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Interview AEP

STEPHANE GOMPERTZ, AMBASSADEUR ITINERANT CLIMAT POUR L’AFRIQUE ET LE MOYEN ORIENT

A quelques mois de la 21e Conférence de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC)   COP 21,  qui se tiendra à Paris en décembre prochain, AEP s’est rapproché de Mr Stéphane GOMPERTZ, Ambassadeur itinérant climat pour l’Afrique et le Moyen Orient, qui nous parle des enjeux majeurs de ce grand rendez-vous planétaire pour les pays d’Afrique

 

  Par  Raoul SIEMENI & Marie Danielle NGO NGUE

 

AEP : Que faut-il attendre concrètement comme  enjeux majeurs de ce rendez-vous  de Paris pour le continent Africain et comment pensez-vous  y parvenir ?

 

STEPHANE GOMPERTZ : L’enjeu majeur est de conclure un accord qui remplace le Protocole de Kyoto et qui ne connaisse pas les mêmes déboires. Cet accord devra être universel et contraignant. Il devra être rédigé de telle façon qu’il puisse être ratifié par tous. Il devra traiter de manière équitable l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation aux conséquences déjà inéluctables du changement climatique. Nous devons plafonner puis diminuer les émissions : si nous continuons sur la lancée actuelle, les spécialistes prévoient que le niveau moyen des mers s’élèvera d’un mètre d’ici à la fin du siècle ; nous devons infléchir la tendance. En même temps, il est clair que les conséquences du changement climatique sont déjà là ; nous devons aider les pays et les communautés, surtout les plus pauvres, à faire face : c’est ce qu’on appelle l’adaptation. Les deux volets vont de pair.

 

Rendus à quelques mois de cette conférence,  plusieurs pays africains n’ont pas encore transmis leurs contributions fixant leurs  engagements de réduction  de gaz à effet serre. Que pensez-vous de ce non engagement ?

 

Il me paraît excessif et même injuste de parler de non engagement. Le Gabon a déjà soumis sa contribution le 31 mars. Le Maroc a remis la sienne le 2 juin. Celle de l’Ethiopie est pratiquement prête. La plupart des pays africains ont commencé à préparer leur contribution ; ils ont lancé une vaste consultation, non seulement entre ministères mais aussi avec la société civile et es entreprises. Beaucoup devraient être publiées en septembre. La mobilisation est réelle. J’ai le sentiment que l’Afrique sera présente au rendez-vous.

 

Les  Pays les Moins Avancés (PMA) dont fait partie le groupe Afrique,  expriment leur désaccord notamment sur leur participation aux contributions de la lutte contre le changement climatique, qu’ils estiment être essentiellement de la responsabilité des pays industrialisés. Quelle est la réponse de la France à ces derniers qui pensent ne pas être responsables du changement climatique et qu’ils devront par conséquent être dédommagés ?

 

Ce n’est pas le discours que j’ai entendu au cours de mes visites. Bien sûr, les PMA rappellent que l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre incombe essentiellement aux pays industrialisés ;  mais ils reconnaissent que la géographie a évolué et que certains grands émergents sont aujourd’hui parmi les plus grands pollueurs. La Chine produit à elle seule 25% des émissions mondiales des gaz à effet de serre. Elle a pris d’ailleurs des engagements positifs et courageux. Les PMA admettent en outre qu’ils ont eux-mêmes leur rôle à jouer. Même s’ils ne contribuent – pour l’instant – aux émissions que dans une proportion infime, ils prennent d’ores et déjà des mesures pour infléchir leur développement dans un sens plus écologique. Ils savent que le changement climatique est l’affaire de tous. Ils ne demandent pas à être dédommagés : ils demandent qu’on les aide et que les industriels investissent chez eux.

Dans une interview consacrée à notre magazine, le  Dr Daniel A. REIFSNYDER, Sous Secrétaire d’Etat Américain en Environnement déclare et je cite : « … l’effet de serre est un problème à long terme, il ne peut être résolu en une réunion ou en une année… Nous désirons que la COP de Paris soit une étape très importante, mais elle n’en demeure qu’une étape …. ».Alors faut-il penser au regard de ces propos, que l’espoir d’un accord sur le climat à Paris  soit également un fiasco comme cela fut le cas lors de la COP de Copenhague?

 

Pas du tout ! Dan Reifsnyder a raison. La COP de Paris sera un succès précisément si elle constitue une étape. Nous n’allons pas stopper le changement climatique par un coup de baguette magique. Adopter un instrument juridique qui remplace le Protocole de Kyoto, dégager pour ce faire de nouveaux instruments financiers, définir des solutions innovantes, c’est bien, c’est indispensable. Mais il faut voir au-delà, à l’horizon 2050, 2100, 2150. Les engagements que préfigurent les contributions nationales devront être revus et améliorés, chacun en est conscient. Nous profiterons des évolutions technologiques, dans le domaine des énergies nouvelles et renouvelables, dans les transports, dans les matériaux de construction, dans les systèmes d’alerte météorologique,  dans l’irrigation, dans l’élevage. Nous trouverons de nouveaux débouchés, plus rentables et moins polluants, pour  les hydrocarbures, notamment dans la chimie. L’important à Paris est de réaliser ce que nous n’avons pas pu faire à Copenhague : infléchir la trajectoire.

 

Les montants annoncés dans le cadre des fonds verts ne font qu’augmenter au fil des négociations et le niveau d’engagement de ces fonds demeure quasi nul. Quelle réponse pensez-vous qu’il faille apporter pour la mise en œuvre effective de ces fonds en direction des pays pour les aider à lutter contre le changement climatique ?

 

Plus de dix milliards de dollars souscrits pour le Fonds Vert (dont un par la France), ce n’est pas si mal. Les premiers projets devraient être approuvés en octobre. Mais, bien sûr, ce n’est pas suffisant. Il faut que ce capital serve de catalyseur pour mobiliser des sommes bien plus importantes. L’Agence Française de Développement a une bonne expérience en la matière : en injectant des sommes parfois limitées, elle parvient à rassembler de gros investisseurs, publics ou privés. Il faudra combiner toutes sortes de mécanismes : des dons, mais aussi des prêts, bonifiés ou non, des garanties bancaires, des investissements, des prises de participation. Il n’y aura pas une réponse unique mais un faisceau de réponses. L’engagement croissant du secteur privé dans l’économie verte est un bon signal. Les entreprises joueront un rôle important à la COP de Paris. Les Etats l’ont bien compris. Quand une société construit une usine de panneaux solaires en Afrique, elle y trouve son compte ; le pays concerné également. La lutte contre le changement climatique, c’est du gagnant-gagnant.

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