Équipé d’un système de largage, le drone permet de lâcher l’hameçon et son appât à des distances inégalées. Objectif : atteindre de plus grosses espèces comme des requins. La pêche au drone est en plein essor en Afrique du Sud depuis 5 ans, soutenue par des fabricants locaux d’accessoires. Mais cette nouvelle pratique inquiète les biologistes et suscite la colère de certains pêcheurs.
Sur une plage de Durban, face à l’Océan indien, Craig pilote un drone. Grâce à l’écran de sa manette, il visualise la zone de largage, puis relâche l’hameçon transporté au large. Un jeu d’enfant.
« C’est beaucoup, beaucoup plus simple de pêcher au drone. À chaque sortie on ramène quelque chose. Je pêche les gros requins qui évoluent dans les profondeurs et qu’on ne peut pas atteindre sans drone, explique-t-il. Je vais jusqu’à 850, 950 mètres de distance, là où vous ne voyez plus le drone. Vous pouvez remonter des poissons de 250-300 kilos. Aujourd’hui tout le monde achète des drones. »
L’un des leaders du marché se trouve dans la ville du Cap. Nous sommes dans les locaux du fabricant Gannett, où la petite équipe est submergée par les commandes. Ce sont principalement des systèmes de largage qui sont vendus. Des accessoires qui s’adaptent aux drones et qui coûtent entre 60 et 170 euros. Ils font le succès du constructeur.
« Notre entreprise a déjà vendu plus de 40 000 systèmes de largage à travers le monde, fait valoir Derek Whitton, chargé du marketing. Notre drone est le plus récent sur le marché, on le propose depuis seulement un an, mais dès qu’on en lance une production, elle se retrouve en rupture de stock avant même d’atterrir en Afrique du Sud. On pense pouvoir en écouler 1 000 par an. »
Le boom de la pêche au drone enregistré depuis 2016 inquiète les scientifiques : capture d’espèces en danger, surpêche et même conflit entre plagistes et pilotes, le succès de cette pratique pourrait avoir des conséquences négatives.
« Les pêcheurs au drone atteignent des zones peu exploitées par la pêche jusqu’à présent et qui peuvent représenter un refuge pour nombre d’espèces, alerte le biologiste Bruce Mann, co-auteur d’une rare étude sur le sujet. Ils peuvent chercher un banc de poissons et larguer leur appât à l’endroit où les poissons se nourrissent donc c’est ça qui pose des questions d’éthique. Est-ce que c’est juste ? Les pauvres poissons n’ont plus aucune chance, on n’arrête pas d’améliorer notre technique pour les attraper. »
La multiplication des drones suscite la colère de certains pêcheurs. Ils voient dans cette méthode une pratique déloyale. Contacté, un pêcheur professionnel refuse de commenter pour ne pas perdre ses sponsors « C’est trop controversé » écrit-il. « Je n’ai rien de gentil à dire sur le sujet ».
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