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Environnement

« La criminalité environnementale a de fortes conséquences sur la biodiversité », dixit Serigne Assane DRAME

La question de la criminalité environnementale a été au cœur d’une rencontre à Brazzaville dernièrement entre les Ministres de la COMIFAC, en prélude de la dernière COP27 tenue du 6 au 20 novembre dernier en Egypte. Votre magazine a interviewé M. Serigne Assane DRAME, Coordonnateur Régional pour l’Afrique centrale pour le Programme Mondial sur les crimes qui portent atteinte à l’environnement de l’Office de Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), qui nous a donné les contours de ce fléau et leur combat.

Parlant de la criminalité environnementale, quel est le taux de trafic au niveau mondial et africain ?

La notion de criminalité environnementale englobe de nombreuses activités : le commerce illégal d’espèces sauvages, l’exploitation forestière illégale, la pêche illégale, le déversement et le commerce illégal de déchets et substances dangereuses, l’exploitation et le commerce illégal de minerais.

Cette forme de criminalité est devenue l’une des plus lucratives au monde et rapporterait entre 110 et 281 milliards de dollars par an. Le continent africain, par la richesse de ses ressources naturelles est particulièrement exposé aux crimes environnementaux et de nombreux réseaux criminels exploitent illégalement ces ressources. À titre d’exemple, il a été estimé que l’exploitation des ressources naturelles par les réseaux criminels opérant dans l’est de la République Démocratique Congo (RDC) leur rapporterait 722 à 862 millions de dollars par an. Dans la sous-région de l’Afrique Centrale, on estime que des groupes qui tirent profit du commerce illégal de produits de la faune sauvage gagnent chaque année entre 4 et 12,2 millions de dollars grâce à l’ivoire d’éléphant.

Quel est son impact sur la biodiversité en Afrique ?

La criminalité environnementale a de fortes conséquences sur la biodiversité, en conduisant à la perte des populations de la faune et de la flore sauvage et, dans certains cas, même certaines sous-espèces, comme les populations de rhinocéros au Mozambique, en République démocratique du Congo, au Cameroun et en République Centrafricaine et les populations d’éléphants dans des zones du Bassin du Congo. Certains des animaux sauvages les plus vulnérables du monde, notamment les rhinocéros et les éléphants, sont tués à un rythme qui a augmenté de plus de 25 % par an au cours des dix dernières années. Les diminutions de la taille de la population et leurs réductions, associées en étendue géographique et en diversité génétique, contribuent à accroître le risque d’extinction des espèces concernées.

Vous avez présenté l’étude menée pour combattre la criminalité lors de la réunion des experts en prélude de celle des ministres sur la criminalité environnementale, quelle est l’approche, avez-vous opté pour lutter contre ce fléau ?

Face à ces menaces, nous accompagnons les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) dans les domaines de coopération prioritaires, notamment la lutte contre le braconnage et le trafic des espèces sauvages, l’exploitation forestière illégale et le trafic de ressources naturelles.

Dans ce contexte, l’ONUDC met en œuvre un projet régional intitulé « Renforcement des capacités judiciaires des États membres de la CEEAC pour la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages et le trafic de ressources naturelles », financé sur le 11ème Fonds Européen de Développement (FED).

À travers ce projet sous-régional, nous offrons un appui technique, financier, et institutionnel à six pays pilotes de la CEEAC, y compris le Gabon, afin de renforcer les capacités de forces d’application de la loi, du système judiciaire et la coopération entre les États membres de la CEEAC pour prévenir, identifier, enquêter, poursuivre et condamné les crimes liés à l’environnement.

Quelle est la place de la justice dans cette lutte ?

La justice joue un rôle primordial dans la lutte contre la criminalité environnementale, mais elle est confrontée à de nombreux défis : l’absence d’enquêtes proactives, insuffisance de condamnations en justice due à un manque de preuves, de cadres juridiques qui ne répondent pas aux besoins réels et actuels des défis et qui ne sont pas conformes aux normes internationales, un déficit en matière de formation pour traiter les cas de criminalité environnementale.

En l’absence d’une réponse coordonnée entre les différents services impliqués dans l’application de la loi, cette forme de criminalité continuera de se développer de manière inquiétante et accentuera, fatalement, l’impact négatif sur les ressources naturelles et les communautés locales.

Seule la réponse judiciaire est à même de permettre le démantèlement des réseaux criminels.

Comment rendre efficaces et dissuasives les sanctions contre les criminels ?

Afin de faire face aux enjeux précédemment mentionnés, il est fondamental de renforcer les capacités de l’ensemble du système d’application des lois, du système pénal et juridique et accroître la coopération inter-institutionnelle vu la nature transversale de la problématique, et aussi renforcer la coopération judiciaire internationale tenant compte du caractère transnational de cette forme de criminalité.

C’est à cela qu’aspire le Programme mondial sur les crimes qui portent atteint à l’environnement (GPCAE) de l’ONUDC, en réunissant les responsables et acteurs de diverses juridictions afin de consolider leurs capacités dans la lutte contre la criminalité environnementale.

Propos recueillis par Wilfrid Lawilla DIANKABAKANA

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