Un atelier sur l’économie bleue durable dans le contexte de l’aménagement de l’espace marin a été organisé, du 14 au 15 avril 2023, à Tanger, au Maroc, par la Conférence Ministérielle sur la Coopération Halieutique entre les Etats Africains Riverains de l’Océan Atlantique (COMHAFAT). Il a permis aux 22 pays membres de cette institution, de réfléchir sur les mécanismes à mettre en œuvre pour concilier la nécessité de continuer à exploiter et à tirer profit des ressources halieutiques, le respect de l’environnement, les exigences du changement climatique et la durabilité de l’économie bleue.
Au terme des travaux, M. Abdelouahed BENABBOU, Secrétaire Exécutif de la COMHAFAT, a donné plus d’éléments sur les enjeux et les résultats attendus dudit atelier au cours d’un entretien avec les médias.
Quelle est l’importance de la planification spatiale dans un contexte d’économie bleue et de changements climatiques ?
Aujourd’hui, il est de notoriété publique, que l’économie bleue est la porte de sortie des Etats africains d’avoir une croissance soutenue au bénéfice de toutes les populations. Or, il s’avère que nous avons le potentiel sur le continent et nous avons d’atouts. Cependant, ces atouts ne peuvent produire des fruits que s’ils sont exploités d’une manière adéquate.
Et pour cela, il y a un certain nombre de contraintes à lever, notamment pour qu’il puisse y avoir une coordination au niveau des différentes activités qui peuvent naître dans le secteur de la mer, des océans, des zones côtières et rivières dont l’Afrique regorge.
Un des outils les plus indiqués pour une meilleure coordination, c’est la planification spatiale et maritime qui est le seul outil qui semble aujourd’hui capable de concilier les différents intérêts pour une planification aussi bien spatiale que temporelle des activités qui sont liées à la mer, aux océans etc.
Notre atelier d’aujourd’hui vise à sensibiliser les principaux partenaires et participants issus du secteur de la pêche et des autres organisations comme la FAO, l’UNESCO, les organisations sous-régionales de pêche etc. Nous avons eu un panel d’experts qui a pu montrer l’importance de cette planification spatiale maritime et montré aussi comment cette planification peut être mise en œuvre de manière adéquate et répondre aux attentes des gens.
Quelle est la place des populations côtières dans la planification spatiale, sachant qu’il y aura des conflits d’intérêts lors des aménagements ?
L’objectif de la planification est de concilier ces intérêts qui sont, au prime abord, contradictoires. Mais, normalement, c’est une instance gouvernementale comme une agence qui doit regrouper les parties prenantes au sein d’un même forum pour qu’ils puissent exprimer leur desiderata, leurs inquiétudes, et ensuite il faudrait un arbitrage objectif pour qu’on puisse tirer le maximum des opportunités liées à l’économie bleue.
On sait que sur les dix pays qui ont ratifié la convention 188 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), huit sont côtiers, notamment le Maroc. Mais, au niveau des 22 pays de la COMHAFAT, lesquels ont ratifié la convention ? Quelle sera la place de cette convention dans la mise en place de cette nouvelle stratégie ?
Un des objectifs déclarés de la COMHAFAT, améliorer des conditions de travail des gens de mer, plus exactement, des marins-pêcheurs. Nous avons fait un ensemble d’ateliers de sensibilisation pour pousser les Etats à ratifier cette convention. Mais, à part la ratification, il faut la mise en œuvre.
Un des objectifs de l’économie bleue, c’est de pouvoir faire bénéficier ces travailleurs des avantages liés à leur travail, parce que, à mon sens, c’est un droit. Et une économie bleue ne peut être considérée comme telle que si elle a des répercussions positives sur l’ensemble des intervenants et des parties prenantes, notamment les marins-pêcheurs et les travailleurs du secteur.
Quel lien peut-on établir entre l’économie bleue, la planification et la question de la transparence ?
Toute gouvernance ne peut être considérée comme bonne que lorsque l’aspect lié à la transparence est respecté. L’économie bleue ne peut atteindre ses objectifs que si elle est efficace sur les plans environnemental, écologique, économique et de l’amélioration des revenus, de la production, l’amélioration de tous les agrégats connus, mais également sur le plan social.
La gouvernance est une des conditions de réussite de cette économie bleue. Donc s’il y a une bonne gouvernance et si l’aspect de la transparence est respecté, on aboutira. Sinon, il y a très peu de chances qu’on puisse aboutir à une économie bleue qui réponde aux objectifs qu’elle s’est assignés.
Au regard de la faible adhésion des Etats africains aux instruments internationaux, quel est votre degré d’optimisme quant à la réussite d’une telle initiative ?
Il faut vraiment être optimiste. Car, si l’on est pessimiste, cela ne vaut pas la peine de commencer à y croire. Je pense qu’il faut faire un travail de sensibilisation, un travail de “harcèlement” courtois pour montrer le bien-fondé de l’adhésion à ces genres d’instruments internationaux.
Souvent, c’est par mépris, par manque de connaissance. Car cela m’étonnerait que ce soit d’une manière délibérée que les gens refusent d’adhérer à ces instruments internationaux. Il y a lieu de continuer à sensibiliser, j’y crois et je continue de le faire.
Au-delà des recommandations qui sont la première étape des sensibilisations, vous êtes une institution ministérielle régionale, et on peut imaginer que vous n’avez pas les moyens de pression directe sur les gouvernants et les décideurs, mais nous pensons qu’une autre alternative serait-elle pas un plaidoyer et une communication plus intense sur les mesures pour que les dirigeants se réveillent ?
Il y a toujours des limites. En tant que Secrétaire exécutif, je ne suis donc qu’au service de l’ensemble des Etats représentés au sein de notre organisation par les ministres en charge de la pêche. Mais, il faut dire que nous avons un mandat par rapport à cette problématique par exemple, pour pouvoir inciter les Etats à adhérer au maximum, aux instruments internationaux pertinents.
Il n’y a pas que ceux de l’OIT, car ceux-ci sont juste un axe qui vient d’être inscrit au niveau de notre plan d’action. C’est vrai, on ne peut pas aller au-delà de la sensibilisation et de la persuasion, parce que d’abord, nous n’avons pas les moyens qui nous permettent de faire une politique beaucoup plus agressive.
D’ailleurs, la COMHAFAT n’est pas une organisation de gestion de la pêche, c’est-à-dire qu’elle n’émet pas de recommandation contraignante vis-à-vis des Etats. Elle ne peut que recommander tout en laissant aux Etats membres, la liberté de suivre ou non. C’est pourquoi nous devons avoir les arguments pour mieux persuader les Etats membres à suivre les recommandations de notre organisation.
La rédaction