dossier ?

Henri DJOMBO : Il était convenu que les pays membres des  trois bassins forestiers tropicaux puissent signer à Rio de Janeiro l’accord de coopération entre les gouvernements des pays de ces bassins. Toutes dispositions avaient été prises pour préparer l’accord à travers les mécanismes qui avaient été arrêtés et connus de tous. Le Brésil était chargé d’envoyer les invitations à tous les états membres qui devaient signer, et de préparer les conditions matérielles, logistiques pour cette signature. Ce qui est paru curieux, c’est que le Brésil n’a pris aucune disposition à cet effet. Et au dernier moment, il a prétendu qu’il n’était pas prêt pour la signature de l’accord. En même temps, il a commencé à engager des démarches dilatoires qui changeaient totalement la démarche initiale concernant la signature, préférant tantôt un mémorandum d’entente entre les organismes régionaux comme l’Organisation du Traité de la Coopération Amazonienne (ACTO)  en Amazonie, la Commission des Forêts  d’Afrique Centrale (COMIFAC) dans le bassin du Congo et l’ Association des Nations du Sud est Asiatique (ASEAN) en Asie du sud-est. Alors que, depuis 2006, ce mémorandum traîne et n’a pas été  signé au début par deux organismes : ACTO et ASEAN.  L’ASEAN a pu donner son accord pour signer le mémorandum d’entente au mois de février de cette année, tandis que l’ACTO reste encore  muette et ne donne aucun signe de bonne volonté pour aller droit à la signature de ce mémorandum, dans le cadre des relations purement techniques entre les trois organismes. Les trois bassins sont une initiative politique, intergouvernementale de  coopération dans un domaine donné entre les pays concernés. Ce qui n’a rien à voir avec les trois organismes qui ont un caractère technique. Les changements qui sont intervenus, les propositions nouvelles faites par le Brésil au moment décisif de la signature  ont quelque peu désarçonnés tout le monde. Donc, il y a eu derrière une autre raison que nous ignorions et que le Brésil n’a pas voulu exposer. On a constaté la même chose du coté de l’Indonésie qui s’est braqué au nom du groupe F11,  qui représente une initiative forestière des pays tropicaux engagés par  l’Indonésie. Nous avons eu l’impression que l’Indonésie a peur que l’initiative des trois bassins puisse dépasser par son envergure le F11. Nous visons 3O à 4O pays,  alors que  le F11, aujourd’hui, compte 14 pays. Nous aurions souhaité que les 14 pays soient au cœur du processus. Mais à ce niveau, il se pose un problème de leadership : qu’il s’agisse du Brésil ou de l’Indonésie, ces pays  prennent mal le fait qu’ils n’auront  pas de leadership sur cette initiative.  C’est dommage. Encore qu’ils peuvent jouer des rôles clés à l’intérieur… Aujourd’hui, nous sommes en train de revoir le schéma de travail pour recontacter tous les pays, surtout tous ceux qui étaient déjà acquis et prêts à signer. Peut- être que, chacun d’eux pourra essayer de discuter avec le Brésil et l’Indonésie, en vue de les ramener dans le processus. Mais, dans le cas contraire,  la signature aura lieu entre les pays engagés et ceux qui ne le sont pas encore, peut- être qu’ils le seront demain et nous rejoindront.

Afrique Environnement Plus : Après Rio, l’on se tourne vers le Qatar et une initiative de plus. Ne pensez-vous pas que la tenue de tous ces sommets sur le climat n’est que peine perdue, quand on sait que les conclusions précédentes des Cop 16, 17 et 18 n’ont eu jusqu’à ce jour, aucun impact sur la régulation du climat mondial ?

Henri DJOMBO : Je ne crois pas que nous puissions baisser les bras, malgré les échecs enregistrés lors des précédentes conférences des parties sur le changement climatique. Il y a lieu de dire que l’on constate quand même quelques évolutions progressives vers un accord international contraignant sur le climat. Si à Bali, on a lancé timidement le concept de REDD+ dans le cadre du régime  climat, qu’à Copenhague, on s’est lancé vers les financements innovants et  particulièrement les fonds Fast Start, qu’à Cancun, on a adopté la création du Fonds Vert, on a décidé à  Durban, de l’opérationnalisation de ce fonds. Je crois qu’on avance pas à pas sur le protocole de Kyoto et l’accord de coopération, puis à long terme, sur le changement climatique. Il y a donc petit à petit un dégel qui se fait. Et déjà, qu’on accepte une deuxième période d’engagement post Kyoto dont la durée reste à déterminer, ce que nous allons  faire à Doha, entre 5 et 8 ans. Nous trouverons un compromis pour le terme qui conviendra, et en même temps, on devra obtenir un consensus sur les niveaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre par les pays industrialisés. On commencera par l’Europe, qui présente une volonté plus flexible que d’autres pays industrialisés. Et avec les pays émergents, nous allons continuer le débat pour qu’on fasse bouger la machine vers la signature d’un accord international contraignant sur le tout.

 

 

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